ZNIEFF 250006493
MARAIS DE LA VALLEE DU GORGET

(n° régional : 00140008)

Commentaires généraux

Au cœur du Cotentin, la vallée du Gorget forme une dépression de faible altitude au sein d'un paysage bocager traditionnel et constitue la digitation la plus occidentale de l'ensemble de ramifications de vallées formant les marais du Cotentin et du Bessin.

Formée par un marais tourbeux qui s'est établi au Quaternaire récent sur des sables marins du Pliocène, comme l'ensemble des marais de l'isthme du Cotentin, cette vallée est très rarement inondée du fait de sa position amont relativement plus élevée que l'ensemble des marais.

Les formations végétales que l'on y rencontre sont spécifiques du marais tourbeux à des stades d'évolution différents : mare, prairie, lande humide, bois tourbeux...

Une extension de la Znieff en 2013 permet d'ajouter une zone de 25 hectares essentiellement caractérisée par ses prairies humides, fauchées et/ou pâturées, un réseau de fossés en eau, un étang, des mares, un boisement tourbeux, une mégaphorbiaie ainsi qu’une zone anciennement exploitée en carrière, recolonisée par des landes.

La valeur de ses composantes biologiques classe ainsi cette vallée parmi les plus riches de celles qui composent l'ensemble des marais de l'isthme du Cotentin.

FLORE

Ce remarquable complexe, où tous les types de marais sont représentés, comporte des formations végétales rares en bon état de conservation. De ce fait, elles abritent bon nombre d'espèces végétales d'intérêt patrimonial dont beaucoup sont protégées au niveau national (***) ou régional (**), ou reconnues rares au niveau régional (*).

Les prairies de fauches sont caractérisées par les espèces des zones humides comme le Lychnis fleur de coucou (Lychnis flos-cuculi), la Menthe aquatique (Mentha aquatica) ou la Reine des prés (Filipendula ulmaria) et les graminées comme la Flouve odorante (Anthoxanthum odoratum) le Dactyle aggloméré (Dactylis glomerata), la Crételle (Cynosurus cristatus), le Fromental (Arrhenatherum elatius)… Elles n’accueillent en revanche pas d’espèce patrimoniale.

On rencontre dans les plans d’eau (mares et étang) et dans les fossés de nombreuses espèces aquatiques comme le Mors-de-grenouille (Hydrocharis morsus-ranae), l’Hottonie des marais (Hottonia palustris*), les Lentilles d’eau (Lemna minor et L. trisulca), le Nénuphar jaune (Nuphar lutea) et localement des espèces beaucoup plus rares : les Utriculaires du groupe vulgaris (Utricularia gp. australis/vulgaris*) et le Fluteau nageant (Luronium natans***), ce dernier figurant sur la liste rouge mondiale de l’UICN, mais aussi en Annexe I de la Convention de Berne et en Annexes II et IV de la Directive Européenne Habitats (Directive 92/43/CEE).

A noter également, dans les eaux des ruisseaux, fossés et mares, mésotrophes à oligotrophes, le Flûteau fausse-Renoncule (Baldellia ranunculoides), le Myriophylle à fleurs alternes (Myriophyllum alterniflorum), la petite Utriculaire (Utricularia minor**), la grande Utriculaire (Utricularia vulgaris, l'Utriculaire citrine (Utricularia australis**), la petite Lentille d'eau sans racine (Wolffia arrhiza), le Potamot fluet (Potamogeton pusillus), le Callitriche tronqué (Callitriche truncata).

La Stellaire des marais (Stellaria palustris*) a été inventoriée au niveau des berges des canaux en eau. Ces berges sont localement occupées par des groupements quasi monospécifiques à Baldingère (Phalaris arundinacea), ou bien par les espèces des mégaphorbiaies comme la Salicaire (Lythrum salicaria), le Lycope d’Europe (Lycopus europaeus), le Lotier des marais (Lotus uliginosus),...

