ZNIEFF 310013689
Etang et Bois tourbeux de Brimeux

(n° régional : 01040003)

Commentaires généraux

Les marais de Brimeux se composent d’un ensemble d’étangs frangés de roselières, de saulaies et de bois tourbeux drainés par un réseau assez dense de chenaux et de fossés. Une petite rivière, le Clair Vignon, traverse le site d’Est en Ouest et se déverse dans la Canche en aval de la ZNIEFF. Le marais est traversé du Nord au Sud par une route (desserte locale). Ces bois tourbeux sont d’origine essentiellement naturelle car le secteur a été épargné par les plantations massives de peupliers qui ont affecté beaucoup de zones humides dans la basse vallée de la Canche. Il s’agit d’aulnaies inondables en mosaïque avec des fourrés de saules souvent difficilement pénétrables : le développement de la végétation, l’inondation quasi-permanente et la faible portance du sol s’allient pour limiter la fréquentation humaine à quelques chemins étroits. Les milieux terrestres ouverts occupent une surface réduite dans la ZNIEFF. Il s’agit essentiellement des pâtures humides du Petit Brimeux. Les milieux aquatiques sont en majorité des étangs permanents, issus au moins en partie de l’exploitation de la tourbe (CSN 59/62, 2004). A l’Ouest, de très vastes étangs de pêche occupent la quasi-totalité de la surface (les Prés des Aulnaies). A l’est de la route, les étangs sont de superficie plus réduite. Certains sont aménagés avec plus ou moins de modération pour la chasse à la hutte (les Grands Prés, les Prés de l’Eglise). L’essor des terrains de loisirs n’a pas épargné ce secteur et quelques étangs de pêche ou d’agrément et leurs abords ont perdu tout aspect naturel. Neuf espèces végétales déterminantes de ZNIEFF, dont sept protégées dans la région Nord Pas-de-Calais, ont été répertoriées dans les différents milieux qui composent la ZNIEFF. Parmi les plantes aquatiques, le Nymphéa blanc (Nymphea alba) a été observé sur le site. La Fougère des Marais (Thelypteris palustris) [rare, protection régionale] présente de petites populations dans les saulaies fangeuses à la marge de certains étangs. Le Scirpe des bois (Scirpus sylvaticus) [peu commun, protection régionale] a aussi été observé. De superficie réduite et situées au bord de chemins dans des secteurs très fréquentés, ses rares stations sont particulièrement vulnérables. Les pâtures du Petit Brimeux accueillent pour leur part le Troscart des marais (Triglochin palustre) [rare, protection régionale] sur les berges de fossés piétinés par le bétail, ainsi que le Trèfle d’eau (Menyanthes trifoliata) [rare, protection régionale] et la Stellaire des marais (Stellaria palustris) [assez rare, protection régionale] dans les prairies les plus humides. Au-delà des espèces végétales patrimoniales, c’est surtout l’originalité des structures et des types de végétation qui est à souligner pour ce complexe de végétations forestières turficoles. D’une grande qualité écologique et peu dégradées, elles hébergent des combinaisons d’espèces caractéristiques d’habitats marécageux peu communs dans le Nord Pas-de-Calais. Les aulnaies turficoles du Cirsio oleracei - Alnetum glutinosae, assez rares au plan régional, constituent l’essentiel des végétations forestières. Le drainage devrait être limité pour ne pas accentuer le phénomène d’atterrissement de ces boisements marécageux, déjà partiellement altérés, qui conduit à une banalisation des végétations forestières annoncée par le développement des espèces nitrophiles (orties, ronces…). Moins répandues dans la ZNIEFF, les végétations d’atterrissement des marges de certains étangs non aménagés sont plus remarquables : les touradons de Laîche paniculée qui indiquent la présence du Caricetum paniculatae et les fourrés de Saules cendrés à Fougère des marais (Alno glutinosae - Salicetum cinereae) sont deux habitats rares à l’échelle régionale. Leur maintien et leur possible extension dépendent de l’absence d’intervention humaine. Tout nouvel aménagement à visée touristique, piscicole