ZNIEFF 220320028
MARAIS DE LA VALLÉE DE LA SOMME ENTRE DAOURS ET AMIENS

(n° régional : 80VDS112)

Commentaires généraux

DESCRIPTION

Compris entre Amiens et la confluence de la Somme avec l'Avre, le site correspond à un vaste ensemble marécageux comprenant une mosaïque de biotopes tourbeux alcalins, à caractère subatlantique/subcontinental. Il présente une morphologie et des affinités biogéographiques intermédiaires entre la basse vallée élargie et sublinéaire et la moyenne vallée méandreuse.

Des végétations aquatiques et amphibies, des prairies humides, des roselières, des mégaphorbiaies, des cariçaies, des bas-marais et des boisements humides à tourbeux se partagent le territoire. La partie ouest, occupée par les célèbres hortillonnages, présente une certaine originalité. En effet, ces hortillonnages sont le fruit du travail de générations de maraîchers (les "hortillons"), qui ont façonné, pendant des siècles, des petites parcelles destinées à la production maraîchère, délimitées par un réseau dense de canaux (les "rieux"). Aujourd'hui, l'utilisation de ces parcelles est davantage orientée vers les loisirs que vers la culture légumière. Plusieurs secteurs ont conservé un aspect plus naturel, notamment au niveau du lieu-dit "Marais d'Hecquet".

Globalement, seuls les secteurs encore entretenus (pâturage, coupe de saules) offrent un paysage relativement ouvert. Ailleurs, les boisements s'étendent progressivement soit de manière spontanée (saules, aulnes, bouleaux,...), soit par plantations (peupleraies).

Les principaux habitats observés sur le site sont les suivants :

- herbiers à Characées ;

- herbiers flottants du Lemnion gibbae (Lemno-Spirodeletum polyrhizae) ;

- herbiers flottants de l'Hydrocharition morsus-ranae (Lemno trisulcae-Utricularietum vulgaris) ;

- herbiers du Scorpidio scorpioidis-Utricularion minoris (Sparganietum minimi) ;

- divers herbiers submergés (à Ceratophyllum demersum, à Potamogeton pectinatus,...) ;

- herbiers à Nénuphars du Nymphaeion albae (Myriophyllo verticillati-Nupharetum luteae) ;

- herbiers submergés du Potamion pectinati (Potametum colorati,...) ;

- herbiers du Ranunculion aquatilis (Hottonietum palustris,...) ;

- herbiers de chenaux du Ranunculion fluitantis ;

- banquettes amphibies du Glycerio-Sparganion ;

- les roselières tourbeuses du Thelypterido palustris-Phragmitetum ;

- les roselières du Phragmition ;

- les mégaphorbiaies turficoles du Thalictro flavi-Filipendulion ulmariae ;

- les mégaphorbiaies eutrophes du Calystegion sepium ;

- les cariçaies rivulaires du Caricetum elatae, du Caricetum ripario-acutiformis, du Caricetum paniculatae et du Caricetum pseudocyperi ;

- les bas-marais tourbeux alcalins du Junco subnodulosi-Caricion lasiocarpae ;

- les végétations pionnières des rives tourbeuses du Cyperion flavescenti-fusci (Cyperetum flavescenti-fusci) ;

- les prairies hygrophiles du Mentho aquaticae-Juncion inflexi (Pulicario dysentericae-Juncetum inflexi) ;

- les prairies mésophiles du Lolio-Cynosurion ;

- les saulaies fangeuses du Salicion cinerae et les aulnaies de l'Alnion glutinosae (Ribo nigri-Alnetum) ;

- les aulnaies-frênaies de l'Alno-Padion (Filipendulo ulmariae-Alnetum glutinosae) ;

- les boulaies à Sphaignes du Dryopterido cristatae-Betuletum pubescentis, habitats acidophiles ombrogènes ;

- les ourlets eutrophes de l'Aegopodion podagrariae.

Plusieurs petits coteaux font également partie du site. Ils accueillent des ourlets calcicoles du Trifolion medii.

INTERET DES MILIEUX

La plupart des milieux présentent un intérêt de niveau suprarégional et accueillent, de surcroît, de nombreuses espèces végétales et animales remarquables.

Certains habitats présentent un grand intérêt de niveau européen, de par leur inscription à la directive "Habitats" de l'Union Européenne : les herbiers à Characées ; les banquettes amphibies, de l'Eleocharitetum acicularis et du Cyperetum flavescenti-fusci ; les herbiers du Myriophillo verticillati-Nupharetum luteae, de l'Hydrocharitetum morsus-ranae, du Nymphoidetum peltatae (probablement disparu) et du Ranunculion fluitantis ; les voiles de lentilles d'eau du Lemno-Spirodeletum polyrhizae ; les bas-marais tourbeux, du Junco subnodulosi-Caricion lasiocarpae ; les roselières tourbeuses, du Thelypterido palustris-Phragmitetum australis ; les mégaphorbiaies tourbeuses, du Thalictro flavi-Filipendulion ulmariae ; les bétulaies à Sphaignes, du Dryopterido cristatae-Betuletum pubescentis et les aulnaies fangeuses, du Filipendulo ulmariae-Alnetum glutinosae.

INTERET DES ESPECES

Flore :

Un très grand nombre d'espèces remarquables s'observent dans les mares, les bas-marais tourbeux, les roselières, les prairies humides, les mégaphorbiaies et les boisements humides.

