ZNIEFF 230031045
LES MARAIS DE LA BOUCLE DE BROTONNE

(n° régional : 8507)

Commentaires généraux

Au sein des boucles de la Seine aval, les marais de la boucle de Brotonne s’étendent entre Vatteville-la-Rue à l’aval et Notre-Dame-de-Bliquetuit à l’amont. Ils sont inscrits dans le coude de la Seine entre le fleuve et le massif forestier de Brotonne, sur des alluvions récentes. Sur plus d'un millier d’hectares, cette zone humide constitue une entité de premier ordre en Haute-Normandie, où les zones humides alluviales ont fortement régressé depuis plusieurs décennies, spécialement en Vallée de la Seine. Cette ZNIEFF de type II englobe deux ZNIEFF de type 1 : les marais de Vatteville-la-Rue, Saint-Nicolas-de-Bliquetuit et Notre-Dame-de-Bliquetuit (identifiant régional 85070001; identifiant national 230009252 ; 498,9 ha) ; et le Marais de la Vaquerie à Vatteville-la-Rue (i. r. 85070002 ; i. n. 230030706 ; 25,9 ha).

Si les digues limitent les crues inondantes de la Seine, les fortes précipitations et les remontées de la nappe noient régulièrement les secteurs les plus déprimés. Si ces inondations constituent une contrainte pour les activités pastorales, elles permettent toutefois le développement d’une flore et d’une faune remarquables et de grand intérêt patrimonial.

Ne pouvant être facilement mis en culture du fait de cette humidité des sols, ces marais sont essentiellement occupés par des prairies mésohygrophiles et hygrophiles. Celles-ci sont valorisées par la fauche et/ou le pâturage. De nombreux herbages sont mixtes : d’abord fauchés, le plus souvent en juin, ils font ensuite l'objet d’une mise à l’herbe des troupeaux, en été. Les réseaux de haies vives, de fossés, de mares et dépressions humides, de mégaphorbiaies (alliance phytosociologique du Thalictro-Filipendulion), de peupleraies, structurent et ponctuent ces espaces essentiellement prairiaux. Certains secteurs plus souvent et plus tôt ressuyés ont été mis en culture.

Les prairies mésohygrophiles de fauche (frange hygrophile de l’Arrhenatherion elatioris ; Bromion racemosi) ou pâturées (notamment l’association de l’Hordeo secalini-Lolietum) couvrent de vastes surfaces. Elles sont utilisées de façon plus ou moins intensive, notamment en fonction de leur inondabilité hivernale et surtout printanière. Certaines prairies ont été semées, en Ray-grass ou en Fétuque.

Quelques prairies de fauche extensives et humides à Œnanthe à feuilles de Silaus (Oenanthe silaifolia) et Séneçon aquatique (Senecio aquaticus) relèvent de l’association du Senecio aquatici-Oenanthetum silaifoliae (alliance du Bromion racemosi), groupement très rare et caractéristique des vallées alluviales du Nord-Ouest de la France.

Des formations prairiales hygrophiles (notamment les associations de l’Eleocharo-Oenanthetum fistulosae et du Glycerietum maximae) se développent dans quelques dépressions. Des mares abritent des formations à Œnanthe aquatique (Oenanthe aquatica) et Rorippe amphibie (Rorippa amphibia) -association de l'Oenantho aquaticae-Rorippetum-, des végétations aquatiques à Callitriches et Renoncules (Callitricho-Batrachion), des végétations flottantes à Lemnacées, des ceintures hélophytiques diverses ( Sparganio-Glycerion fluitantis, Caricetalia elatae).

A l’extrémité aval, le marais de la Vacquerie accueille des formations ripariales de saulaies eutrophes mésohygrophiles (Salicion triandrae), de Saulaies blanches (Salicion albae), et d’aulnaies-peupleraies relictuelles (Alno-Padion).

