DESCRIPTION
Le site de la haute vallée du Thérain comprend les vallées confluantes du Thérain proprement dit et du Petit Thérain (qui le rejoint à Milly-sur-Thérain), depuis les sources jusqu'à Troissereux.
Ces deux vallées s'étirent selon un axe nord-oues/sud-est, lié au synclinal du Thérain, de direction parallèle à l'anticlinal du Bray. Quelques vallées sèches et les vallées de petits affluents (Ru de l'Herboval) faisant partie de la même entité valléenne, et possédant des milieux remarquables, ont été adjointes.
D'un point de vue géologique, les terrains affleurants dominants dans les vallées sont, de haut en bas, les limons de pente et les limons à silex acides (sur le plateau), ainsi que les craies campanienne, sénonienne et coniacienne sur les versants. En amont, les buttes des bois de Mercastel et de Canny sont constituées de sables jurassiques acides. La haute vallée du Thérain se situe, en effet, au contact entre le plateau crayeux picard et le pays de Bray.
En fond de vallée s'étendent des alluvions récentes limoneuses et argileuses, recouvrant des alluvions anciennes plus sablo-graveleuses. Ces assises sont largement exploitées par des carrières, en aval de Milly.
Les cours d'eau sont alimentés par les sources issues de la nappe de la craie, qui approvisionne elle-même la nappe alluviale du Thérain et du Petit Thérain. Les débits des deux Thérain sont donc relativement réguliers, et les eaux carbonatées.
Ces caractéristiques, ainsi que les pentes relativement fortes des lits mineurs (limitant le colmatage des substrats rocheux du lit mineur) et la fraîcheur de l'eau, sont propices au développement des salmonidés. Des bassins de pisciculture en témoignent en plusieurs points des fonds de vallée.
Sur les hauts de versants, les sols sont maigres, voire squelettiques, sur les affleurements crayeux, notamment au niveau des "larris". Bon nombre de ces pentes caillouteuses ont été mises en culture (terrasses délimitées par des rideaux) ou accueillaient un pâturage ovin, aujourd'hui abandonné.
Des pelouses sèches, caractéristiques des larris ,s'y étaient développées. Des brachypodiaies et des formations préforestières buissonnantes les remplacent actuellement, à la suite de l'abandon des pratiques agropastorales. Les dernières pelouses sont cependant maintenues ouvertes en quelques points par les activités des lapins et chevreuils, voire par un pâturage bovin.
Les pelouses calcicoles sont majoritairement rattachées à l'Avenulo pratensis-Festucetum lemanii. La sous-association anthericetosum ramosi est distinguée pour les pelouses submontagnardes psychrophiles sur craie, et la sous-association polygaletosum calcarae pour les pelouses plus thermophiles. Les ourlets submontagnards sur craie sont à rattacher au Seslerio libanotidis-Brachypodietum pinnati.
Sur les pentes orientées au sud, la thermophilie permet la présence d'espèces à affinités subméditerranéennes, proche de leur limite d'aire septentrionale, comme la Belladone (Atropa bella-donna) ou l'Astragale faux-réglisse (Astragalus glycyphyllos)...
La trace du pâturage ovin ancestral est parfois visible dans le paysage au travers de la présence de fourrés de Genévriers (Juniperus communis), espèce épargnée par la dent des moutons et qui caractérise les larris (Vallée Bailly à Marseille-en-Beauvaisis, par exemple).
La forêt gagne sur tout le pourtour des anciennes pelouses : les buissons (viornes, aubépines, églantiers, prunelliers, cornouillers, troènes, noisetiers...) envahissent la pelouse. A terme, une hêtraie thermocalcicole (Cephalanthero-Fagion) s'installe durablement sur les versants ensoleillés.
Sur les pentes exposées au nord se développent des frênaies-acéraies-hêtraies du Lunario-Acerion d'affinités submontagnardes (Mercuriali perennis-Aceretum campestris).
Cette influence submontagnarde est également attestée aux abords de Beauvais, avec la présence de la Seslérie bleuâtre (Sesleria caerulea), espèce psychrophile. Elle est également perceptible en amont de la vallée du Thérain, dans les bois de Mercastel et de Canny, où se trouve la Myrtille (Vaccinum myrtillus) dans des chênaies acides sur sables.
Dans ce secteur, l'humidité plus élevée, notamment liée au relief flirtant avec les deux cents mètres d'altitude, favorise la présence d'aulnaies à sphaignes dans quelques vallons arrosés par des petits rus.
