ZNIEFF 230000318
LA HAUTE FORÊT D'EU, LES VALLÉES DE L'YÈRES ET DE LA BRESLES

(n° régional : 7101)

Commentaires généraux

Cette grande entité géographique du Petit Caux ou du Talou rassemble les deux grandes vallées côtières de l’Yères et de la Bresle (fonds et versants seinomarins), orientées Sud-Est / Nord-Ouest, ainsi que la plus vaste partie du massif forestier d’Eu, la Haute forêt au sens large, la Basse forêt faisant l’objet d’une znieff distincte (identifiant national 230009226). Elle regroupe ainsi une très grande variété de milieux naturels faiblement anthropisés : bois, tourbières, prairies, mares, haies, pelouses calcicoles, marais, rivières avec végétations aquatiques et rivulaires, étangs, abritant une flore et une faune riches et remarquables (notamment une dizaine d’espèces végétales protégées en Haute Normandie).

LA HAUTE FORÊT D’EU s’étend sur un grand plateau dominant les deux rivières et culminant à 215 m d’altitude (Poteau Maître Jean). Elle comprend les massifs du Triage, de la Haute forêt, de Guimerville, de Grand Marché, ainsi que des bois domaniaux situés en vallée de l’Yères. C’est l’un des plus grands massifs forestiers hauts-normands (environ 7000 ha). Du XVème au XVIIIème siècle, cette forêt fut très fortement exploitée notamment pour alimenter les fours des verreries. A partir de 1825, elle fut l’objet d’un véritable aménagement sylvicole favorisant le régime de futaie, ce qui nous permet d’admirer aujourd’hui des arbres de plus de 200 ans. Les peuplements sont essentiellement des futaies de Hêtre, comme dans la plupart des forêts haut-normandes ; le climat humide et doux étant favorable à cette essence, celle-ci a été privilégiée par les forestiers. Elle domine pour 66 % du couvert. Le Chêne sessile est encore peu représenté (16 %) mais il est aujourd’hui favorisé en vue de diversifier les essences dans le contexte du réchauffement climatique. Les groupements forestiers les plus courants sont en lien avec les quatre principaux types de stations forestières :

- Hêtraies-chênaies neutrophiles à acidiphiles en situation sommitale sur les sols limono-argileux, marquées par de vastes tapis printaniers de Jacinthe des bois ou à sous-bois de Houx (Endymio-Fagetum, habitat d’intérêt communautaire 91.30 - 3) ;

- Hêtraies-chênaies acidiphiles à Houx en bordure du plateau, sur pente colluviale, sur les argiles à silex (Ilici-Fagetum, habitat d’intérêt communautaire 91.20) ;

- Hêtraies-chênaies calcicoles sur les pentes aux sols crayeux et secs à rendzines ou sols bruns calciques (Daphne-Fagetum, habitat d’intérêt communautaire 91.30 - 2) ;

- Hêtraies-chênaies (avec Chêne pédonculé) et frênaies, neutrophiles à calcicoles, dans les vallons frais et en bas de pente, sur colluvions et sols parfois humides.

Deux autres habitats naturels sont représentés et classés d’intérêt communautaire (au titre de la directive Habitats) :

- La tourbière haute active 71.10,

- Les pelouses sèches calcicoles à orchidées remarquables 62.12.

D’autres habitats sont d’intérêt patrimonial : des mares forestières, des talus, lisières et chemins forestiers à flore rare (notamment des fougères à affinité montagnarde).

Huit znieff forestières de type I, d’intérêt local fort, intègrent la haute forêt d’Eu ; elles comportent :

- des habitats tourbeux acides dont des mares oligotrophes à sphaignes,

- des hêtraies acidiphiles à Houx,

- des hêtraies à Jacinthe des bois,

- des hêtraies neutrophiles à calcicoles, à orchidées rares (dont Céphalanthère à longues feuilles, Epipactis à labelle étroit, Epipactis à petites feuilles, Epipactis de Müller),

- des frênaies de ravin, stations fraîches à fougères,

- des lisières de pelouses sèches calcicoles.

