ZNIEFF 250008148
MARAIS DU COTENTIN ET DU BESSIN

(n° régional : 00140000)

Commentaires généraux

S'étendant sur les départements de la Manche et du Calvados, les marais du Cotentin et du Bessin occupent une immense dépression située à la charnière du Cotentin armoricain et de la limite occidentale du Bassin parisien.

Articulés sur les basses-vallées de la Douve, de la Taute, de la Sèves, de la Vire, de l'Aure et du Merderet, les marais intérieurs sont constitués d'un écheveau dense de petites rivières, canaux et fossés irriguant le paysage de vallées larges, planes et ramifiées.

Exutoire marin de la totalité de ces marais, la baie des Veys constitue une large échancrure s'ouvrant sur la mer, où l'affrontement des eaux douces et marines et de puissants phénomènes hydro-sédimentaires dynamiques génèrent une forte productivité biologique. Ce vaste estuaire correspond à environ neuf pourcents de la surface de la présente Znieff. On y trouve une mosaïque d’habitats sous influence marine, du continent vers la mer : les herbiers à Zostera noltei ; les prés salés pionniers ; les sables vaseux intertidaux à Cerastoderma edule et polychètes ; les sables envasés intertidaux à Hediste diversicolor, Macoma balthica et Eteone longa (deux faciès) ; et les sables fins intertidaux dominés par les Polychètes et Amphipodes (trois faciès), qui constituent l’essentiel de la partie marine. Des banquettes sableuses à Pygospio elegans peuvent s’établir dans la baie mais il s’agit de structures à caractère temporaire. A l’est, une plage sableuse se développe avec des sables des hauts de plages à Talitres et des sables grossiers coquilliers intertidaux ainsi qu’une zone rocheuse (substrats durs intertidaux).

L'ensemble des marais constitue un vaste éco-complexe à hautes valeurs paysagère et culturelle dont les différentes unités écologiques complémentaires (marais intérieurs aux sols minéraux et tourbeux ; rivières, canaux et plans d'eau ; dunes ; grèves et vases salées ; domaines estuarien et intertidal) fonctionnent en étroite relation. Cette connexion écologique s’étend en mer avec la large Znieff marine de type II "Baie de Seine occidentale", et plus précisément avec celle de type I intitulée "Baie des Veys subtidale", qui correspond à l’extension au large de l’exutoire des marais.

Cette mosaïque de milieux, leur superficie, leur caractère d'humidité permanente, et le maintien de pratiques agricoles extensives expliquent la concentration exceptionnelle, au fil des saisons, de communautés animales et végétales rares et originales.

Noter enfin l'appartenance de cet ensemble au dispositif Natura 2000, avec la ZPS FR2510046 "Basses Vallées du Cotentin et Baie des Veys" (directive Oiseaux) et la ZSC FR2500088 "Marais du Cotentin et du Bessin - Baie des Veys" (directive Habitats).

FLORE

Ce remarquable complexe comporte des formations végétales rares en bon état général de conservation. De ce fait, il abrite bon nombre d'espèces végétales d'intérêt patrimonial dont beaucoup bénéficient d'une protection nationale (**) ou régionale (*).

Les vastes étendues de prairie, présentant par endroits un caractère tourbeux plus ou moins marqué, renferment une riche flore hygrophile caractéristique, dont le Calamagrostide blanchâtre (Calamagrostis canescens*), la Gesse des marais (Lathyrus palustris*) et la Ratoncule naine (Myosurus minimus) colonisant les lieux piétinés.

Certaines plantes indiquent une nette acidification du milieu tourbeux, correspondant alors à de véritables zones de tourbières à sphaignes, avec les Rhynchospores blanchâtre (Rhynchospora alba) et fauve (R. fusca*), l'Ossifrage brise-os (Narthecium ossifragum*), le Spiranthe d'été (Spiranthes aestivalis**), les Rossolis à feuilles intermédiaires (Drosera intermedia**) et rondes (D. rotundifolia**), le Rossolis d'Angleterre (D. longifolia**), la Canche des marais (Deschampsia setacea*). La Canneberge (Vaccinium oxycoccos*) et l'Andromède (Andromeda polyfolia**), grandes raretés normandes, semblent malheureusement avoir disparu.

D'autres constituent un groupement bien proche de la tourbière alcaline comme la Sanguisorbe officinale (Sanguisorba officinalis*), la grande Douve (Ranunculus lingua**), la Linaigrette à feuilles larges (Eriophorum latifolium*), le Scirpe pauciflore (Eleocharis quinqueflora*), la Pédiculaire des marais (Pedicularis palustris*).

