ZNIEFF 310013318
PRAIRIES HUMIDES ARRIERES-LITTORALES BOCAGERES ET BOISEMENT TOURBEUX DE VERTON, RANG-DU-FLIERS ET BERCK

(n° régional : 00000164)

Commentaires généraux

Complexe bocager humide arrière-littoral particulièrement original, associant prairies mésotrophiles à eutrophiles pâturées ou fauchées de différents niveaux topographiques, avec de nombreuses mares, des petits fossés ou de plus importants longuement inondés et des chenaux d'écoulement des eaux de ruisseaux côtiers (Fliers, Arche, Course Merlot et Course Racine). De nombreuses haies, des linéaires de saules têtards et de vieux arbres contribuent également à donner au site une grande valeur paysagère.



De remarquables boisements tourbeux s'étendant de Verton à Rang-du-Fliers sont également à signaler, marquant la limite orientale de la plaine maritime picarde, avant les premières collines de l'Artois.



De même, le maintien de prairies subhalophiles à la flore et aux végétations tout à fait exceptionnelles à l'intérieur des terres constitue un autre élément majeur du patrimoine écologique de cette ZNIEFF. Il s'agit là très probablement de végétations reliques de l’estuaire de l’Arche, un petit fleuve qui se jetait autrefois dans la Manche au sud du village de Berck, au niveau de l'actuelle place de l'entonnoir. L’estuaire s’ouvrait profondément vers l’intérieur et Verton était au Moyen-âge un port de mer avec une activité de salines. L’ensablement progressif de l’estuaire a incité les habitants à détourner l’Arche vers le Sud au début du XVIIIème siècle (Briquet, 1930). L’Arche passe aujourd’hui à proximité de ces prairies subhalophiles en parties occupées par de grandes mares de chasse, avant de rejoindre le Fliers. Outre son intérêt biologique et écologique, ce secteur est un témoin de l’histoire géomorphologique et culturelle de Berck et des environs et devrait être préservé à ce titre.





Dix syntaxons déterminants de ZNIEFF en région Hauts-de-France [Camart et Catteau (coord.), 2023 à paraître] ont été nouvellement notés, revus ou confirmés sur les  treize potentiellement identifiés, au rang de l'association ou de l'alliance phytosociologique. Ils correspondent à une dizaine d'habitats déterminants de ZNIEFF, en lien avec la diversité et l’originalité phytocénotiques évoquées précedemment.




La flore d’intérêt patrimonial connue et recensée dans la ZNIEFF depuis sa description initiale dans les années 1990 comporte 45 taxons (espèces et sous-espèces) au total, en excluant les deux autres taxons anciennement déterminants ou protégés à considérer en 2022 dans la catégorie « Autres espèces à enjeux ». De manière un peu plus détaillée, on peut noter treize taxons nouvellement observés sur les 29 relevés, dont deux à confirmer car les conditions d’observation n’étaient pas optimales (sécheresse de l’année 2022 ou prospections trop précoces pour que la détermination soit certaine en l’absence de fleurs ou de fruits) et dix qui n’ont pas été revus mais non recherchés spécifiquement.



Par ailleurs, une douzaine de taxons découverts dans les années 2010 par le GDEAM n’ont pu faire l’objet de recherches spécifiques, faute d’accès facile aux parcelles (nombreuses mares de chasse et prairies périphériques encloses avec accès principal cadenassé et fossés souvent infranchissables), le manque de temps ou les difficultés pour avoir accès à l’information n’ayant pas permis de contacter les propriétaires des secteurs antérieurement prospectés. De même, les conditions climatiques de l’année 2022 (mares et fossés déjà totalement à sec en avril) n’ont pas permis de confirmer le maintien de diverses espèces aquatiques ou amphibies pourtant recherchées, mais d’autres espèces, pour certaines d’une grande valeur patrimoniale, ont pu être découvertes.



