ZNIEFF 310007280
Dunes de Dannes et du Mont Saint-Frieux

(n° régional : 00000061)

Commentaires généraux

Les dunes de Dannes et du Mont-St-Frieux figurent parmi les sites les plus remarquables du littoral de la Manche orientale et sont uniques en leur genre à l’échelle européenne.
Cette ZNIEFF correspond en effet à un très vaste système dunaire de type picard associant des dunes calcarifères basses récentes et des dunes plus anciennes en partie plaquées sur la falaise crétacique fossile correspondant à la branche sud de la cuesta du Boulonnais, dans sa terminaison la plus occidentale faisant le lien avec les falaises également fossiles de Dannes-Camiers.
De belles dunes paraboliques sèches enserrent de plus ou moins grandes pannes alimentées par la nappe phréatique superficielle mais il faut également noter la présence de vastes dépressions inondables voire de petites vallées dunaires alimentées par des sources et des ruisseaux temporaires ou permanents dont les eaux sont issues de la nappe de la craie. Cette complexité géomorphologique et hydrogéologique, unique en Europe sous climat nord-atlantique, est à l’origine d’une extrême diversité des conditions écologiques (trophiques, édaphiques et microclimatiques), ce qui explique la multiplicité des habitats connus recensés, ou encore à caractériser, qui composent ces paysages dunaires malheureusement toujours altérés par de trop importantes plantations de pins qui obèrent les potentialités floristique et phytocénotique de certaines zones.
L’hygrosère dunaire nord-atlantique oligotrophile est assez bien représentée (Carici pulchellae - Agrostietum 'maritimae', Calamagrostio epigeji - Juncetum subnodulosi…) mais non optimale, car parfois perturbée par les aménagements antérieurs permettant l’inondation de pannes par des eaux plus eutrophes issues de la nappe de la craie, ou encore du fait d’un pâturage inadapté participant à leur eutrophisation. Nous insisterons en particulier ici sur les végétations psammophiles xérophiles thermophiles internes : ourlets à Sceau de Salomon odorant (Roso spinosissimae - Polygonatetum odorati ), fourré dunaire très original du Loniceretum periclymeni - xylostei qui, bien que non d’intérêt communautaire car sans Argousier-faux-nerprun, est rarissime en France et inféodé aux arrières-dunes les plus « chaudes », jeunes forêts dunaires correspondant au Groupement dunaire à Carex arenaria et Betula pendula, mais aussi sur les mégaphorbiaies originales de l’ Irido pseudacori - Oenanthetum crocatae liées à l’embouchure des ruisseaux côtiers de Bronne, de Dannes et d’autres sans nom !
Des marais tourbeux plus continentaux, d’une très grande valeur patrimoniale sont également présents (Junco obtusiflori - Schoenetum nigricantis, Anagallido tenellae - Eleocharitetum quinqueflorae et Junco subnodulosi - Caricenion lasiocarpae), ceux-ci s’étant probablement substitués au rarissime Carici trinervis-Schoenetum nigricantis par évolution des sols et enrichissement trophique des sables suite à une alimentation par des eaux de la nappe de la craie, plus riches que celle de la nappe des sables.
Au total, une cinquantaine de végétations déterminantes de ZNIEFF caractérisent ce massif dunaire, quelques-unes d’entre-elles méritant d’être confirmées, même si elles sont marginales.

L’intérêt floristique est immense. On y rencontre la grande majorité des espèces potentielles des dunes littorales régionales, qu’il s’agisse des dunes sèches ou des pannes et plaines humides à longuement inondables, dont des endémiques nord atlantiques comme la Laîche trinervée (Carex trinervis) et l’Erythrée littorale (Centaurium littorale) en populations souvent abondantes. Avec 142 taxons déterminants de ZNIEFF, c’est une des ZNIEFF les plus riches en taxons remarquables de tout le littoral régional. Et parmi celles-ci, 46 taxons sont protégés dans le Nord-Pas de Calais et huit au niveau européen (Liparis loeselli) ou national (Littorella uniflora), certaines méritant toutefois d’être confirmées car observées dans les années 2000 (Helosciadium repens, Leymus arenarius…).
D’autres espèces sont également remarquables pour le site et méritent également toute l’attention : Centenille naine (Lysimachia minima), plante minuscule très rare dans la région et présente sur les sables dunaires décalcifiés, Céphalanthère à longues feuilles (Cephalanthera longifolia), orchidée exceptionnelle et gravement menacée de disparition dans le Nord-Pas de Calais. La population dunaire du site est réduite à sa plus simple expression : un seul pied recensé ; Rubanier nain (Sparganium natans), espèce rarissime gravement menacée de disparition au niveau régional ;

