ZNIEFF 230031043
LES TERRASSES DE LA SEINE D'YVILLE-SUR-SEINE À BERVILLE-SUR-SEINE

(n° régional : 8513)

Commentaires généraux

La Boucle d’Anneville-Ambourville abrite entre Yville/Seine et Berville-sur-Seine d’anciennes terrasses alluviales sablo-caillouteuses autrefois façonnées par la Seine. Ces assises sableuses mêlées de silex génèrent la présence de sols filtrants, lessivables et acides.

Le grand intérêt écologique de cette vaste zone réside dans la présence de végétations rares et menacées liées aux étendues de landes à Callune (Calluna vulgaris), de pelouses sabulicoles, de chênaies-bétulaies maigres et de moissons sur sables.

Les systèmes de landes à Ericacées existaient autrefois dans ce secteur, en lien notamment avec d’anciennes pratiques pastorales sur ces terres ingrates. Les lieux-dits « Les Chauves-têtes », « La Garenne », etc. illustrent encore la présence de ces milieux ouverts. Aujourd’hui, consécutivement aux reboisements massifs en résineux, à l’abandon des terrains et aux extensions récentes des carrières, les landes à Callune et les pelouses associées sont relictuelles. Elles ne se développent plus que sur les terrains caillouteux et sableux délaissés, notamment dans d’anciennes carrières abandonnées : les landes et pelouses sabulicoles ont pu recoloniser les terrains caillouteux délaissés.

Cette zone comprend une mosaïque de callunaies, de sarothamnaies (formations à Genêts à balais - Cytisus scoparius), de fourrés à Ajonc d’Europe (Ulex europaeus), de bétulaies, de fragments de chênaies silicicoles rabougries à Chêne pédonculé (Quercus robur), etc. Ces chênaies claires tendent, lentement, à remplacer toutes ces formations arbustives.

La présente ZNIEFF regroupe deux ZNIEFF de type I, formées essentiellement de landes et pelouses et qui présentent les mêmes cortèges d’espèces remarquables :

- Landes à callunes de Berville-sur-Seine et d’Anneville-Ambourville » (8513.0001 ; 58.84 ha)

- les pelouses silicicoles du Claquevais (8513.0002 ; 167.53 ha)

- les pelouses silicicoles et les bois de la plaine du Manoir Brésil (8513.0003 ; 265.27 ha)

Sur les chemins et les secteurs sablonneux entretenus par des Lapins de garenne localement nombreux, des pelouses sableuses sèches avec de nombreuses espèces annuelles (alliance de l’Airion caryophylleo-praecocis) se développent avec notamment les Canches caryophyllée et précoce (Aira caryophyllea, A. praecox), la Patience petite oseille (Rumex acetosella), la Porcelle des bruyères (Hypochoeris radicata), l’Aphane à petits fruits (Aphanes australis), la Doradille noire (Asplenium adiantum-nigrum), ...

De nombreuses espèces exceptionnelles à assez rares et souvent menacées sont présentes dans ces formations rases, dont l’exceptionnelle Coincye giroflée (Coincya monensis subsp. cheiranthos), la Cotonnière naine (Filago minima) qui est assez abondante, les très rares Herniaire glabre (Herniaria glabra) et Crassule tillée (Crassula tillea), les rares Jasione des montagnes (Jasione montana), Pied d’oiseau (Ornithopus perpusillus), Mibore naine (Mibora minima) et Trèfle des champs (Trifolium arvense), les Canches caryophyllée et précoce (Aira caryophyllea, A. praecox), etc.

Quelques pieds de la rare Orobanche du Genêt (Orobanche rapum-genistae) ont été observés dans une sarothamnaie (formation à Genêts). D’autres espèces remarquables restent probablement à découvrir.

Quelques moissons sur sables qui ne sont pas trop désherbées ainsi que certaines friches et lisières abritent encore des populations importantes de Bleuet (Centaurea cyanus), de Jasione (Jasione montana), de Mibore naine (Mibora minima), etc. L’Arnoséride naine (Arnoseris minima), aujourd’hui considérée comme disparue de la région, y était régulièrement observée il y a une vingtaine d’années.

Dans les bois se trouvent encore quelques fragments de landes à callunes relictuelles ainsi que des petites stations du rare Muguet (Convallaria maialis). La physionomie de ces boisements clairs plus ou moins « rabougris » sans Chêne sessile est très originale pour la Haute-Normandie.

On trouve dans ces milieux ouverts et semi-boisés plusieurs éléments faunistiques remarquables. Parmi les oiseaux, plusieurs mâles chanteurs d’Engoulevent (Caprimulgus europaeus), espèce inscrite en annexe I de la directive « Oiseaux » de l’Union Européenne, ont été repérés de nuit sur le site et ses abords. La Locustelle tachetée (Locustella naevia) est notée dans les buissons.

Plusieurs insectes remarquables ont été recensés :

-parmi les rhopalocères, la Mélitée du Plantain (Melitaea cinxia) rare en Haute-Normandie, l’Azuré des ajoncs (qui porte bien son nom ici) (Plebejus argus), très rare en Haute-Normandie,

-parmi les orthoptères : l’assez rare Oedipode bleu-turquoise (Oedipoda caerulescens) et le rare Gomphocère tacheté (Myrmeleottetix maculatus) : ces espèces pionnières des sols caillouteux ou sableux nus ne se rencontrent plus guère que sur des milieux marginaux et menacés ; la rare Decticelle des bruyères (Metrioptera brachyptera) est plus spécifiquement inféodée aux landes à Ericacées et, de ce fait, menacée dans les plaines du Bassin Parisien où ces milieux sont en très forte régression,

-parmi les odonates, l’Anax empereur (Anax imperator), considéré comme peu commun en Haute-Normandie, fréquente les mares et trous d’eau relictuels.

Les milieux aquatiques temporaires d’anciennes carrières permettent à des centaines de Crapauds calamite (Bufo calamita) de se reproduire ; la population utilise aussi les pelouses et landes comme terrain de chasse. Cette espèce rare et menacée dans la région et en Europe mériterait des mesures de préservation car il s’agit là de l’une de ses dernières populations régionales.

La Vipère péliade (Vipera berus), peu commune, a été notée dans les secteurs les plus tranquilles des landes.

Cette zone présente ainsi un très grand intérêt écologique : les landes et pelouses sablo-caillouteuses relictuelles mériteraient de bénéficier de mesures de gestion afin de maîtriser les dynamiques de progression des strates arbustives et arborescentes. Des coupes circonstanciées des fourrés et des bétulaies envahissantes s’avèrent ainsi urgentes en maints endroits. Parallèlement, les plantations en résineux des sols nus sont à éviter. Sur les secteurs les plus remarquables, des mesures de gestion des landes par pâturage extensif (et/ou un maintien des populations du Lapin de garenne, principal acteur du maintien de milieux ouverts de qualité) seraient bienvenues.

Cette zone est également fortement menacée par l’extension des carrières de sables.

Des réaménagements à vocation écologique sur les carrières seraient souhaitables afin de pérenniser ce riche patrimoine biologique, unique au sein du Parc Naturel Régional des Boucles de la Seine normande.

Commentaires sur la délimitation
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