ZNIEFF 230031044
LES PRAIRIES ET LES MARAIS ENTRE HEURTEAUVILLE ET LA MAILLERAYE-SUR-SEINE

(n° regional: 8509)

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Dans la partie aval de la vallée de la Seine, la boucle d’Heurteauville s’étend entre La Mailleraye-sur-Seine à l’aval et Heurteauville à l’amont. En son sein, les marais sont inscrits entre le fleuve et le Nord-Est du massif forestier de Brotonne, sur environ huit cents hectares.

Cette zone humide en ZNIEFF de type II comprend à la fois des milieux alluviaux et un secteur tourbeux (Le Marais de la Harelle à Heirteauville de 367.65 ha reconnu en ZNIEFF de type I (8509.0001) du fait de son exceptionnelle richesse biologique), qui constituent une entité écologique de premier ordre en Haute-Normandie. Les zones humides alluviales et les marais tourbeux ont en effet fortement régressé depuis plusieurs décennies, spécialement en Vallée de la Seine. La zone alluviale s’étend entre le bourrelet alluvial le long de la Seine (en grande partie bâti) et la tourbière.

Ces terrains alluviaux relativement filtrants sont alimentés à la fois par la nappe alluviale et celle de la craie dans des proportions différentes selon les saisons. Du fait de cette humidité des sols, ces terres ne peuvent pas être facilement mises en cultures : elles sont donc essentiellement occupés par des boisements (dans la tourbière), et des prairies mésohygrophiles et hygrophiles en périphérie. Celles-ci sont valorisées par la fauche et/ou le pâturage. Les prairies mixtes sont d’abord fauchées en juin, puis elles sont suivies d’un pâturage en été. Des vastes surfaces sont cependant exclusivement utilisées pour la récolte du fourrage.

Les prairies de fauche (alliances de l’Arrhenatherion elatioris et du Bromion racemosi) sont utilisées plus ou moins intensivement, notamment en fonction de leur inondabilité printanière. Certaines prairies ont été semées à des fins pastorales, notamment en Ray-Grass (Lolium perenne), ce qui réduit leur diversité végétale.

La Boucle d’Heurteauville recèle la vaste tourbière de la Harelle, deuxième tourbière alcaline de la région après le Marais-Vernier. Mais elle n’est pas seulement une tourbière alcaline : une tourbière acide ombrotrophe s’est développée en son centre, qui lui donne toute son originalité. Elle est principalement alimentée par les eaux de pluie (tourbière ombrophile). Sous la tourbière, la nappe de la craie est captive (sous pression) et ressort au niveau de quelques sources résurgentes. La nappe alluviale quant à elle n’atteint jamais le cœur de la tourbière. De même, l’eau libre de la Seine qui pourrait potentiellement remonter par les fossés, est bloquée par des clapets.

La tourbière d’Heurteauville est aujourd’hui essentiellement boisée. Les habitats dominants sont une imbrication de bétulaies tourbeuses, d’aulnaies-frénaies, de saulaies, de peupleraies, de mégaphorbiaies, de prairies et de landes maigres sur sols oligotrophes, de cariçaies, de roselières atterries. Les bétulaies pubescentes à sphaignes (Sphagno-Betuletum pro parte) couvrent de vastes surfaces.

L’utilisation pastorale ayant cessé depuis de nombreuses années, la végétation évolue globalement vers des milieux boisés de plus en plus denses.

Cependant, quelques secteurs plus humides encore ouverts abritent une végétation ouverte turficole (= qui vit sur la tourbe) particulièrement précieuse. Des fragments de landes à Ericacées subsistent avec le groupement à Callune (Calluna vulgaris) et Bruyère à quatre angles (Erica tetralix) (association du Calluno-Ericetum tetralicis).

Des espèces exceptionnelles à très rares, plus ou moins pionnières sur la tourbe, sont présentes dans les fossés (Comaret des marais - Comarum palustre, Ményanthe trèfle-d’eau - Menyanthes trifoliata, Linaigrette à feuilles étroites - Eriophorum polystachion…) ou en bordure de l’exploitation de tourbe (Rossolis à feuilles rondes - Drosera rotundifolia, Mouron d’eau - Anagallis tenella…). Ces milieux sont aujourd’hui relictuels et ne concernent plus que de petites surfaces.