Parmi les richesses floristiques et phytocoenotiques, signalons la présence d'espèces constituant un groupement bien proche d'une véritable tourbière alcaline : le Marisque (Cladium mariscus), le Scirpe pauciflore (Eleocharis quinqueflora**), le Platanthère à deux feuilles (Platanthera bifolia), la Pédiculaire des marais (Pedicularis palustris**), le Bois sent-bon (Myrica gale**), la Linaigrette à feuilles larges (Eriophorum latifolium**), la Renoncule grande-Douve (Renunculus lingua***), le Liparis de Loisel (Liparis loeselii***), le Carex dioïque (Carex dioica).

D'autres espèces indiquent une nette acidification du milieu tourbeux correspondant, dans certains cas, à de véritables zones de tourbières à Sphaignes : la Laîche puce (Carex pulicaris), la Grassette du Portugal (Pinguicula lusitanica), les Rhynchospores fauve (Rhynchospora fusca**) et blanchâtre (R. alba), le Spiranthe d'été (Spiranthes aestivalis***), les Rossolis à feuilles rondes (Drosera rotundifolia***), intermédiaire (D. intermedia***) et d'Angleterre (D. longifolia***), la Canche des marais (Deschampsia setacea**), l'Ossifrage brise-os (Narthecium ossifragum**).

Les vastes étendues de prairies tourbeuses, avec des formes de passage à la tourbière proprement dite, présentent une riche flore caractéristique, dont les Laîches fauve (Carex hostiana) et filiforme (C. lasiocarpa), le Calamagrostide blanchâtre (Calamagrostis canescens**), la Gesse des marais (Lathyrus palustris**), le Scirpe à une écaille (Eleocharis uniglumis). et -de nouveau- la Stellaire des marais (Stellaria palustris).

Enfin, une végétation aquatique nettement différente a pu être observée au sein des mares plus acides et oligotrophes de l’ancienne carrière avec notamment le Potamot à feuilles de renouée (Potamogeton polygonifolius), le Scirpe flottant (Scirpus fluitans*) et le millepertuis des marais (Hypericum elodes)…

Des espèces, auparavant signalées sur le site, n'ont toutefois pas été revues lors des récentes investigations de terrain. Il s'agit entre autres de la Fougère des marais (Thelypteris palustris), du Flûteau rampant (Baldellia repens), de la Bartsie visqueuse (Parentucellia viscosa), du Nard raide (Nardus stricta), de la Laîche à fruits gracieux (Carex lepidocarpa) ou encore du Potamot de Berchtold (Potamogeton berchtoldii).

FAUNE

La richesse faunistique qui caractérise ce site s'exprime à travers la présence d'une grande variété d'espèces appartenant à différents groupes ; certaines sont rares et/ou protégées au niveau national (*), notamment les amphibiens et reptiles.

Tout d'abord, on doit signaler la présence sur le site de la Sangsue médicinale (Hirudo medicinalis) en grande raréfaction au niveau national et qui a donné son nom au marais.

Les amphibiens ont été prospectés notamment au niveau des mares de l'ancienne carrière. On retiendra la présence de Triton marbré (Triturus marmoratus) en tant qu'espèce déterminante. Plusieurs autres espèces, plus communes, sont également présentes : Salamandre tachetée (Salamandra salamandra), Triton palmé (Lissotriton helveticus), Triton alpestre (Ichtyosaura alpestris), Crapaud accoucheur (Alytes obstreticans), Crapaud commun (Bufo bufo), Rainette verte (Hyla arborea), Grenouille rousse (Rana temporaria), Grenouille verte (Pelophylax kl. esculenta).

La plupart des reptiles identifiés sur ce site présentent un intérêt patrimonial modéré : Orvet fragile (Anguis fragilis), Lézard vivipare (Zootoca vivipara), Couleuvre à collier (Natrix natrix). En revanche, est également présente la Vipère péliade (Vipera berus), espèce menacée en Basse-Normandie.

Le site dans son ensemble, par la présence de milieux variés, constitue une zone refuge pour ces organismes dans un contexte marqué par une intensification des pratiques agricoles.

Les relevés entomologiques ont également permis de confirmer la grande richesse de ce site.

