ZNIEFF 230031039
LA ZONE ALLUVIALE DE LA BOUCLE DE ROUMARE, D'HÉNOUVILLE ET DE HAUTOT-SUR-SEINE

(n° régional : 8519)

Commentaires généraux

La zone humide établie sur des alluvions récentes s’étend entre Hénouville à l’amont et Hautot-sur-Seine à l’aval ; elle s’inscrit entre le fleuve et le massif forestier de Roumare, dans le coude de la Seine qui forme la ‘’Boucle de Roumare’’. Cette ZNIEFF de type II couvre, sur plus de 1300 ha, l’ensemble de cette zone humide alluviale. Elle englobe sur le secteur d’Hénouville à Quévillon la ZNIEFF de type I ‘’les marais d’Hénouville à Quévillon’’ (8519.0002 ), qui est le plus riche en habitats, en espèces végétales et animales remarquables, ainsi que la ZNIEFF de type I ‘’Trou de la Fontaine’’ à Hénouville (8519.0001 ), mais aussi les autres secteurs, où les sites remarquables sont moins densément répartis.

Comme souvent le long du fleuve à l’aval de Rouen, les digues limitent les crues inondantes de la Seine. Cependant, les fortes précipitations et les mouvements verticaux de la nappe peuvent inonder, régulièrement ou occasionnellement, les secteurs les plus déprimés. Si ces inondations constituent une contrainte pour les activités agro-pastorales, elles favorisent la présence d’une flore et d’une faune hygrophiles de grand intérêt patrimonial. En effet, les secteurs les plus longuement inondés apparaissent comme les plus riches sur le plan écologique.

Ces sols inondables sont difficilement cultivables : ces marais ont avant tout une vocation prairiale. Les herbages mésohygrophiles à hygrophiles sont utilisés pour la fauche et/ou le pâturage : de nombreuses parcelles sont tout d’abord fauchées, le plus souvent en juin, puis les troupeaux y sont mis à l’herbe en été. Des parcelles sont cependant uniquement utilisées pour la récolte du fourrage. Ces prairies de fauche (alliances phytosociologiques de l’Arrhenatherion elatioris et du Bromion racemosi) sont conduites de façon plus ou moins intensive, notamment en fonction de leur inondabilité. Certaines prairies ont d’ailleurs été semées pour augmenter leur productivité, par exemple en Ray-Grass (Lolium perenne), ce qui a réduit leur diversité végétale.

Un vaste bocage de haies basses et/ou de saules et de frênes taillés en têtards (exploitation traditionnelle du bois de chauffe) structure le paysage, de même que les mares, les dépressions humides et les fossés. Certains secteurs ont pu être mis en cultures sur des terres plus souvent ressuyées car un peu plus élevées topographiquement.

Le groupement à Œnanthe à feuilles de Silaus (Oenanthe silaifolia) et Séneçon aquatique (Senecio aquaticus) (association du Senecio aquatici-Oenanthetum silaifoliae), de plus en plus rare et dégradé dans les vallées alluviales de France, est observé dans quelques prairies de fauche parmi les plus extensives et humides

Des dépressions permettent le développement de formations hygrophiles (groupements du Sparganio-Glycerion, Eleocharo palustris-Oenanthetum fistulosae, Alopecuretum geniculati s.-l., Phalaridetum arundinaceae s.-l.…). Quelques mares et ou fossés qui restent en eau au printemps et en été abritent des formations à Rorippe amphibie (Rorippa amphibia), à Renoncule à feuilles capillaires (Ranunculus trichophyllus) qui sont des espèces assez rares.