Des prairies abritent des groupements de bas-marais très rares à Cirse des Anglais et Scorsonère humble (Cirsio-Scorzonoretum humilis), ainsi que des formations hygrophiles pâturées du Junco-Cynosuretum. Au Sud de la zone, des prairies hygrophiles à mésohygrophiles abritent dans les dépressions le groupement del’Eleocharo palustris-Oenanthetum fistulosae.

Au Sud de la tourbière se trouve une vaste exploitation de tourbe, qui a généré un plan d’eau.

Les espèces déterminantes de ZNIEFF (exceptionnelles à assez rares et menacées en Haute-Normandie) sont particulièrement nombreuses sur l’ensemble de la zone en type II. Celles qui suivent sont toutes légalement protégées : Rossolis à feuilles rondes (Drosera rotundifolia), Renoncule grande Douve (Ranunculus lingua), Hottonie des marais (Hottonia palustris), Mouron d’eau (Anagallis tenella), Saule rampant (Salix repens), Osmonde royale (Osmunda regalis), Ményanthe trèfle-d’eau (Menyanthes trifoliata), Gesse des marais (Lathyrus palustris), Impatience-ne-me-touchez-pas (Impatiens noli-tangere), Rhynchospore blanc (Rhynchospora alba).

Parmi les autres espèces végétales remarquables, on recense notamment : le Comaret des marais (Comarum palustris), le Piment royal (Myrica gale), la Bruyère à quatre angles (Erica tetralix), la Fougère des marais (Thelypteris palustris), la Linaigrette à feuilles étroites (Eriophorum polystachion), les Laîches puce, élevée, à fruits écailleux, ampoulée (Carex pulicaris, C. elata, C. lepidocarpa, C. rostrata), le Cirse anglais (Cirsium dissectum), le Cladion marisque (Cladium mariscus)…

Le patrimoine faunistique est également remarquable :

- l’exceptionnel Râle des genêts (Crex crex) a été contacté dans les prairie de fauche extensives et humides vers Port Jumièges. Ce Râle, l’un des oiseaux les plus rares et menacés d’Europe, est inscrit sur la liste des Oiseaux en danger dans le Monde.

- quelques colonies du rare Vanneau huppé (Vanellus vanellus) sont notées dans les pâtures humides ou en bordure de dépressions,

- les populations de Tarier des prés (Saxicola rubetra) et de Bergeronnettes printanières (Motacilla flava), tous deux assez rares dans la région, sont disséminées un peu partout dans les prairies de fauche extensives.

- la Chevêche d’Athéna (Athene noctua), rapace nocturne qui se raréfie, niche dans les vieux saules ou frênes taillés en têtards, comme le Rougequeue à front blanc (Phoenicurus phoenicurus),

- le rare Faucon hobereau (Falco subbuteo) niche dans les haies ou les bosquets et chasse dans un vaste périmètre.

- le Marais de la Harelle et ses bordures sont très utilisés par de nombreux oiseaux (Anatidés, limicoles, Ardéidés, rapaces, passereaux…) comme halte migratoire et accueille la Mésange boréale (Parus montanus), assez rare. Le Cygne tuberculé (Cygnus olor), le Râle d’eau (Rallus aquaticus) et le Grèbe castagneux (Tachybaptus rufficollis) se reproduisent dans les plans d’eau, fossés et mares.

L’entomofaune et la batrachofaune restent encore assez peu connues, malgré des potentialités pour de nombreuses espèces remarquables.

Cette zone humide est menacée par l’abandon des prairies humides, qui risquent d’être alors plantées en peupliers, abandonnées (cas du Marais de la Harelle) ou transformées en cultures.

A l’opposé, une trop forte intensification agricole peut générer une banalisation de la flore et de la faune, par augmentation des apports d’intrants et de la pression de pâturage, ou de la précocité des fauches. Le soutien des pratiques extensives de fauche et de pâturage est indispensable pour maintenir la qualité biologique et paysagère du marais et pérenniser sa fonctionnalité et son intérêt agricole traditionnel. Une réhabilitation du marais tourbeux de la Harelle, haut lieu du patrimoine naturel normand, est devenue indispensable, au travers de la restauration de milieux ouverts (coupes des ligneux, fauches des mégaphorbiaies et roselière atterries...). Une revalorisation des secteurs restaurés par du pâturage extensif permettrait de maintenir la qualité biologique et paysagère du site tout en pérennisant sa fonctionnalité Enfin, un réaménagement à vocation écologique du site d’extraction de la tourbe permettrait de retrouver une bonne part du patrimoine floristique et faunistique lié aux affleurement de tourbe.

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