L'assèchement progressif de la tourbe favorise le développement de landes et de bois abritant notamment le Bois sent-bon (Myrica gale*).

L'important réseau de drainage (fossés) et les étendues aquatiques (mares, fouilles), eutrophes à oligotrophes, présentent une flore extraordinairement variée dont plusieurs espèces de Potamots (Potamogeton pusillus, P. coloratus*, P. nodosus*, P. acutifolius, P. compressus*, P. friesii, P. obtusifolius, P. berchtoldii...), la Pesse d'eau (Hippuris vulgaris*), le Myriophylle verticillé (Myriophyllum verticillatum*), la petite Utriculaire (Utricularia minor*), l'Utriculaire citrine (Utricularia australis*), la Pilulaire à globules (Pilularia globulifera**) -fougère originale-, le Flûteau nageant (Luronium natans**), diverses callitriches (Callitriche truncata, C. platycarpa, C. cophocarpa)...

Enfin, les milieux périphériques de la baie (prairies humides plus ou moins saumâtres, roselières, dunes, fossés et mares...) contribuent à renforcer l'intérêt patrimonial de la zone. Ici, l'influence de la mer se fait sentir par la présence d'espèces comme les Atropis distant (Puccinellia distans) et fasciculé (P. fasciculata), la Ruppie maritime (Ruppia maritima*), l'Arroche littorale (Atriplex littoralis*), le Trèfle maritime (Trifolium squamosum*), l'Elyme des sables (Leymus arenarius**), le Polypogon de Montpellier (Polypogon monspeliensis*), l'Oenanthe faux-boucage (Oenanthe pimpinelloides*), le Chénopode à feuilles grasses (Chenopodium chenopodioides), la Soude vraie (Suaeda vera*), la Laîche ponctuée (Carex punctata*), le Scirpe piquant (Scirpus pungens*), la Stellaire des marais (Stellaria palustris), la Linaigrette à feuille étroites (Eriophorum angustifollium), la Laîche puce (Carex pulicaris), le Mouron délicat (Anagallis tenella), la Scirpe épingle (Eleocharis multicaulis), l'Elodée des marais (Hypericum elodes), le petit Nénuphar (Hydrocharis morsus ranae), la Lentille d'eau trilobée, la grosse Lentille d'eau (Spirodella polyrhiza), l'Azolle fausse fougère (Azolla filicoides), l'Hottonie des marais (Hottonia palustris), le Comaret (Comarum palustre), le Pigamon jaune (Thalictrum flavum)...

D'autres espèces assez rares à rares et/ou protégées au niveau régional (*) ou national (**), sont présentes, telles la Laîche des marais (Carex acutiformis), la Laîche filiforme (Carex lasiocarpa), le Trèfle d'eau (Meyanthes trifoliata), la Leersie faux riz (Leersia oryzoides*), le Choin noirâtre (Schoenus nigricans), le Troscart des marais (Triglochin palustre), la Laîche à bec (Carex rostrata), la Centaurée scabieuse (Centaurea scabiosa) et la Berle érigée (Berula erecta).

A noter la présence d’une phanérogame marine sous forme de véritables herbiers (Grand Vey et Pointe de Brévands) suivis en 2008 et 2014 dans le cadre de la DCE : la Zostère de Nolt ou zostère naine (Zostera (Zosterella) noltei). Cet habitat remarquable est répertorié par la convention OSPAR parmi les habitats menacés. Il est également protégé au titre de la « Loi littoral ». Il s’agit, avec ceux de la Znieff de Type I "Anse du Cul de Loup", des seuls herbiers de Manche orientale.

FAUNE

Les marais du Cotentin et du Bessin recèlent une annélide achète peu commune, la Sangsue médicinale (Hirudo medicinalis), organisme ayant donné son nom au "marais de la Sangsurière".

Les nombreux relevés entomologiques réalisés sur ce vaste espace ont permis de mettre en évidence une grande diversité, avec de nombreuses espèces rares et/ou protégées au niveau national (**).

L'omniprésence de l'eau et la variété des substrats sont favorables à de nombreuses libellules peu communes. Parmi elles, citons en premier lieux le Leste dryade (Lestes dryas) -espèce déterminante- et l'Agrion de Mercure (Coenagrion mercuriale**), mais aussi, à un degré de rareté moindre, l'Agrion gracieux (Coenagrion pulchellum), l'Aeschne printanière (Brachytron pratense), le Leste verdoyant (Lestes virens), le Leste brun (Sympecma fusca),...

