ZNIEFF 230030847
LES PRAIRIES ALLUVIALES DE LA BASSE VALLÉE DE LA RISLE

(n° régional : 87040007)

Commentaires généraux

Dans la partie aval de la vallée de la Risle entre Pont-Audemer et Le Blanc Banc à Saint-Samson de la Roque, le lit majeur est essentiellement occupé par des prairies méso-hygrophiles parcourues de nombreux fossés et ponctuées de mares. Les sols lourds sont développés sur des alluvions argileuses et limoneuses.

Cette zone alluviale est reconnue en Znieff de type I du fait de sa richesse biologique très élevée. Elle fait partie de la Znieff de type II "Basse Vallée de la Risle et vallées conséquentes de Pont-Audemer à la Seine".

Noter que la Risle maritime appartient aux Znieff marines de type II "Baie de Seine orientale" et de type I "Filandres amont de l'estuaire de Seine", démontrant la forte connexion écologique entre le milieu marin et le milieu continental.

Cette Znieff enfin fait partie intégrante du Parc Naturel Régional des Boucles de la Seine normande, et est incluse dans la ZPS FR2310044 "Estuaire et marais de la Basse Seine" et dans la ZSC FR2300122 "Marais Vernier, Risle maritime" au titre des directives Oiseaux et Habitats du dispositif Natura 2000.

FLORE

Cette zone humide constitue une entité écologique importante en Haute-Normandie. Les prairies humides ont en effet fortement régressé depuis Plusieurs décennies, spécialement dans les vallées de la Seine et de ses affluents.

Elle est alimentée en eau notamment par un semis de petites sources latérales. Du fait de l'humidité des sols, ces terres ne sont pas souvent mises en cultures : le fond de vallée reste avant tout voué à l’élevage. Les prairies méso-hygrophiles sont valorisées par la fauche et/ou le pâturage : les prairies mixtes sont d’abord fauchées en juin, puis elles sont suivies d’un pâturage estival. Des vastes surfaces sont cependant exclusivement utilisées pour la récolte du fourrage vers Bouquelon et Saint-Samson de la Roque. Ces prairies se rattachent essentiellement à l’Hordeo secalini-Lolietum perennis avec divers faciès selon les pratiques de fauche et de pâturage. Certaines prairies ont été resemées à des fins pastorales, notamment en Ray-Grass (Lolium perenne), ce qui a réduit leur diversité végétale.

Un réseau de haies vives et de Saules blancs (Salix alba) taillés en têtards délimite certaines parcelles, conférant un aspect bocager remarquable à plusieurs secteurs. Les mares et fossés en eau abritent des groupements hydrophytiques variés (Lemnion gibbae, Hydrocharition morsus-ranae, Potamion eurosibiricae…).

Les espèces déterminantes de Znieff (exceptionnelles à assez rares et menacées en Haute-Normandie) y sont nombreuses. Dans les fossés en eau vers Foulbec, Saint-Samson de la Roque, se développent de belles populations des très rares Morène aquatique (Hydrocharis morsus-ranae) et Wolffie sans racines (Wolffia arrhiza), des rares Spirodèle à plusieurs racines (Spirodela polyrhiza) et Lenticule gibbeuse (Lemna gibba). Le Cornifle submergé (Ceratophyllum submersum), espèce protégée en région Normandie, est présent en divers points de Saint-Samson de la Roque.

Les mares du secteur de Conteville abritent des populations parfois importantes de Baldellie fausse-renoncule (Baldellia ranunculoides subsp. ranunculoides), légalement protégée en Haute Normandie, Butome en ombelle (Butomus umbellatus), Salicaire à feuilles d’Hyssope (Lythrum hyssopifolia), Samole de Valerand (Samolus valerandi), Scirpe maritime (Scirpus maritimus), Plantain d’eau lancéolé (Alisma lanceolatum), Oenanthe fistuleuse (Oenanthe fistulosa), Sagittaire flèche d’eau (Sagittaria sagittifolia), Pesse d’eau (Hippuris vulgaris), Guimauve officinale (Althaea officinalis), Rorippe des marais (Rorippa palustris), etc.

Plusieurs prairies humides abritent l’exceptionnel Orchis à feuilles lâches (Orchis laxiflora) à Conteville et Foulbec. L’Oenanthe safranée (Oenanthe crocata) est abondante en bordure de la Risle. Une ancienne peupleraie à Foulbec abrite quelques milieux intéressants comprenant entre autres le rare Jonc bulbeux (Juncus bulbosus), les très rares Epilobe des marais (Epilobium palustre) et Jonc subnoduleux (Juncus subnodulosus), le Dactylorhize tacheté (Dactylorhiza maculata), etc.