La faune remarquable est caractérisée par des oiseaux (Pic noir, Bondrée apivore, Busard Saint-Martin), des mammifères (Grand Murin, Grand Rhinolophe, Murin de Bechstein, Murin de Natterer, Putois d’Europe, Hermine, Campagnol amphibie,…), des batraciens (Triton palmé, Triton alpestre, Triton ponctué), des reptiles (Coronelle lisse), des insectes (carabes rares à affinité montagnarde, Lucane cerf-volant, Damier de la Succise), liste non exhaustive. Il n’y a pas de population de Cerf ; le Chevreuil et le Sanglier y sont des espèces courantes.

Une partie du massif forestier ainsi que des pelouses calcicoles représentant 778 ha sont classées dans le site Natura 2000 n°FR2300136 « La forêt d’Eu et les pelouses adjacentes ».

LES VALLEES de l’Yères et de la Bresle concentrent la biodiversité. De l’aval à l’amont, c’est-à-dire du fond humide où serpente la rivière au sommet des versants prairiaux ou boisés, celles-ci forment de vastes corridors caractérisés par une grande diversité de milieux naturels. Elles abritent notamment les zones humides, milieux d’une extrême diversité et productivité biologiques, hébergeant de nombreuses espèces spécialisées, parfois exceptionnelles. Outre cette fonctionnalité écologique, les zones humides jouent un rôle fondamental pour le recueil et l’autoépuration des eaux, le soutien d’étiage et la réalimentation des cours d’eau et des nappes phréatiques, la prévention des inondations. Les flancs des coteaux et les vallons secondaires comportent des milieux prairiaux originaux, ainsi que des boisements secs à frais différents de ceux du plateau. Des haies, plus ou moins continues, prolongent les strates arborées et arbustives jusqu’au fond humide de la vallée. De nombreuses espèces végétales et animales vivent, s’abritent, se nourrissent et se reproduisent dans ces habitats de fort intérêt écologique.

LA VALLEE DE L'YERES : D’Aubermesnil-aux-Erables (source de l’Yères) près de Foucarmont à Criel-sur-Mer, la vallée s’étire sur une quarantaine de kilomètres du Sud-Est vers le Nord-Ouest. L’altitude décroît de 128 à 0 m. De très nombreux vallons secondaires, le plus souvent secs, entaillent le plateau crayeux surtout en rive gauche où les versants ont une pente plus douce qu’en bordure orientale, donnant un caractère dissymétrique à cette vallée. Ils sont principalement occupés par des cultures mais subsistent des prairies sèches calcaires au cortège calcicole typique (orchidées, Hélianthème, Chlore perfoliée, Parnassie, Polygala, Hippocrépide, Bugrane, Brize, Anthyllide), ainsi que des petits boisements originaux, acidiphiles à calcicoles, et des haies formant des corridors entre ces bois et le fond.

A contrario de la vallée de la Bresle, les alluvions du lit majeur de l’Yères ont été peu exploitées. Le fond de la vallée est encore riche de zones humides, composées d’habitats hygrophiles variés : prairies humides, bois marécageux et mégaphorbiaies, à Berle, Laîches, Catabrose (exceptionnel), Benoîte des ruisseaux, Joncs, Prêles, Reine des prés, etc.

Les eaux de l’Yères sont globalement de bonne qualité et propices à une bonne productivité biologique. Quelques sites à herbiers aquatiques plus ou moins variés sont présents. Classée en cours d’eau de première catégorie piscicole, l’Yères héberge des espèces remarquables de poissons notamment les Lamproies de Planer et de rivière et le Chabot, espèces d’intérêt européen, ainsi que la Truite de mer et l’Anguille. Ce fleuve, au débit assez tranquille (3m3/s en moyenne) est agrémenté d’une quarantaine de vieux moulins, conférant à cette vallée un caractère traditionnel surtout dans ses parties médiane et amont. Cependant, de nombreux ouvrages, dont certains de ces moulins, ainsi que la buse maritime de Criel-sur-mer, empêchent une libre circulation des espèces migratrices, notamment le Saumon atlantique, fortement potentiel mais encore absent de ce fleuve.