De nombreuses espèces exceptionnelles à assez rares en Haute-Normandie, déterminantes de ZNIEFF, ont été recensées tout au long de cette zone alluviale, entre autres :

- l’exceptionnelle Pesse d’eau (Hippuris vulgaris),

- les très rares Séneçon aquatique (Senecio aquaticus), Laîche aiguë et Laîche distante (Carex acuta, C. distans),

- les rares Cardamine impatiente (Cardamine impatiens), Œnanthes à feuilles de Silaus, fistuleuse, aquatique et safranée (Oenanthe silaifolia, O. fistulosa, O. aquatica, O. crocata), Laîche bleuâtre (Carex panicea), Colchique des prés (Colchicum autumnale) et Gaudinie fragile (Gaudinia fragilis),

- le Dactylorhize négligé (Dactylorhiza praetermissa), l’Orge faux-seigle (Hordeum secalinum), Laîche distique (Carex disticha) le Brome rameux (Bromus racemosus), la Grande Glycérie (Glyceria maxima), la Centaurée noire (Centaurea nigra), le Pigamon jaune (Thalictrum flavum), assez rares.

Cette vaste zone humide permet aussi la présence de nombreuses espèces animales remarquables :

- une population de Râle des genêts (Crex crex) se reproduit dans les prairies de fauche extensives et humides. Plusieurs mâles chanteurs sont régulièrement entendus au printemps. Il s'agit de l’un des oiseaux les plus rares et menacés d’Europe, au point d’être inscrit sur la liste des oiseaux en danger dans le monde. C'est l’une des espèces ayant motivé la mise en place des mesures agri-environnementales dans ces marais,

- le très rare Busard des roseaux (Circus aeruginosus), espèce de l’annexe I de la Directive Oiseaux, a été noté nicheur possible dans ce secteur en 2000 ; et des Cigognes blanches (Ciconia ciconia) sont souvent observées dans les prairies, mais apparemment sans nicher,

- plusieurs couples de Pie-grièche écorcheur (Lanius collurio), espèce de l’annexe I de la Directive Oiseaux et très rare en Haute-Normandie, ont été repérés dans les haies d’épineux du bocage,

- la Chevêche d’Athéna (Athene noctua), espèce de plus en plus rare et menacée en raison de la régression du bocage prairial, niche dans les secteurs de vieux saules à cavités, de même que le Rougequeue à front blanc (Phoenicurus phoenicurus),

- le rare Faucon hobereau (Falco subbuteo) niche dans les haies ou les bosquets et chasse sur de vastes périmètres.

- quelques colonies de Vanneau huppé (Vanellus vanellus) se reproduisent dans les pâtures humides ou en bordure de dépressions,

- passereaux prairiaux assez rares dans la région, le Tarier des prés (Saxicola rubetra) et la Bergeronnette printanière (Motacilla flava) sont ici présents un peu partout, dans les prairies de fauche extensives,

- lors des haltes migratoires, ces marais sont très utilisés par de nombreux oiseaux d’eau (Anatidés, limicoles, Ardéidés…), surtout quand les prairies sont inondées, ainsi que par des rapaces et des bandes de passereaux.

L’entomofaune et la batrachofaune restent à étudier plus finement, même si quelques données ont été déjà recueillies :

-Le Triton crêté (Triturus cristatus), inscrit en annexe II de la Directive Habitats, et la Rainette verte arboricole (Hyla arborea), occupent les mares.

-Parmi les Odonates, quelques espèces communes à peu communes ont été notées, dont six déterminantes de Znieff, à l'instar du Leste sauvage (Lestes barbarus).

-en Orthoptères, le rare Criquet ensanglanté (Stethophyma grossum) a été également contacté

D’autres espèces remarquables restent probablement à découvrir.

Cette zone est menacée par la déprise des prairies humides, qui risquent d’être alors plantées en peupliers, ou tout simplement abandonnées (cas du Marais de la Harelle), ces évolutions entraînant dans les deux cas une fermeture des milieux, souvent préjudiciable à la riche biodiversité initialement présente.

A l’opposé, une trop forte intensification agricole peut générer une banalisation de la flore (et donc de la faune) par l'effet sélectif :

-des apports d’intrants chimiques de synthèse (engrais, phytos,...) ou même de matière organique riche telle que le fumier, sur prairies, maïs,...

-de la pression de pâturage (chargement en UGB, nombre et précocité de fauches,...).

Le soutien des pratiques extensives de fauche et de pâturage est nécessaire pour maintenir la qualité biologique et paysagère du marais et pour pérenniser sa fonctionnalité et son intérêt agricole traditionnel. Les contrats des mesures agri-environnementales sont des outils concertés apparemment très positifs.

Commentaires sur la délimitation
Aucune information disponible