Parmi le cortège conséquent d’espèces halophiles à subhalophiles recensées en 2010 et qui comprenait une grande partie des espèces les plus rares ou les plus menacées de la ZNIEFF, liées aux anciennes salines de Verton, on peut notamment citer la Laîche divisée (Carex divisa), exceptionnelle dans la région, le Jonc des chaisiers glauque (Schoenoplectus tabernaemontani), l’Oenanthe de Lachenal (Oenanthe lachenalii), le Lotier (Lotus glaber), etc. revus en 2018 ou ailleurs en 2022. Par contre, d’autres taxons très rares et hautement indicateurs du passé maritime de ce secteur, comme le Jonc maritime (Juncus maritimus), le Troscart maritime (Triglochin maritima) ou d’autres, non halophiles, comme la Littorelle des étangs (Littorella uniflora), quasi-menacée en région Hauts-de-France et protégée sur l’ensemble du territoire français métropolitain seraient à confirmer. Un visite du site a pu être sollicitée en 2023 et des compléments seront dans la mesure du possible apportés pour conforter l’intérêt majeur de ce secteur qui mériterait une gestion spécifique.




Sur 42 taxons d'avifaune signalés, vingt-neuf sont déterminants, dont treize nicheurs probables ou possibles. Les autres semblent plutôt utiliser les habitats comme zone de nourrissage, de repos en halte migratoire ou d’hivernage.



Les roselières ou les fourrés marécageux accueillent un cortège de passereaux paludicoles aux exigences particulières. Le Phragmite des joncs (Acrocephalus schoenobaenus) et la Bouscarle de Cetti (Cettia cetti) sont les plus répandus ; la Rousserolle effarvatte (Acrocephalus scirpaceus) et le Bruant des roseaux (Emberiza schoeniclus) semblent plus localisés. Le Bruant des roseaux est en danger sur la liste rouge nationale ainsi que sur celle du Nord et du Pas-de-Calais (Gajocha, 2019). A ces quatre espèces nicheuses probables s’ajoutent la Gorgebleue à miroir (Luscinia svecica) et la Locustelle luscinioïde (Locustella luscinioides), nicheuses possibles à rechercher dans les mêmes habitats. Cette dernière, signalée en 2009 à Groffliers, est en danger critique d’extinction dans le Nord et le Pas-de-Calais où il n’y aurait pas plus d’une vingtaine de couples chaque année (Camberlein, 2019). Elle est en danger au niveau national. La Locustelle luscinioïde recherche de vastes roselières inondées pour s’installer et la plaine maritime picarde entre Canche et Authie fait partie des territoires où des indices de nidification sont encore rapportés.



Parmi les oiseaux fréquentant les plans d’eau et leurs abords, l’Echasse blanche (Himantopus himantopus) est nicheuse probable dans plusieurs secteurs de la ZNIEFF. Inscrit en danger sur la liste rouge « régionale », ce petit échassier est bien implanté dans les marais arrière-littoraux entre Canche et Authie (Sueur, 2019). Pour nicher, cette espèce sensible aux dérangements s’installe dans les vasières et prairies basses faiblement inondées aux abords de certains plans d’eau. Le Vanneau huppé (Vanellus vanellus), fréquemment observé en période nuptiale dans les pâtures humides et certaines parcelles de cultures basses, est lui aussi nicheur probable dans les secteurs les plus tranquilles de la ZNIEFF.



L’avifaune des paysages agrestes (prairies bocagères, friches et cultures) est représentée par cinq espèces déterminantes : la Perdrix grise (Perdix perdix), l’Hirondelle rustique (Hirundo rustica) et l’Alouette des champs (Alauda arvensis), toutes trois nicheuses possibles dans les habitats adéquats. L’Alouette des champs est victime de l’intensification des pratiques agricoles et la régression significative des populations au niveau national est encore accentuée dans le Nord et le Pas-de-Calais où son statut est passé de quasi-menacé à vulnérable (VU) (Burrow, 2019). La Fauvette grisette (Sylvia communis) a aussi été contactée en période de nidification et pourrait se reproduire dans les friches et prairies avec des haies ou bosquets d’arbustes. La nidification du Bruant jaune (Emberiza citrinella) sur le site dépend du maintien des haies, buissons et arbres isolés dans les prairies. Les friches, jachères, fossés encombrés constituent des éléments du paysage qui attirent aussi ce passereau granivore, considéré comme Vulnérable dans le Nord et le Pas-de-Calais, comme sur l’ensemble du territoire national (Gournay, 2019).