70 espèces déterminantes de faune ont été recensées sur cette ZNIEFF : cinq espèces d’Amphibiens, douze de Rhopalocères, huit d’Odonates, dix d’Orthoptères, une de coccinelle, deux de Mollusques, six de Mammifères et 24 d’Oiseaux. A cette liste s’ajoutent deux espèces complémentaires d’odonates.
Les amphibiens présents sur le site comprennent le cortège habituellement observé dans les milieux dunaires de la région, avec notamment le Crapaud calamite et le Pélodyte ponctué, également présents sur les terrils du bassin minier (GODIN, 2003). L'Alyte accoucheur est une espèce pionnière préférant les milieux à formations végétales ouvertes (affleurement rocheux, éboulis, plages de gravier ou de sable, etc.) qui trouve des habitats favorables dans les milieux dunaires. Le Triton crêté est classé à l’Annexe II de la Directive Habitats-Faune-Flore. La Rainette verte est inscrite à l’Annexe IV de la Directive Habitats-Faune-Flore. Elle est principalement localisée le long du cordon littoral, dans les pannes dunaires et les mares voisines du littoral (GODIN, 2003). Le fait que ces deux espèces soient quasi-menacées avec une tendance d'évolution des populations en diminution dans Nord – Pas de Calais (GODIN & QUEVILLART, 2015) leur confère une importance particulière en termes de conservation.
Le cortège de Rhopalocères déterminants observés sur les Dunes de Dannes et du Mont Saint-Frieux comprend des espèces typiques des milieux dunaires. Parmi ceux-ci, le Petit nacré et l'Agreste sont assez rares dans le Nord-Pas de Calais du fait de leur confinement au cordon littoral. Plusieurs espèces sont des habitants des prairies maigres et des pelouses. Parmi celles-ci, l’Hespérie de la mauve et la Grisette sont également rares dans le Nord-Pas de Calais (LAFRANCHIS, 2000 ; HUBERT & HAUBREUX, 2014). L'Hespérie du chiendent est en danger critique d’extinction dans le Nord – Pas de Calais. La Mélitée du plantain est également une habitante des pelouses, friches et prairies maigres, très rare dans le Nord – Pas de Calais dont la répartition est restreinte à une partie du littoral du Pas-de-Calais. On peut également citer le Demi-Deuil et la Mégère (LAFRANCHIS, 2000) dans ce type d’habitat, tous deux assez communs dans le Nord – Pas de Calais.
Quatre autres espèces, bien que non strictement liées aux milieux littoraux trouvent des habitats favorables ici. La Thécla du bouleau qui est plutôt inféodée aux milieux où pousse sa plante-hôte principale, le Prunellier (haies, lisières, broussailles). La Thècle de la ronce est une espèce qui apprécie les lisières, les prairies bocagères, les landes et les milieux broussailleux. Le Petit sylvain est une espèce forestière inféodée aux chèvrefeuilles. L'Hespérie de la houque est quasi menacée dans le Nord – Pas de Calais ; elle est observée en milieux ouverts herbeux et en prairies forestières (LAFRANCHIS, 2000).
Parmi les espèces d'odonates, on notera particulièrement l'Agrion de Mercure qui se développe dans le bassin versant du ruisseau de Dannes-Camiers mais également dans les petits ruisseaux côtiers prenant naissance depuis la source de Bronne. L'habitat occupé ici est original (ruisseaux côtiers sur sables). L'alimentation des ruisseaux se fait par résurgence de la nappe de la craie et non pas par la nappe des dunes, et correspond mieux avec son écologie dans le reste du domaine biogéographique.
L'Agrion bénéficie de la gestion extensive du cours d'eau laissant place à la succession de différents faciès d'écoulement et permettant le développement de cressonnières du bord des eaux (Apion nodiflori) où l'espèce pond. . La larve passe, a priori, deux années dans l'eau et occupe les sédiments et les racines des herbiers. Les curages et faucardages fréquents sont très dommageables pour l'espèce impactant directement les larves mais perturbant également l'habitat.
Ces ruisseaux côtiers sont également le lieu de développement du Cordulegastre annelé dont la larve se développe dans les zones calmes des cours d'eau en plusieurs années. La larve reste enfouie et chasse à l'affût, elle profite également d'une gestion extensive du cours d'eau avec succession de différents faciès d'écoulement.
L’Orthétrum bleuissant est un odonate rare dans le Nord – Pas de Calais. Il colonise les eaux stagnantes et courantes diverses mais s’accommode mal des pollutions (Grand & Boudot, 2006).
Le Sympétrum méridional est rare dans le Nord – Pas de Calais et localisé principalement en Plaine maritime picarde, dans les pannes dunaires. Le Sympétrum jaune est une espèce spécialiste des mares temporaires peu commune dans le Nord – Pas de Calais. Cette espèce est menacée par la baisse du niveau des nappes, le drainage des prairies humides, la destruction des zones tourbeuses et la pollution des étangs dans les zones agricoles (Grand & Boudot, 2006).