Vingt-cinq znieff de type I ont été définies dans cette vallée ; elles recensent des prairies subhalophiles, des prairies humides, des mégaphorbiaies, des roselières, des sources, des pelouses calcicoles comportant des espèces rares et remarquables telles que des orchidées (Ophrys bourdon, Céphalanthère à grandes fleurs, Orchis militaire, Dactylorhize de Fuchs), des papillons (Damier de la Succise, Thécla du bouleau, Zygène de la vesce), des criquets et sauterelles (Criquet de la Palène, Phanéroptère falqué) pour ne citer que quelques exemples. Ces sites ponctuels de fort intérêt écologique concernent également des fourrés à Genévrier, des pâturages, des petites forêts de ravin à fougères, des petites forêts alluviales, des peupleraies. Les habitats humides abritent le Crossope aquatique, petite musaraigne rare en Haute-Normandie. Les habitats aquatiques et humides recensés d’intérêt patrimonial et communautaire, ainsi que les espèces de poissons d’intérêt européen, ont permis de déclarer cette vallée en site Natura 2000 n°FR2300137 « L’Yères » sur une superficie de 448 ha.

LA VALLEE DE LA BRESLE : Le fond de cette large vallée, longue d’environ 70 km et frontalière avec la Somme, est ponctué d’étangs, anciennes ballastières nées de l’extraction des alluvions aquifères. Les habitats prairiaux hygrophiles, marais, tourbières, bois humides ont beaucoup pâti de cette exploitation qui a engendré des impacts hydrodynamiques et physico-chimiques non négligeables sur la Bresle et la nappe alluviale. Toutefois, il subsiste des groupements humides, ripisylves diversifiées, prairies hygrophiles, particulièrement riches sur le plan biologique et complémentaires des étangs (bénéfiques aux oiseaux d’eau).

Sur les flancs ondulés de la vallée, alternent les cultures, les prairies mésophiles et les laris, pelouses sèches au cortège calcicole caractéristique dont l'Ophrys bourdon protégé régionalement, l'Ophrys abeille, l'Ophrys mouche, l'Hélianthème nummulaire, la Véronique germandrée, la Parnassie, la Carline, l’Anémone pulsatille. Les bois occupent le sommet des versants. Les pré-bois offrent des lisières thermophiles intéressantes qui se poursuivent, là encore, par des haies et des talus, soulignant le parcellaire et constituant des corridors pour la petite faune et la flore.

Une quinzaine de znieff de type I ont été délimitées sur cette moitié normande de la vallée : elles recensent des herbiers aquatiques à Renoncule à feuilles capillaires, des végétations hygrophiles rivulaires (à Laîche paniculée, Petite Berle, Zannichellie des marais), des aulnaies marécageuses (à Prêles, Fougère des marais), des mégaphorbiaies à Reine des prés, des magnocariçaies, des roselières à Phragmite des joncs, des prairies humides à Orchis négligé et Benoîte des ruisseaux, des peupleraies. Sur les coteaux, il s’agit de pelouses et de fourrés calcicoles, de fruticées à Genévrier commun, de hêtraies neutrophiles et de forêts de ravin.

En faune remarquable, soulignons la présence du Damier de la Succise, du Criquet de la Palène, de la Decticelle des bruyères et du Lézard vivipare.

La Bresle, classée cours d’eau de première catégorie dans son intégralité, accueille lors de leur reproduction des saumons atlantiques et des truites de mer en grand nombre. C’est l’une des deux dernières rivières (avec l’Authie) du nord de l’Europe à permettre la remontée du Saumon atlantique. Elle abrite aussi les Lamproies de Planer, fluviatile et marine, l’Anguille (qui grandit ici en rivière mais se reproduit en mer des Sargasses), ainsi que le Chabot.

La vallée de la Bresle est classée dans le réseau européen Natura 2000 : site interrégional n°FR2200363 « Vallée de la Bresle » ; la partie seinomarine représente 7% du site.

Commentaires sur la délimitation
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