On y trouve également quelques petites prairies humides sur sol acide, pâturées extensivement, où se développent des orchidées paludicoles (Dactylorhiza maculata).
Quelques anciennes carrières souterraines de craie sont présentes dans des talus de la vallée, notamment vers Marseille-en-Beauvaisis. Elles servent de refuge aux chiroptères (chauves-souris) en hibernation.
L'ensemble de ces milieux, aquatiques, pelousaires, forestiers, prairiaux humides et souterrains, constitue une zone d'habitats remarquables pour une flore et une faune de très grand intérêt patrimonial.
INTERET DES MILIEUX
Les pelouses calcicoles, les ourlets, les éboulis, les bois thermocalcicoles, les bois de pente nord, les aulnaies à sphaignes, les bois acides à Myrtille et les pâtures humides oligotrophes sont des milieux rares et menacés en Picardie et dans le nord-ouest de l'Europe. A ce titre, ils sont inscrits à la directive européenne sur les "Habitats".
En Picardie par exemple, à la suite des évolutions de l'économie agricole, les surfaces de pelouses auraient été divisées par vingt environ en un siècle.
Les cours d'eau sont favorables à la reproduction naturelle des salmonidés, phénomène devenu rare en Picardie. Ces parties amont des deux Thérain (jusqu'à Milly-sur-Thérain) comptent parmi les cours d'eau de meilleure qualité de la région.
Les éléments bocagers (prairies, haies, bosquets...) des vallées, en plus de leurs grands intérêts paysager et floro-faunistique, font office de zone-tampon avec les cultures dont les intrants limitent la qualité des eaux souterraines qui alimentent les rivières.
Les sites issus des anciennes carrières de matériaux alluvionnaires sont des milieux complémentaires aux espaces prairiaux et boisés, mais, faute de réaménagements intégrant les potentialités biologiques du fond de vallée, ils n'offrent que peu d'intérêt pour la flore et la faune.
Plusieurs espèces de chiroptères rares et menacés en Europe trouvent un refuge hivernal dans d'anciennes carrières souterraines, et certaines se reproduisent dans des combles de grands bâtiments (églises, châteaux...).
INTERET DES ESPECES
Parmi les espèces végétales les plus remarquables se trouvent les taxons suivants, assez rares à rares en Picardie :
- la Germandrée des montagnes (Teucrium montanum*), sur les écorchures de plusieurs larris ;
- la Phalangère rameuse (Anthericum ramosum*), à Montmille-Fouquenies ;
- le Polygale chevelu (Polygala comosa*), sur les pelouses ;
- la Dorine à feuilles alternes (Chrysosplenium alternifolium*), dans les aulnaies tourbeuses à sphaignes ;
- la Dorine à feuilles opposées (Chrysosplenium oppositifolium) ;
- le Bugle rampant (Ajuga chamaepitys) ;
- l'Euphorbe douce (Euphorbia dulcis), en forêt du Parc Saint-Quentin, en limite d'aire orientale ;
- le Poirier poirasse (Pyrus pyraster) ;
- la Pulsatille vulgaire (Pulsatilla vulgaris) ;
- la Scille à deux feuilles (Scilla bifolia) ;
- la Chlore perfoliée (Blackstonia perfoliata) ;
- le Daphné lauréolé (Daphne laureola) ;
- le Daphne mézéréon (Daphne mezereum) ;
- l'Hellébore fétide (Helleborus foetidus) ;
- l'Ibéride amer (Iberis amara) ;
- le Dompte-venin officinal (Vincetoxicum officinale) ;
- le Thésion couché (Thesium humifusum) ;
- la Digitale jaune (Digitalis lutea) ;
- l'Epiaire des Alpes (Stachys alpina) ;
- la Belladone (Atropa bella-donna), dans les clairières et les lisières ;
- la Benoîte des ruisseaux (Geum rivale) ;
- la Myrtille (Vaccinium myrtillus), dans le bois de Mercastel et de Canny ;
- le Dactylorhize tacheté (Dactylorhiza maculata), près de Saint-Samson-la-Poterie ;
- le Populage des marais (Caltha palustris) ;
- la Cardamine amère (Cardamine amara) ;
- la Laîche ovale (Carex ovalis) ;
- le Polystic à aiguillons (Polysticum aculeatum) ;
- le Séséli libanotide (Seseli libanotis) ;
- la Cotonnière à feuilles spatulées (Filago pyramidata) ;
- la Cotonnière naine (Filago minima) ;
- l'Epervière tachetée (Hieracium maculatum) ;
- l'Ornithogale des Pyrénées (Ornithogalum pyrenaicum), dans la forêt de Caumont...