Les Orthoptères sont également nombreux et variés dans ces marais. Ils comptent plusieurs espèces remarquables comme la Decticelle des bruyères (Metrioptera brachyptera), le Tétrix des vasières (Tetrix ceperoi) et le Criquet des jachères (Chorthippus mollis) -trois espèces déterminantes-, mais aussi le Criquet palustre (Chorthippus montanus), le Conocéphale des roseaux (Conocephalus dorsalis), le Criquet verdelet (Omocestus viridulus), le Criquet vert-échine (Chorthippus dorsatus), le Criquet des clairières (Chrysochraon dispar), le Criquet ensanglanté (Stethophyma grossum),…

Certaines espèces intéressantes de Coléoptères ont pu également être contactées : Aromia moschata, Dolichosoma lineare, Sitona discoideus...

Parmi les nombreux papillons présents dans cette zone, citons les espèces les plus rares : la Noctuelle pudorine (Mythimna pudorina), l'Ancre (Eustrotia uncula), le Damier de la Succise (Eurodryas aurinia**), Idaea muricata, Scopula immutata, Sesia apiformis, Sideridis albicolor...

De nombreuses espèces d’invertébrés benthiques occupent la baie des Veys et servent d’alimentation aux oiseaux et poissons, accessibles aux uns et aux autres au rythme des marées. La baie des Veys constitue le gisement principal de coques (Cerastoderma edule) de Basse-Normandie. Il est ouvert à la pêche professionnelle. Cette ressource fait l’objet d’une gestion des stocks par le Comité Régional des Pêches Maritimes de Basse-Normandie (CRPBN).

Ce vaste ensemble de marais est aussi peuplé d'une riche faune batrachologique comprenant des espèces peu communes telles que le Crapaud calamite (Bufo calamita), le Triton lobé (Triturus vulgaris) et le Triton crêté (Triturus cristatus) -espèces déterminantes-, mais aussi le Crapaud accoucheur (Alytes obstetricans), la Rainette verte (Hyla arborea) et le Triton palmé (Lissotriton helveticus).

Les différentes rivières présentes sont d'un intérêt piscicole marqué. Leurs débordements annuels sont la condition "sine qua non" pour que le Brochet (Esox lucius), très présent, puisse frayer sur les prairies ainsi ennoyées.

Par ailleurs, ces rivières, et notamment la Vire, sont fréquentées par des poissons migrateurs remontant frayer. Il s'agit notamment des Lamproies fluviatile (Lampetra fluviatilis) et marine (Petromyzon marinus), de la grande Alose (Alosa alosa), de l'Alose feinte (Alosa fallax), du Saumon atlantique (Salmo salar) et de la Truite de mer (Salmo trutta trutta).

Mais l'un des intérêts majeurs de ce site est d'ordre ornithologique. La variété, la qualité et la surface des habitats (continentaux et marins), alliées à l'existence de pratiques agricoles traditionnelles, conditionnent la présence de très nombreuses espèces d'intérêt patrimonial aux plans régional voire national.

Ces espèces sont citées sur la base des relevés de la ZPS, et au regard de leur période clé de présence (ex : nidification) leur conférant le statut d'espèce déterminante, mais nombre d’entre elles peuvent être aussi présentes à d’autres périodes de l’année, et à effectifs parfois supérieurs (voir tableau de saisie).

En période de nidification, ces marais sont occupés par des densités importantes de fauvettes paludicoles et autres passereaux tels que le Traquet tarier (Saxicola rubetra), la Bergeronnette flavéole (Motacilla flavissima), la Gorge-bleue à miroir (Luscinia svecica), le Phragmite des joncs (Acrocephalus schoenobaenus) le Bruant des roseaux (Emberiza schoeniclus), le Bruant proyer (Emberiza calandra), la Rousserolle verderolle (Acrocephalus palustris), la Locustelle tachetée (Locustella naevia), la Locustelle luscinioïde (Locustella luscinioides),...

Ils accueillent également de nombreux anatidés tels que les Sarcelles d'été (Anas querquedula) et d’hiver (Anas crecca), le Canard souchet (Anas clypeata), le Tadorne de Belon (Tadorna tadorna), le Canard chipeau (Anas strepera),...Le Canard pilet (Anas acuta) n’est vraisemblablement plus nicheur sur cette Znieff ces dernières années.

Deux espèces de busards sont également nicheuses : le Busard des roseaux (Circus aeruginosus), et le Busard cendré (C. pygargus). En rapaces nocturnes, le rare Hibou des marais (Asio flammeus) est bien présent en hiver, et a de plus été nicheur une année.