Indiqué nicheur probable entre 1991 et 2009 dans la ZNIEFF, le Busard Saint-Martin (Circus cyaneus) n’a pas donné d’indices de nidification locale depuis. Dans le Nord et le Pas-de-Calais, ce rapace semble aujourd’hui préférer les territoires d’openfield au détriment des zones bocagères pour se reproduire (Boutrouille & Cavitte, 2019). Enfin, la Barge à queue noire (Limosa limosa) était considérée comme nicheuse possible dans la ZNIEFF entre 1991 et 2007. En fort déclin dans toute l’Europe, cette espèce en danger critique d’extinction dans le Nord et le Pas-de-Calais semble ne plus se reproduire qu’en Flandre maritime depuis 2009 (Caloin, 2019). Ces deux taxons ont donc été retirés de la liste des espèces nicheuses dans la ZNIEFF.



Pour les amphibiens, des recherches nocturnes en 2009 avaient montré que la Rainette arboricole (Hyla arborea) était assez répandue dans les mares prairiales en période nuptiale. L’espèce est toujours présente en 2022 mais une actualisation complète de sa répartition est à entreprendre. La Rainette arboricole est peu commune et vulnérable dans le Nord et le Pas-de-Calais. Le Triton crêté (Triturus cristatus), observé en 1983 à Verton, pourrait encore occuper certaines mares de bonne qualité et devrait être recherché selon un protocole adapté. Ce triton protégé au niveau national est inscrit en annexe II et IV de la Directive Habitats-Faune-Flore. Enfin, le Triton alpestre (Ichtyosaura alpestris) et la Couleuvre à collier (Natrix helvetica), déterminants en 2010, sont aujourd’hui considérés comme autres espèces à enjeux. La densification des zones habitées au cœur de la ZNIEFF après 2010 impacte toujours les populations d’Amphibiens et la Couleuvre à collier, victimes de la circulation sur les routes.



Les deux espèces de Chiroptères recensés en 2009, mais non notées depuis - le Grand rhinolophe (Rhinolophus ferrumequinum) et le Grand murin (Myotis myotis) sont toujours assez rares et déterminantes dans le Nord et le Pas-de-Calais. Toutes deux sont inscrites en Annexe II de la Directive Habitat-Faune-Flore.



La ZNIEFF est parcourue d’un réseau dense de cours d’eau (le Fliers, l’Arche) et de fossés de drainage. Une observation opportuniste en 2015 a révélé la présence d’un taxon de poisson déterminant, l’Anguille européenne (Anguilla anguilla) à Rang-du-Fliers aux abords d’un cours d’eau.



L’évaluation de l’entomofaune de la ZNIEFF a été partiellement actualisée par quelques travaux réalisés entre 2010 et 2022 (Coccinellidae, punaises Pentatomoidea). Des prospections complémentaires ont été réalisées en 2022 pour les Orthoptères. Pour d’autres groupes - en particulier les Lépidoptères et les Odonates - les connaissances n’ont pas été actualisées et les données opportunistes insuffisantes montrent un déficit de ressources. Ceci devra inciter à la vigilance avant toute décision risquant de nuire à l’intégrité des espaces naturels et pastoraux de la ZNIEFF (études d’impact intégrant l’entomofaune).



Majoritaire en diversité, le cortège des criquets et sauterelles (Orthoptères) inféodés aux zones humides compte deux taxons déterminants. Le Conocéphale des roseaux (Conocephalus dorsalis), assez commun dans le Nord et le Pas-de-Calais mais fortement menacé d’extinction dans le domaine némoral en France (Defaut & Sardet, 2004), était déjà signalé en 2010 et a été retrouvé en 2022. Il fréquente les secteurs les plus humides des prairies de fauche et des mégaphorbiaies. Le Criquet marginé (Chorthippus albomarginatus) n’était pas recensé en 2010. Relevé à Verton dans une prairie de fauche en 2022, il est à rechercher ailleurs dans la ZNIEFF où il peut trouver des habitats favorables (prairies et pâtures humides). La présence du Grillon champêtre (Gryllus campestris) a motivé une extension du périmètre dans le secteur des Moulins Beaussaut à Berck. Les prairies arrière-littorales entre Canche et Authie font partie des habitats de cette espèce rare dans le Nord et le Pas-de-Calais (Facon, 2016). La Decticelle bariolée (Roeseliana roeselii), citée en 2010, ne figure plus dans la liste des taxons déterminants mais dans celle des autres espèces à enjeux.



