Au sein du vaste ensemble écologique du Marais-Vernier qui englobe toute la boucle de la Seine, la présente ZNIEFF de type I comprend une partie du Marais neuf ou Marais alluvial qui s’étire entre le Vieux Marais ou Marais tourbeux et la Route Nationale 178. Cette zone s’étend ainsi depuis la Digue des Hollandais, le pied du coteau vers Marais-Vernier et la Route Nationale, sur la commune de Marais-Vernier.
Le Marais neuf est un polder gagné sur la mer ou Marais désséché sur d’anciennes vases.
Sur le plan géomorphologique, la formation d’une barre alluviale avait isolé le Marais neuf du Marais ancien : la tourbe avait pu s’accumuler dans ce dernier, mais pas dans le Marais neuf, où seules des vases argilo-limoneuses se sont déposées lors d’épisodes de recouvrements marins.
Le paysage dominant est celui de vastes parcelles de prairies, parcourues de nombreux fossés, ponctuées de mares et frangées de systèmes de haies vives dans sa partie méridionale. Les sols lourds y ont été drainés pour améliorer la rentabilité agricole.
Les prairies sont dominées par la formation de l’Hordeo secalini-Lolietum perennis, caractéristique des prairies de fauche mixtes et pâtures mésohygrophiles du fond de vallée de la Seine. Les mares et fossés en eau abritent des groupements hydrophytiques remarquables (Hydrocharition morsus-ranae, Lemnion gibbae, Potamion eurosibiricae, Charetalia hispidae, etc.).
L’intérêt écologique exceptionnel de l’ensemble du Marais-Vernier est reconnu au travers de son inscription (sur une grande partie de sa surface) au titre de la Directive Oiseaux de l’Union Européenne en tant que ZICO (Zone d’Importance Communautaire pour les Oiseaux) et Z.P.S. Zone de Protection Spéciale, et de son intégration au réseau Natura 2000.
Les espèces déterminantes de ZNIEFF (exceptionnelles à assez rares et menacées en Haute-Normandie) sont notamment les suivantes :
-dans les milieux aquatiques se développent de belles populations des très rares Morrène aquatique (Hydrocharis morsus-ranae) et Wolffie sans racines (Wolffia arrhiza), ainsi que des rares Spirodèle à plusieurs racines (Spirodela polyrhiza), Renoncule peltée (Ranunculus peltatus), Zannichellie des marais (Zannichellia palustris subsp. palustris) et Lenticule gibbeuse (Lemna gibba),
-les dépressions et fossés atterris abritent des populations parfois importantes de Butome en ombelle (Butomus umbellatus) qui peut former faciès (association du Butometum umbellati), Samole de Valerand (Samolus valerandi), Scirpe maritime (Scirpus maritimus), Oenanthe aquatique (Oenanthe aquatica), Guimauve officinale (Althaea officinalis), Rorippes des marais et amphibie (Rorippa palustris, R. amphibia), Pigamon jaune (Thalictrum flavum), Chou noir (Brassica nigra), Epiaire des marais (Stachys palustris), etc.
-les prairies abritent de très importantes populations d’Orge faux-seigle (Hordeum secalinum), espèce bien représentée dans les marais alluviaux de la basse vallée de la Seine mais beaucoup plus rare à l’échelle de la Région.
Quelques orchidées peu communes sont présentes sur des talus secs bordant la digue des Hollandais, avec notamment l’Anacamptis pyramidal (Anacamptis pyramidalis), l’Ophrys abeille (Ophrys apifera), etc.
Le patrimoine faunistique est de niveau international (secteur intégré à la ZICO = Zone d’Importance Communautaire pour les Oiseaux et à la ZPS = Zone de Protection Spéciale), spécialement pour l’avifaune. Ainsi, parmi les oiseaux, on note :
-plusieurs nids occupés par la Cigogne blanche (Ciconia ciconia),
-des colonies du rare Vanneau huppé (Vanellus vanellus),
-des populations importantes de Tarier des prés (Saxicola rubetra) et de Bergeronnette flavéole (Motacilla flava flavissima), assez rares dans la région,
-de nombreux couples nicheurs de Chevêche d’Athéna (Athene noctua) qui se reproduisent dans les cavités des vieux saules ou frênes taillés en têtards et les vieux pommiers, de même que le Rougequeue à front blanc (Phoenicurus phoenicurus), particulièrement abondant dans les vieux vergers proches de la digue des Hollandais,
-le rare Faucon hobereau (Falco subbuteo),
-la Cisticole des joncs (Cisticola juncidis), la Bouscarle de Cetti (Cettia cetti), la Fauvette babillarde (Sylvia curruca) dans les haies.
Par ailleurs, bon nombre d’Anatidés, de limicoles, d’Ardéidés, de passereaux et de rapaces utilisent comme halte migratoire les prairies et les milieux aquatiques et amphibies (mares, dépressions humides, prairies inondées).
Des mares de chasse au gabion sont d’ailleurs installées dans les prairies pour mettre à profit ces stationnements aviens.
L’entomofaune comprend de très nombreuses espèces remarquables :
- pour les odonates, on peut noter la présence dans les mares et fossés du Marais neuf de l’Agrion de Vander Linden (Cercion lindenii), du rare Agrion mignon (Coenagrion scitulum), et de la Libellule écarlate (Crocothemis erythraea).
- parmi les orthoptères, le Conocéphale des roseaux (Conocephalus dorsalis) assez rare en Haute-Normandie et dans le Bassin Parisien, le Criquet marginé (Chorthippus albomarginatus) et le Tetrix riverain (Tetrix subulata), ont été observés sur les bords de mares et de dépressions humides.
D’importantes populations de Rainette verte (Hyla arborea), menacée aux échelles régionale, nationale et européenne, ainsi que le Triton crêté (Triturus cristatus), inscrit à l’annexe II de la Directive Habitats, ont été contactés dans les mares et fossés intra-prairiaux.
Concernant l’évolution des milieux, il importe de souligner que les prairies humides ont été souvent altérées par le drainage, l’intensification et surtout la mise en cultures (avec une perte d’environ 2000 ha sur tout le Marais-vernier depuis le Plan Marshall d’après guerre). Une trop forte intensification agricole génère en effet une banalisation de la flore et de la faune des prairies et des mares (augmentation des intrants et de la pression de pâturage, fauches de plus en plus précoces…).
Pour maintenir la qualité biologique et paysagère de ce marais remarquable et pérenniser sa fonctionnalité et son intérêt agricole traditionnel, il est donc nécessaire de soutenir et valoriser des pratiques pastorales extensives.
Dans ce cadre, la mise en place de la Directive Habitats de l’Union Européenne devrait favoriser, progressivement, le soutien des pratiques pastorales compatibles avec le maintien de cette biodiversité.