Le patrimoine végétal est important. On note la présence de nombreuses espèces déterminantes de ZNIEFF au statut de rareté en Haute-Normandie exceptionnel à assez rare, dont les rares Oenanthe à feuilles de Silaus et Œnanthe fistuleuse (Oenanthe silaifolia, O. fistulosa), le très rare Séneçon aquatique (Senecio aquaticus), les rares Colchique des prés (Colchicum autumnale) et Euphorbe des marais (Euphorbia palustris), l’Orge faux-seigle (Hordeum secalinum), le Brome rameux (Bromus racemosus), la Grande Glycérie (Glyceria maxima), la Laîche distique (Carex disticha), la Centaurée noire (Centaurea nigra), …

Ces espèces sont surtout présentes dans la ZNIEFF de type I entre Hénouville et Quevillon, et apparaissent plus disséminées ou absentes ailleurs.

L’Ophioglosse vulgaire (Ophioglossum vulgatum) et l’Hottonie des marais (Hottonia palustris), très rares en Haute-Normandie et dans les régions voisines, sont légalement protégés. L’exceptionnelle Œnanthe à feuille de Peucédan (Oenanthe peucedanifolia) et la rare Guimauve officinale (Althaea officinalis) ont également été signalées dans cette zone humide. Le bois alluvial du « Trou de la Fontaine à Hénouville » accueille notamment l’Œnanthe safranée (Oenanthe crocata), la Cardamine impatiente (Cardamine impatiens), la Petite Centaurée (Centaurium pulchellum), le Saule fragile (Salix fragilis), …

Les milieux qui abritent les éléments floristiques les plus remarquables sont avant tout les prairies très humides, les dépressions, les fossés, les mares et les bois alluviaux en bord de Seine.

Le patrimoine faunistique est également remarquable :

- Plusieurs mâles chanteurs de Râle des genêts (Crex crex) sont régulièrement entendus dans. les prairies qui sont fauchées le plus tardivement, et en bordure de zones non fauchées où il se réfugie après les fauches (mégaphorbiaies, dépressions humides, bords de mares…). Ce Râle est l’un des oiseaux les plus rares et menacés en Europe, au point d’être inscrit sur la liste des Oiseaux en danger dans le Monde. Il fréquente essentiellement la partie amont, entre Hénouville et Quevillon, là où les prairies extensives sont les plus nombreuses. Cette zone constitue l’un des sites de reproduction les plus importants dans le Nord de la France.

- La Chouette chevêche (ou Chevêche d’Athéna - Athene noctua), de plus en plus rare et menacée, niche dans les secteurs bocagers avec de vieux saules têtards, où l’on trouve aussi le Rougequeue à front blanc (Phoenicurus phoenicurus). Le Faucon hobereau (Falco subbuteo) occupe un nid dans de grands arbres et chasse sur de vastes surfaces.

- Le Tarier des prés (Saxicola rubetra) et la Bergeronnette printanière (Motacilla flava), passereaux assez rares dans la région, installent leurs nids à terre dans les prairies de fauche extensives.

- Quelques couples de Vanneau huppé (Vanellus vanellus), limicole rare en tant que nicheur, nichent dans les pâtures humides ou à proximité.

- La Locustelle tâchetée (Locustella naevia), la Rousserolle effarvatte (Acrocephalus scirpaceus) et la Bouscarle de Cetti (Cettia cetti) utilisent les roselières ponctuées de buissons de saules.

- Ces marais sont propices aux haltes migratoires des oiseaux d’eau (Limicoles, Anatidés, Ardéidés, surtout quand les prairies sont inondées), des rapaces, des passereaux…

L’entomofaune et la batrachofaune restent encore à étudier de façon plus approfondie.

Ces vastes marais connaissent l’évolution générale des zones humides de plaine liées aux transformations des pratiques agricoles dans les prairies humides : plantations de peupliers, mises en culture, intensification, ce qui génère également une disparition ou un appauvrissement de la flore et de la faune hygrophiles.

De fait, des opérations de soutien aux éleveurs ayant des pratiques de fauche et de pâturage extensives est essentiel pour maintenir la qualité biologique et paysagère de cette zone humide, et pour pérenniser son intérêt agricole traditionnel. En ce sens, les mesures agri-environnementales sont une approche concertée pertinente et positive, bien qu’inévitablement limitée.

Commentaires sur la délimitation
Aucune information disponible