De nombreuses orchidées sont également présentes sur les larris, dont de belles populations d'Himantoglosse à odeur de bouc (Himantoglossum hircinum), la Céphalanthère à grandes fleurs (Cephalanthera damasonium), l'Epipactis rouge foncé (Epipactis atrorubens), la Néottie nid-d'oiseau (Neottia nidus-avis), l'Ophrys frelon (Ophrys fuciflora), l'Ophrys mouche (Ophrys insectifera)...
La faune comprend les espèces précieuses suivantes :
Avifaune :
- la Bondrée apivore (Pernis apivorus), le Pic noir (Dryocopus martius), le Busard Saint-Martin (Circus cyaneus), le Martin-pêcheur (Alcedo Atthis), espèces inscrites en annexe I de la directive "Oiseaux" de l'Union Européenne.
Entomofaune :
- le Caloptéryx vierge (Calopteryx virgo) et l'Agrion de Vander Linden (Cercion lindenii), odonate des cours d'eau à fonds caillouteux ou sablonneux ;
- plusieurs lépidoptères remarquables, inféodés aux pelouses thermophiles : le Fluoré (Colias australis), l'Azuré bleu-céleste (Lysandra bellargus), l'Azuré bleu-nacré (Lysandra coridon)...
Herpétofaune :
- la rare Vipère péliade (Vipera berus), menacée en France, qui subsiste sur quelques larris ;
- le Triton alpestre (Triturus alpestris) et la Grenouille agile (Rana dalmatina), espèces inscrites en annexe IV de la directive "Habitats", présentes dans les mares des grands bois.
Mammalofaune :
- plusieurs espèces de chauves-souris, rares et menacées en Europe, passent l'hiver dans des anciennes carrières souterraines, comme le Grand Murin (Myotis myotis) et les Vespertilions à oreilles échancrées et de Bechstein (Myotis emarginatus et M. bechsteini). Le Grand Murin se reproduit à Troissereux et le Grand Rhinolophe (Rhinolophus ferrumequinum) y est présent en période de reproduction.
Le rare Muscardin (Muscardinus avellanarius) est présent sur le coteau de Fouquenies.
FACTEURS INFLUENCANT L'EVOLUTION DE LA ZONE
La problématique principale de la vallée tient dans son évolution de l'occupation du sol. Les coteaux anciennement pâturés connaissent un envahissement progressif des ligneux : les dernières pelouses ouvertes sont menacées par l'extension des stades préforestiers. Il s'ensuit une perte de diversité biologique importante. Les plantations de résineux conduisent à la même banalisation biologique et paysagère.
La coupe circonstanciée des arbustes envahissants serait donc souhaitable sur les ultimes pelouses, avec, dans l'idéal, la restauration d'un pâturage ovin extensif.
L'identité paysagère des vallées des deux Thérain et de leurs affluents repose très largement sur les herbages enclos de haies et parsemés de vergers. Le paysage traditionnel bocager de l'Oise normande gagnerait à être revalorisé au travers d'une agriculture extensive, au minimum dans la vallée, ce qui serait largement profitable au développement du tourisme rural.
Par ailleurs, le réaménagement des anciennes carrières de granulats pourrait privilégier une valorisation biologique par la création de roselières, de prairies humides et d'îlots sinueux en pente douce, préférables à un talutage trop raide et à un reboisement.
Le Schéma Départemental des Carrières, adopté en 1999 par arrêté préfectoral, interdit dorénavant l'ouverture de nouvelles carrières dans cette zone.
N.B. Les espèces dont le nom est suivi d'un astérisque sont légalement protégées.
La ZNIEFF englobe les vallées des deux Thérain et quelques vallées adjacentes dont le patrimoine biologique et paysager est remarquable. Autant que possible, les plus grandes zones de cultures des plateaux sont évitées.
La limite de la vallée est prise au niveau de la convexité sommitale, afin d'englober une portion minimale des bassin-versants des rivières de bonne qualité, portions qui constituent également une entité paysagère importante typique de l'Oise normande.