Les dix espèces d’Orthoptères déterminantes présentes sur la ZNIEFF peuvent se répartir en deux grands groupes : les espèces colonisant les pelouses rases et plutôt sèches et les espèces liées aux zones humides. Parmi les espèces du premier groupe se trouvent des taxons particulièrement rares ou menacés dans le Nord – Pas de Calais. Le Gomphocère tacheté est assez rare dans le Nord – Pas de Calais et confiné au littoral et au bassin minier (CABARET, 2010). Le Sténobothre nain, fortement menacé dans la Liste rouge française pour le domaine némoral (SARDET & DEFAUT, 2004) est rare dans le Nord – Pas de Calais. Il se développe principalement au niveau des pelouses écorchées (dunaires, calcaires, silicicoles) et a beaucoup souffert de l'abandon du pâturage ovin. Le Grillon champêtre est rare et fortement menacé d’extinction dans le Nord – Pas de Calais du fait de sa distribution restreinte. La Decticelle chagrinée est un habitant des lieux xériques à végétation clairsemée. Elle est assez rare dans le Nord – Pas de Calais. Enfin le Criquet noir ébène est une espèce occupant divers habitats (prairies, milieux secs, friches, parties les plus sèches des marais, etc.) (BELLMANN et al., 2009) rare dans le Nord – Pas de Calais.
Parmi le groupe d’orthoptères liés aux zones humides se trouve le Conocéphale des roseaux, fortement menacé dans la Liste rouge française pour le domaine némoral (SARDET & DEFAUT, 2004). Cette espèce est inféodée aux hautes végétations de joncs, laîches et graminées (COUVREUR & GODEAU, 2000). Le Tétrix des vasières est une espèce assez rare dans le Nord – Pas de Calais mais qui préfère les sablières humides et les vasières (BELLMANN et al., 2009).
Enfin le Grillon des bois est une espèce assez rare dans le Nord – Pas de Calais : il fréquente les clairières et orées forestières ensoleillées, mais également les prairies sèches (BELLMANN et al., 2009).
Concernant les Mollusques, Vertigo angustior se trouve principalement dans des milieux très humides sur sols calcaires. Il est connu dans les massifs dunaires de la Flandre maritime, de Mayville, au sud du Touquet et dans la Réserve naturelle de la Baie de Canche (CUCHERAT, 2005). Vertigo pusilla est présent uniquement sur deux sites en région dont la Réserve naturelle de la baie de Canche (CUCHERAT, 2005).
Les 24 espèces d'oiseaux déterminants correspondent au cortège d'espèces d'oiseaux des massifs dunaires et se partagent les différents habitats présents dans Dunes de Dannes et du Mont Saint-Frieux. Le Pic noir, assez rare dans le Nord – Pas de Calais a besoin de vastes surfaces boisées avec des arbres âgés et du bois mort en abondance. Parmi les autres oiseaux forestiers, nous trouvons la mésange noire (forêts de conifères, rare dans le Nord – Pas de Calais), le Pouillot siffleur (vieilles forêts), la Bondrée apivore ou le Bouvreuil Pivoine (zones boisées avec un sous-bois dense). L'Alouette lulu et le Traquet motteux, le Vanneau huppé (respectivement très rare, rare et commun dans le Nord – Pas de Calais) vivent dans des habitats ouverts à végétation rase et clairsemée. L'Engoulevent d'Europe (rare dans le Nord – Pas de Calais), le Pipit des arbres, le Bruant jaune, le Pouillot fitis, la Fauvette grisette, la Pie-grièche écorcheur (rare dans le Nord – Pas de Calais) ou encore le Tarier pâtre s'installent par contre de préférence dans des habitats ouverts, plus ou moins embroussaillés (MNHN, 2012, CFR, 2016).
Plusieurs espèces d’oiseaux sont liées aux zones humides. Le Pipit farlouse préfère des milieux humides à végétation courte avec peu ou pas d’arbres. Le Phragmite des joncs et les Râle d’eau (assez rare dans le Nord – Pas-de-Calais) sont deux autres habitants des zones humides, qui préfèrent les végétations touffues (phragmitaies, cariçaies, saulaies des bords de cours d’eau, etc.). La Bouscarle de Cetti vit dans des habitats riches en haies, bosquets ou bois denses, à proximité de l'eau. Le Tadorne de Belon, quasi menacé sur la Liste Rouge du Nord – Pas de Calais, est étroitement lié aux milieux vaseux pour se nourrir et aux milieux fournissant des abris face aux prédateurs pour la reproduction (dunes, îles et îlots, arbres creux), parfois très éloignés des sites de nourrissage (MNHN, 2012, CFR, 2016).
Six espèces déterminantes de Mammifères sont observées sur le site. Parmi elles se trouvent trois espèces de chauve-souris : le Grand rhinolophe, classé NT dans la Liste rouge nationale, et le Murin à oreilles échancrées, tous deux inscrit à l’Annexe 2 de la Directive Habitats-Faune-Flore et le Murin de natterer, vulnérable dans le Nord-Pas de Calais (FOURNIER, 2000 ; UICN France et al., 2009a). Le Muscardin est une petite espèce arboricole, rare dans la liste rouge du Nord – Pas de Calais (FOURNIER, 2000). Le Phoque veau marin et le Phoque gris sont inscrits à l’Annexe 2 de la Directive Habitats-Faune-Flore.

