ZNIEFF 230031041
LA ZONE ALLUVIALE DE JUMIÈGES

(n° régional : 8517)

Commentaires généraux

Au sein de la Vallée de la Seine aval, les marais de la boucle de Jumièges s’étendent sur les communes de Jumièges à l’aval et du Mesnil-sous-Jumièges à l’amont. Ils sont inscrits sur des terrains alluvionnaires (essentiellement des limons, argiles, sablons…) récents, entre le fleuve, la Forêt de Jumièges et l’agglomération de Jumièges.

Sur un peu moins d’un millier d’hectares (839 ha), cette zone humide constitue une entité écologique de premier ordre pour la région. En effet, si les zones humides alluviales sont dégradées et régressent fortement depuis plusieurs décennies, particulièrement les marais de la basse Vallée de la Seine, cette zone conserve encore des milieux de grande qualité. Au cœur de cette ZNIEFF de type II, le sous-ensemble qui concentre les habitats, la flore et la faune de plus grand intérêt est reconnu en ZNIEFF de type I « Marais de Jumièges » (8517.0001 ; 261.23 ha).

L’intérêt de cette zone est notamment lié à son caractère plus ou moins humidité : même si les digues empêchent les crues de la Seine de recouvrir les prairies, les fortes précipitations et les remontées de la nappe peuvent inonder les secteurs les plus déprimés. Ces inondations constituent, dans une certaine mesure, une contrainte pour les activités agro-pastorales, mais elles favorisent le développement d’habitats, d’une flore et d’une faune souvent remarquables.

Ces terres lourdes ont donc une vocation essentiellement herbagère. Les prairies mésohygrophiles et hygrophiles (alliances phytosociologiques de l’Arrhenatherion elatioris - sous-alliance du Colchico-Arrhenatherenion - et du Bromion racemosi) y sont fauchées et/ou pâturées, selon un régime souvent mixte : d’abord une fauche, souvent en juin, puis d’une mise à l’herbe estivale des animaux. Leur utilisation agricole est plus ou moins intensive.

Des secteurs d’affleurement de tourbe alcaline permettent le développement de végétations de bas-marais de très grand intérêt biologique, avec notamment des groupements rares dans la région comprenant le Cirse des Anglais (Cirsium dissectum) et le Jonc subnoduleux (Juncus subnodulosus).

Quelques-unes de ces prairies de fauche parmi les plus extensives et humides abritent le groupement du Senecio aquatici-Oenanthetum silaifoliae particulièrement rare et menacé dans les vallées du Nord de la France.

Dans certaines dépressions se développent des formations hygrophiles (groupements de l’Eleocharo palustris-Oenanthetum fistulosae, de l’Alopecuretum geniculati s.-l., du Phalaridetum arundinaceae s.-l., …). Des mares et/ou fossés abritent des formations à Œnanthe aquatique (Oenanthe aquatica) et Rorippe amphibie (de l’Oenantho-Rorippetum amphibiae), …

Les réseaux de haies vives et d’alignements de saules et frênes le plus souvent taillés en têtards structurent le paysage, avec les réseaux de fossés, de mares et de dépressions humides.

Une vaste exploitation de granulats a ouvert le cœur du marais sur les deux communes de Jumièges et du Mesnil-sous-Jumièges. Une bonne partie est d’ores et déjà réaménagée, en base de loisirs. Les berges sont en cours de recolonisation par la végétation hélophytique et hydrophytique, bien que le modelé des berges ne soit pas spécialement aménagé en ce sens.

Parmi la flore, deux taxons parmi les plus remarquables sont légalement protégés : le Séneçon des marais (Senecio paludosus) et la Gesse des marais (Lathyrus palustris).

Les autres espèces déterminantes de ZNIEFF (exceptionnelles à assez rares en Haute- Normandie) comptent notamment les exceptionnels Eleocharide à une glume (Eleocharis uniglumis) et Stellaire des marais (Stellaria palustris), les très rares Séneçon aquatique (Senecio aquaticus), Butome en ombelle (Butomus umbellatus), Plantain d’eau lancéolé (Alisma plantago-aquatica) et Épilobe des marais (Epilobium palustre), les rares Œnanthes à feuilles de Silaus, fistuleuse et aquatique (Oenanthe silaifolia, O. fistulosa, O. aquatica), l’Euphorbe des marais (Euphorbia palustris), le Colchique des prés (Colchicum autumnale), la Véronique en écus (Veronica scutellata), …

Les Laîches aiguë, bleuâtre et raide (Carex acuta, C. panicea, C. elata) sont respectivement très rares à rares.