Les limicoles sont nombreux à se reproduire dans ces marais. Parmi les espèces les plus remarquables, citons en premier lieu le Gravelot à collier interrompu (Charadrius alexandrinus), mais aussi le Petit Gravelot (Charadrius dubius), le Courlis cendré (Numenius arquata), le Chevalier combattant (Philomachus pugnax), le Chevalier gambette (Tringa totanus), le Vanneau huppé (Vanellus vanellus), l’Huitrier-pie (Haematopus ostralegus),... A noter, la Bécassine des marais (Gallinago gallinago), le Combattant varié (Philomachus pugnax) et la Barge à queue noire (Limosa limosa) ne semblent plus nicheurs ici ces quinze dernières années.

D'autres espèces à valeur patrimoniale choisissent de nicher dans cette zone, parfois en effectifs remarquables : le Butor étoilé (Botaurus stellaris), la Cigogne blanche (Ciconia ciconia), le Héron garde-bœufs (Bubulcus ibis), l’Echasse blanche (Himantopus himantopus), le Râle d’eau (Rallus aquaticus), le Râle des genêts (Crex crex), le Héron cendré (Ardea cinerea), le Goéland marin (Larus marinus), le Grèbe à cou noir (Podiceps nigricollis), l’Aigrette garzette (Egretta garzetta), la Marouette ponctuée (Porzana porzana),...

En période inter-nuptiale, les marais du Cotentin et du Bessin et la baie des Veys constituent une zone importante de passage migratoire pour nombre d'anatidés et de limicoles. Il s'agit notamment de la Bernache cravant (Branta bernicla), du Canard siffleur (Anas penelope), du Canard pilet (Anas acuta), de la Sarcelle d'hiver (Anas crecca), du Tadorne de Belon (Tadorna tadorna), du Grèbe huppé (Podiceps cristatus), de la Barge à queue rousse (Limosa lapponica), de la Sterne caugek (Sterna sandvicensis), de la Spatule blanche (Platalea leucorodia), du Courlis corlieu (Numenius phaeopus), et du Phragmite aquatique (Acrocephalus paludicola),...

Mentionnons également en hivernage, avec des effectifs importants -notamment en baie des Veys avec régulièrement plus de vingt mille oiseaux présents-, le Tadorne de Belon (Tadorna tadorna), l’Huitrier-pie (Haematopus ostralegus), le Courlis cendré (Numenius arquata), le grand Gravelot (Charadrius hiaticula), le Vanneau huppé (Vanellus vanellus), le Canard souchet (Anas clypeata), le Canard siffleur (Anas penelope), la Sarcelle d'hiver (Anas crecca), le Pluvier argenté (Pluvialis squatarola), le Bécasseau variable (Calidris alpina). A effectifs plus modestes, notons la présence en hiver de l'Oie cendrée (Anser anser), l’Oie rieuse (Anser albifrons), la Bernache nonnette (Branta leucopsis), le Canard pilet (Anas acuta), le Chevalier gambette (Tringa totanus), le Combattant varié (Philomachus pugnax), le Plongeon catmarin (Gavia stellata), la Bécassine sourde (Lymnocryptes minimus), la Barge à queue rousse (Limosa lapponica), la Sterne caugek (Sterna sandvicensis), le Bruant des neiges (Plectrophenax nivalis), le Bruant lapon (Calcarius lapponicus),..

Sur le plan mammalogique, cette zone de marais renferme la rare Musaraigne aquatique (Neomys fodiens) et le très rare Crossope de Miller (Neomys anomalus).

Enfin, la baie des Veys est l'un des rares sites français accueillant une colonie hivernante et reproductrice de Phoques veau-marin (Phoca vitulina). Il s’y nourrissent de mulets (Liza sp), de plies (Pleuronectes platessa), d’orphies (Belone belone), de dragonnets (Callionymus lyra) et de soles (Spitz, 2010). Le marsouin (Phocoena phocoena) et le grand dauphin (Tursiops truncatus) fréquentent aussi régulièrement la baie.

Les Chiroptères sont aussi largement représentés avec, en espèces déterminantes, le petit Rhinolophe (Rhinolophus hipposideros), le Grand Murin (Myotis myotis), la Barbastelle d'Europe (Barbastella barbastellus) et le Murin de Daubenton (Myotis daubentonii) et, en espèces plus répandues, la Sérotine commune (Eptesicus serotina) et la Pipistrelle commune (Pipistrellus pipistrellus).

Commentaires sur la délimitation

Vaste zone humide inondable (vallées de l'isthme du Cotentin) et son exutoire (baie des Veys) associant une multitude d'habitats en interrelation. Ceux-ci renferment de nombreuses espèces animales et végétales d'intérêt patrimonial dont beaucoup sont protégées.