Dix huit espèces de libellules ont jusqu'alors été recensées dans ce marais, parmi lesquelles l'Agrion de Mercure (Coenagrion mercuriale*) qui compte une belle population sur cette unique station manchoise, le Leste dryade (Lestes dryas), l'Orthétrum bleuissant (Orthetrum coerulescens), l'Agrion gracieux (Coenagrion pulchellum)...

Les Orthoptères comptent également des représentants intéressants comme le Conocéphale des roseaux (Conocephalus dorsalis), le Criquet ensanglanté (Mecostethus grossus), le Criquet des clairières (Chrysochraon dispar), le Criquet verdelet (Omocesthus viridulus) - très rare en Normandie - ou le Criquet palustre (Chorthippus montanus)...

Une espèce d'Hétéroptère aquatique rare est également présente dans cette zone : Sigara scotti.

De nombreux papillons ont été recensés sur ce site. Parmi les plus intéressants, il convient tout d'abord de mentionner le rare Damier de la Succise (Euphydryas aurinia*), dépendant de sa plante hôte : la Succise (Succisa pratensis).

D'autres espèces méritent d'être mentionnées : le Miroir (Heteropterus morpheus), le Bombyx de la Ronce (Macrothylacia rubi), Scopula imutata, Idaea muricata, la Cidarie Agate (Eulithis testacea), Ceramica pisi, la Noctuelle pudorine (Mythimna pudorina), l'Ancre (Eustrotia uncula)...

Au niveau ornithologique, les marais de la vallée du Gorget constituent un site exceptionnel. Outre le fait qu'ils représentent un important relais pour les migrateurs, c'est au regard des espèces nicheuses que sa valeur ornithologique s'affirme. En effet, la nidification de nombreuses espèces d'intérêt patrimonial a été observée.

Ces marais sont jusqu'à présent le seul site normand où les trois espèces de busards ont niché : le Busard des roseaux (Circus aeruginosus), le Busard Saint-Martin (C. cyaneus) et le Busard cendré (C. pygargus).

Ils constituent également un bastion pour la reproduction des limicoles, notamment pour le Courlis cendré (Numenius arquata), le Vanneau huppé (Vanellus vanellus) et le Râle d'eau (Rallus aquaticus).

D'autre part, la richesse et la diversité de la communauté des passereaux insectivores sont l'une des grandes caractéristiques de cette vallée. Ainsi, au printemps, ce milieu est animé par le chant de la Bouscarle de Cetti (Cettia cetti), de la Cisticole des joncs (Cisticola juncidis), du Phragmite des joncs (Acrocephalus schoenobaenus), du Bruant des roseaux (Emberiza schoeniclus), de la Locustelle tachetée (Locustella naevia), de la Bergeronnette printanière (Motacilla flava) et de sa cousine la Bergeronnette flavéole (Motacilla flava flavissima), du Rossignol philomèle (Luscinia megarhynchos)...

D'autres espèces faisaient encore récemment la réputation ornithologique de ce marais, mais ont aujourd'hui tendance à disparaître ou à régresser du fait de la fermeture des milieux, de plusieurs années consécutives de sécheresse, de la succession d'hivers froids, mais également à cause d'un contexte général de baisse pour certaines espèces : nidification jusqu'en 1990 de la Bécassine des marais (Gallinago gallinago) et effectifs importants en hiver, nidification du Râle des genêts (Crex crex) jusqu'en 1994, de la Locustelle luscinioide (Locustella luscinioides) jusqu'en 1985, de la Rousserolle verderolle (Acrocephalus palustris) jusqu'en 1989...

Enfin, le bilan des richesses écologiques de cette zone serait incomplet si l'on ne mentionnait pas la présence des deux mammifères très rares que sont la Musaraigne aquatique (Neomys fodiens*) et la Crossope de Miller (Neomys anomalus) découverte en 1993, ce qui constituait la première mention de l'espèce pour le nord-ouest de la France.

Commentaires sur la délimitation

Vallée tourbeuse renfermant des habitats et des espèces animales et végétales d'intérêt patrimonial parmi lesquelles de nombreuses sont protégées.