Les taxons assez rares comprennent entre autres le Dactylorhize négligé (Dactylorhiza praetermissa), l’Orge faux-seigle (Hordeum secalinum), le Brome rameux (Bromus racemosus), le Pigamon jaune (Thalictrum flavum), …

Ce sont essentiellement les prairies tourbeuses ou paratourbeuses, les dépressions longuement inondables, les fossés et les mares qui concentrent les stations végétales les plus intéressantes, essentiellement dans la partie en ZNIEFF de type I. Au-delà de ce noyau, les espèces en présence sont souvent des taxons assez rares (Hordeum secalinum, Bromus racemosus, …).

Outre cet intérêt floristique de haut niveau, ces marais abritent également une faune précieuse :

- l’exceptionnel Râle des genêts (Crex crex) vit dans les prairies de fauche les plus extensives et humides et leurs abords non fauchés (cariçaies, mégaphorbiaies…). Ce Râle, l’un des oiseaux les plus rares et menacés au niveau international, est inscrit sur la liste des Oiseaux en danger dans le Monde.

- la Chevêche d’Athéna (Athene noctua), se reproduit dans de vieux saules ou frênes têtards dans lesquels elle utilise des cavités, à l’instar du Rougequeue à front blanc (Phoenicurus phoenicurus),

- le rare Faucon hobereau (Falco subbuteo) utilise de vastes terrains de chasse et niche dans les haies ou les bosquets,

- passereaux assez rares dans la région, le Tarier des prés (Saxicola rubetra) et la Bergeronnette printanière (Motacilla flava) sont recensés un peu partout dans les prairies de fauche,

- de nombreux oiseaux d’eau migrateurs utilisent les gravières, les prairies inondées, les mares et dépressions humides lors de haltes migratoires.

Si les gravières ont fait disparaître de vastes étendues de marais de très grand intérêt, elles permettent malgré tout aujourd’hui la présence de quelques espèces reproductrices intéressantes (Martin-pêcheur d’Europe, Petit Gravelot, Hirondelle de rivage, …).

L’entomofaune reste mal connue. Parmi les odonates, seul l’Agrion mignon (Coenagrion scitulum), probablement assez rare dans la région, a été noté. Des investigations supplémentaires permettraient certainement de repérer d’autres espèces remarquables, essentiellement parmi les odonates et les orthoptères.

La batrachofaune comprend quelques espèces intéressantes, dont la plus remarquable est le Crapaud calamite (Bufo calamita).

Cette zone connaît des évolutions importantes de ses paysages et de ses milieux depuis plusieurs décennies. L’exploitation du sous-sol mériterait ainsi d’être limitée pour conserver des surfaces suffisantes de milieux humides fonctionnels. Dans l’idéal, des réaménagements à vocation écologique sur une partie au moins site d’extraction de granulats permettraient, potentiellement, d’augmenter la biodiversité générale des gravières et l’intérêt de la zone.

Les facteurs les plus importants de l’évolution de ces marais sont liés aux difficultés de l’élevage, qui peuvent amener certains agriculteurs à transformer les prairies humides. Celles-ci risquent alors d’être plantées en peupliers ou abandonnées. A l’opposé, une trop forte intensification agricole dans un souci de meilleure rentabilisation des terres peut générer une banalisation de la flore et de la faune. Par ailleurs, certains secteurs plus souvent ressuyés ont été mis en cultures.

Aussi, le soutien des pratiques de fauche et de pâturage extensives est indispensable pour maintenir la qualité biologique du marais et pour pérenniser sa fonctionnalité et son intérêt paysager traditionnel, notamment dans un secteur de forte fréquentation touristique.

Des milieux naturels de qualité constituent en effet des atouts pour le développement du tourisme rural.

Commentaires sur la délimitation
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