Commentaires sur la délimitation

Le périmètre de la ZNIEFF correspond à l’ensemble du massif dunaire entre les communes de Dannes (Sainte-Cécile) et Neufchâtel-Hardelot (Hardelot-Plage), y compris les dunes plaquées sur les falaises de craies fossiles.


En 2010 et 2014, deux extensions du périmètre vers le nord ont permis d’intégrer un ensemble de dunes relictuelles qui hébergent toujours quatorze taxons et huit végétations déterminantes de ZNIEFF (pelouses du Tortulo ruraliformis- Phleetum arenarii, sous diverses phases de développement avec des pelouses très ouvertes riche en annuelles, des pelouses matures et des pelouses vieillissantes avec des faciès bryo-lichéniques développés, Vicia lathyroides, Crambe maritima, Poa bulbosa var. Bulbosa …).


Sur le plan de la diversité et de la qualité phytocénotiques et floristiques d’une part, et d’un point de vue fonctionnel d’autre part, cette extension s’inscrit bien dans la continuité spatiale et écologique des dunes de Dannes et du Mont-Saint Frieux.


Elle permet ainsi de préserver des espaces complémentaires de pelouses dunaires d’intérêt communautaire prioritaire, de plus en plus menacées par le grignotage des espaces périphériques aux espaces dunaires, qu’ils soient protégés ou non, l’urbanisation de la côte continuant à faire disparaître des hectares de milieux littoraux sableux pourtant irremplaçables et non compensables.


L’intégration de cette dune relictuelle au sein du réseau des ZNIEFF et sa préservation représentent donc un enjeu fort, un symbole et également une nécessité pour limiter la délocalisation de la fréquentation régulière des riverains vers d’autres secteurs de dunes, ce qui serait inévitable si celui-ci venait à être détruit.