Parmi les autres espèces végétales remarquables, on recense notamment la Laîche distique (Carex disticha), l’abondant Orge faux-seigle (Hordeum secalinum), la Grande Glycérie (Glyceria maxima), la Scutellaire toque (Scutellaria galericulata), la Massette à feuilles étroites (Typha angustifolia), le Chou noir (Brassica nigra),...

FAUNE

Le patrimoine faunistique est également remarquable.

Ainsi, pour les oiseaux :

-plusieurs nids occupés par la Cigogne blanche (Ciconia ciconia) ont été repérés sur des arbres isolés près des prairies humides parcourues de fossés à batraciens qu’elle affectionne,

-des colonies du rare Vanneau huppé (Vanellus vanellus) sont présentes dans les pâtures humides ou en bordure de dépressions et de cultures, -le Faucon hobereau (Falco subbuteo) chasse dans un vaste périmètre, ainsi que la Bondrée apivore (Pernis apivorus),

-les populations de Traquet tarier (Saxicola rubetra), espèce assez rare dans la région, sont relativement importantes, disséminées dans les prairies de fauche les plus extensives,

-la Chevêche d’Athéna (Athene noctua), rapace nocturne qui se raréfie, niche dans les cavités de vieux saules taillés en têtards, de même que le Rouge-queue à front blanc (Phoenicurus phoenicurus),

-quelques mâles chanteurs de Cisticole des joncs (Cisticola juncidis) ont été repérés vers les fossés du Marais de la Pointe de la Roque, ainsi que de nombreux chanteurs de Bouscarle de Cetti (Cettia cetti) dans les haies disséminés dans la vallée, et le Phragmite des Joncs (Acrocephalus schoenobaenus)

-les secteurs les plus humides sont utilisés par de nombreux Anatidés, limicoles, Ardéidés, rapaces, passereaux , etc. , comme halte migratoire.

L’entomofaune comprend aussi plusieurs espèces remarquables, avec parmi les Odonates :

-l’Agrion de Mercure (Coenagrion mercuriale), espèce menacée en Europe (inscrite à l’annexe II de la Directive habitats de l’Union Européenne) et protégée en France, trouve ici ses seules localités connues de Haute Normandie,

-la Naïade de Vander Linden (Cercion lindenii),

-l’Agrion gracieux (Coenagrion pulchellum),

-le rare Agrion mignon (Coenagrion scitulum),

-le très rare Agrion vert (Erythromma viridulum) au niveau de mares à Conteville, etc.

S’agissant des Orthoptères, le Criquet ensanglanté (Stetophyma grossum) et le Conocéphale des roseaux (Conocephalus dorsalis), espèces assez rares à rares en Haute-Normandie et dans le Bassin Parisien, sont particulièrement bien représentés dans les pâtures les plus humides et les cariçaies, jonchaies des bords des eaux, ainsi que le Tetrix riverain (Tetrix subulata), assez rare.

La batracho-faune comprend notamment, dans la partie aval (Marais de la Roque, Conteville), des populations importantes de Rainette verte (Hyla arborea), rare en Haute-Normandie et menacée aux échelles régionale, nationale et européenne.

Le cours de la Risle présente par ailleurs un intérêt ichtyologique (et halieutique) élevé du fait des remontées des Truites de mer et Saumons atlantiques ainsi que de Lamproies. Des Truites fario (Salmo trutta fario), des Chabots (Cottus gobio) et des Anguilles (Anguilla anguilla) vivent également dans cette rivière et ses affluents. La Risle est l’une des rares rivières françaises à être encore bien fréquentée par ces poissons migrateurs menacés en Europe.

Cette zone humide est menacée par la dévalorisation des prairies humides, qui risquent d’être alors plantées en peupliers (plusieurs vastes parcelles l’ont déjà été sur les communes de Foulbec, Conteville et Saint-Sulpice de Grimbourville), abandonnées ou transformées en cultures.

L’augmentation des apports d’intrants et de la pression de pâturage, ou de la précocité des dates de fauches contribuent également à limiter l’intérêt biologique de certains secteurs.

Ainsi, un soutien au développement de modes opératoires agricoles extensifs (fauche, pâturage, entretien des haies et des alignements des saules têtards…) pour les agriculteurs volontaires apparaît indispensable pour maintenir la qualité biologique et paysagère de cette zone humide, ainsi que pour pérenniser sa fonctionnalité hydraulique et son intérêt agricole traditionnel.

Commentaires sur la délimitation

Le périmètre de cette Znieff a été redéfini suite aux créations de Znieff marines en juin 2015.

La partie subtidale de la Znieff a été découpée et accolée aux nouvelles Znieff marines de type 2 "Baie de Seine orientale" (N°NAT : 23M000004) et de type 1 "Filandres amont de l’estuaire de Seine" (N°NAT : 23M000007) afin de respecter la méthodologie du MNHN.