Citons :

- la Renoncule langue (Ranunculus lingua*), rare en France ;

- le Peucédan des marais (Peucedanum palustre*), bien représenté sur le site ;

- le Potamot coloré (Potamogeton coloratus*), typique des gouilles tourbeuses aux eaux alcalines ;

- le Rubanier nain (Sparganium natans*), rare en Picardie ;

- le Dactylorhize négligé (Dactylorhiza praetermissa*), typique des prairies humides non amendées ;

- la Gesse des marais (Lathyrus palustris*), exceptionnelle en Picardie ;

- l'Eleocharide épingle (Eleocharis acicularis*), très rare en Picardie ;

- l'Utriculaire commune (Utricularia vulgaris*), espèce exceptionnelle et en danger en Picardie ;

- la Laîche filiforme (Carex lasiocarpa*), très rare et en danger en Picardie ;

- le Faux-nénuphar pelté (Nymphoides peltata*), qui a probablement subi les effets de l'eutrophisation des eaux car il n'a pas été revu très récemment ;

- l'Oenanthe fluviatile (Oenanthe fluviatilis), très rare en Picardie ;

- la Laîche ampoulée (Carex rostrata), assez rare en Picardie ;

- le Butome en ombelle (Butomus umbellatus), très rare en Picardie ;

- le Troscart des marais (Triglochin palustre), inféodé aux prairies humides non amendées ;

- le Souchet brun (Cyperus fuscus), qui colonise les berges en pente douce de plusieurs mares ;

- la Thélyptéride des marais (Thelypteris palustris), bien représenté sur le site.

Plusieurs espèces de sphaignes remarquables ont également été observées sur le site : Sphagnum capillifolium, Sphagnum fimbriatum, Sphagnum flexuosum, Sphagnum palustre, Sphagnum squarrosum, Sphagnum subnitens et Sphagnum papillosum var. laeve.

Faune :

L'avifaune palustre nicheuse est particulièrement remarquable, avec la Rousserolle turdoïde (Acrocephalus arundinaceus), espèce vulnérable au niveau national ; le Busard des roseaux (Circus aeruginosus), inscrit à la directive "Oiseaux" de l'Union Européenne ; le Blongios nain (Ixobrychus minutus), espèce vulnérable en Europe ; la Locustelle luscinioïde (Locustella luscinioides), assez rare en Picardie et la Gorgebleue à miroir (Luscinia svecica), inscrite à la directive "Oiseaux".

Les odonates sont également bien représentés, avec la Cordulie à taches jaunes (Somatochlora flavomaculata), vulnérable en Europe ; la Cordulie à corps fin (Oxygastra curtisii), exceptionnelle en Picardie et protégée en France et l'Agrion délicat (Ceriagrion tenellum), rare en Picardie.

Pour les lépidoptères, citons plusieurs noctuelles rares : l'Herminie crible (Macrochilo cribrumalis), la Noctuelle des roselières (Arenostola phragmitidis) et la Leucanie du roseau (Senta flammea).

Le Triton crêté (Triturus cristatus), amphibien inscrit à l'annexe II de la directive "Habitats", a déjà été observé sur le site.

Enfin, l'ichtyofaune comprend l'Anguille (Anguilla anguilla), en forte densité, le Brochet (Esox lucius) et le Chabot (Cottus gobio).

FACTEURS INFLUENCANT L'EVOLUTION DE LA ZONE

- Le marais communal de Blangy-Tronville (le "Grand Marais de la Queue") est protégé par un Arrêté Préfectoral de Protection de Biotope (depuis 1987), qui interdit tout acte susceptible de porter atteinte aux milieux remarquables du site. La gestion du site est assurée par le Conservatoire des Sites Naturels de Picardie.

- Les marais se caractérisent par un vieillissement généralisé, avec accélération de la dynamique arbustive et préforestière (boisement des roselières, apparition de mégaphorbiaies dans les prairies ...). Les espèces remarquables, inféodées aux milieux ouverts, en subissent les conséquences.

- Ces phénomènes de fermeture peuvent être accélérés soit par l'intervention humaine (plantations de peupliers), soit par la non-intervention (abandon des pratiques d'entretien des milieux ouverts telles que l'exploitation de la tourbe et la fauche des roseaux).

- Globalement, les marais marquent une tendance à l'assèchement, qui s'explique par la réalisation de fossés à pouvoir drainant, par une gestion non optimale des niveaux d'eau de la Somme et par les plantations de peupliers ...

- La qualité des eaux se détériore, conduisant à une régression des espèces aquatiques inféodées aux eaux oligotrophes.

- Les étangs ont tendance à s'envaser. Ce phénomène est provoqué en partie par les limons des plateaux, entraînés dans le cours d'eau par les pluies.

- Le développement des Habitations Légères de Loisirs (HLL) induit une dégradation à la fois paysagère et écologique des marais.

- Les opérations de curage des étangs sont souvent réalisées aux dépens des milieux palustres rivulaires (dépôts des boues de curage sur les berges...), qui sont envahis par les orties.

- Les rieux des hortillonnages commencent à être envahis par Ludwigia grandiflora, une plante originaire d'Amérique. Elle concurrence d'autres espèces indigènes, parfois remarquables.

N.B. : les espèces végétales dont le nom latin est suivi d'un astérisque sont légalement protégées.

Commentaires sur la délimitation

Le site correspond au lit majeur de la vallée de la Somme entre Daours et Amiens. Les milieux palustres y présentent une valeur écologique de niveau européen. Certains milieux sont de moindre intérêt patrimonial mais offrent cependant un intérêt d'ordre fonctionnel (prairies mésophiles, mégaphorbiaies eutrophes, peupleraies ...) et pourraient être restaurés si une gestion adéquate était mise en oeuvre.