En 2018, un inventaire des Pentatomoidea (Hémiptères) du Montreuillois a permis d’identifier sept taxons dans le périmètre de la ZNIEFF. Bien qu’il n’existe pas encore de liste de taxons déterminants pour les punaises au niveau régional,  on peut souligner la découverte de Troilus luridus au Bois des Allées. Relativement rare en France, cette espèce eurosibérienne est plus répandue dans le nord et le nord-ouest du pays (Lupoli & Dusoulier, 2015). Ses exigences écologiques en font un hôte privilégié des forêts hygrophiles, des marais et des tourbières boisées. Concentrés aux abords du Fliers, les boisements marécageux couvrent une faible superficie à l’échelle de la ZNIEFF (Bois des Allées, bois des Plants à Verton). Leur préservation y est un enjeu majeur tant pour les végétations et la flore que pour la faune particulière qu’ils hébergent.



Pour les Coléoptères, la famille des Coccinellidaea a fait l’objet de prospections dans le périmètre de la ZNIEFF en 2008 et 2009 lors de l’inventaire des Coccinelles du Pas-de-Calais (Facon & Terrasse, 2015). L’évaluation a été actualisée partiellement entre 2015 et 2022. Il faut souligner la présence de trois taxons appartenant au cortège des coccinelles hygrophiles, inféodées aux zones humides ouvertes, dont la Coccinelle à treize points (Hippodamia tredececimpunctata), assez rare et déterminante dans le Nord et le Pas-de-Calais.  Cette espèce était assez répandue dans les habitats favorables du site en 2009 (21 stations). Elle n’était pas citée dans la ZNIEFF en 2010 faute de liste de taxons déterminants pour les coccinelles. Retrouvée à Verton en 2022 dans une prairie de fauche (nouvelle station), la Coccinelle à treize points devrait être recherchée systématiquement au fauchage de la végétation herbacée basse aux abords des mares, fossés et cours d’eau. A certaines périodes de l’année, elle peut s’écarter des abords immédiats de l’eau pour chercher sa ressource alimentaire dans les friches et cultures voisines.

Commentaires sur la délimitation

En 2010, le périmètre de la ZNIEFF a été légèrement modifié pour exclure quelques zones densément urbanisées à la marge (Verton). A Rang-du-Fliers, une correction légère a aussi été nécessaire pour recaler la limite de la ZNIEFF avec l’emprise réelle du Bois des Allées (bois tourbeux à Fougère des marais) et ajouter une prairie humide abritant des espèces patrimoniales. Une petite extension a été ajoutée au Nord-Ouest (Berck) pour inclure une mégaphorbiaie abritant deux espèces déterminantes de ZNIEFF protégées au niveau régional (Pigamon jaune et Jonc à tépales obtus). La ZNIEFF a également été étendue au Nord à cette époque afin d’assurer une continuité écologique avec le Marais de Balançon (ZNIEFF 310007236).

En 2022, une exclusion significative a été réalisée au coeur de la ZNIEFF pour exclure tout un linéaire de parcelles dont l'urbanisation s'est intensifiée de manière très importante en une décennie, le long de plusieurs voiries. De même sept autres parcelles aujourd'hui loties, dont une correspondant à l'extension significative d'un camping dont la surface a augmenté de près des deux-tiers de la surface initiale, ont été enlevées du périmètre.

Le nouveau périmètre a donc été calé de manière à bien prendre en compte les petits boisements et quelques parcelles de prairies qui n'avaient pas été intégrées en 2010 (plusieurs prairies humides bocagères pâturées ou fauchées au Nord-Ouest, avec fossés et linéaires boisés ; autres prairies bocagères avec nombreux saules têtards majestueux et vieux arbres dans la partie centrale de la ZNIEFF, deux ensembles dont l'intérêt écologique et fonctionnel est indéniable pour les espèces déterminantes de faune présentes au sein de cette ZNIEFF).

La présence du Grillon champêtre (Gryllus campestris) a ainsi motivé une des extensions du périmètre dans le secteur des Moulins Beaussaut à Berck

A noter également que les parcelles cultivées qui émaillent cette ZNIEFF ne sont pas récentes et que leur maintien est tout à fait justifié, celles-ci étant toujours bordées de grands fossés en eau et de linéaires boisés riches en saules, abritant diverses espèces déterminantes de flore comme le Butome en ombelle (Butomus umbellatus) ou le Saule à trois étamines (Salix triandra), voire des espèces aquatiques qui n'ont pas pu être observées en 2022 du fait des conditions de sécheresse excessive (mares et fossés déjà à sec à la mi-mai !). Elles sont également largement utilisées par diverses espèces de faune déterminante ou à enjeux, notamment en halte migratoire ou en hivernage.