ou cynégétique est donc à proscrire sur les berges des plans d’eau encore épargnées. Dans le même objectif, le curage des étangs et des fossés doit être réalisé avec des méthodes douces, avec exportation des vases et des boues hors du site, afin de limiter l’eutrophisation et la rudéralisation des milieux périphériques. Les prairies humides du Petit Brimeux abritent deux habitats déterminants de ZNIEFF : le Triglochino palustris - Agrostietum stoloniferae occupe les berges piétinées du fossé qui traverse les pâtures, tandis que l’Eleocharito palustris - Oenanthetum fistulosae se cantonne à quelques dépressions longuement inondables à l’Est. Dans ce secteur, un ajustement de la pression de pâturage et une limitation du drainage sont souhaitables afin de conserver les qualités écologiques du milieu. Au total, ce sont 7 habitats déterminants qui ont été recensés à ce jour dans la ZNIEFF des étangs et bois tourbeux de Brimeux. Huit espèces de champignons déterminantes ont aussi été observées dans le périmètre de la ZNIEFF. Les aulnaies turficoles accueillent un cortège d’espèces spécifiques. Trois espèces dites « parapluie déterminantes », c’est-à-dire des espèces à valeur écologique forte, caractéristiques de mycocoenoses rares, vulnérables ou inféodées à des milieux rares ou vulnérables (COURTECUISSE et al., 2005), ont été relevées dans les bois tourbeux de Brimeux. Il s’agit de Gyrodon lividus, Lactarius lilacinus et Russula pumila. La faune patrimoniale répertoriée dans la ZNIEFF compte 15 espèces déterminantes. Chez les oiseaux, la Bouscarle de Cetti (Cettia cetti) est assez largement répandue car elle profite de la densité des saulaies pour s’installer. Les étangs bordés de saules sont aussi favorables au Martin-pêcheur (Alcedo atthis) qui y trouve sa ressource alimentaire et des postes de chasse. La présence d’un dortoir hivernal d’Ardéidés [Aigrette garzette (Egretta garzetta), Grande aigrette (Egretta alba)] peut être soulignée bien qu’aucun indice de nidification n’ait encore été signalé. L’herpétofaune compte deux espèces déterminantes de ZNIEFF. La Couleuvre à collier (Natrix natrix) [Reptiles] fréquente les marais boisés à proximité des étangs ou des fossés. La Rainette arboricole (Hyla arborea) [Amphibiens] reste pour sa part localisée à la marge orientale du site. L’essentiel des populations régionales de cette espèce se concentre sur le littoral du Pas-de-Calais, mais elle existe encore dans la vallée de la Canche sous la forme de quelques populations clairsemées entre Hesdin et Montreuil (FACON et al., 2008). La présence de la Rainette à l’est de la ZNIEFF semble liée à l’existence du noyau de population important des marais de Beaurainville/Lespinoy situés directement en amont du marais boisé de Brimeux. Cette espèce relativement mobile montre une prédilection pour les mares ensoleillées, peu profondes et pourvues d’une végétation aquatique. La présence de poissons dans les plans d’eau permanents lui est défavorable (prédation sur les larves). Toutefois, la Rainette pourrait trouver des milieux de reproduction adéquats dans les mares prairiales du Petit Brimeux. Les chants entendus en été et en automne dans ce secteur sont émis par des individus en phase terrestre à partir de leurs habitats estivaux (fourrés et lisières boisées). Sept espèces d’insectes déterminantes de ZNIEFF sont répertoriées sur le site : le peuplement d’Odonates compte 5 espèces déterminantes. La Libellule fauve (Libellula fulva) est assez fréquente, notamment aux alentours du Clair Vignon. Chez les Zygoptères, il faut souligner la reproduction probable de l’Agrion délicat (Ceriagrion tenellum), rare en région Nord/Pas-de-Calais. Pour leur part, les deux espèces d’Orthoptères déterminantes [Conocéphale des roseaux (Conocephalus dorsalis) et Criquet ensanglanté (Stethophyma grossum)] semblent cantonnées aux prairies humides du Petit Brimeux. Les saulaies et boisements marécageux ne sont pas favorables à ces espèces inféodées aux milieux terrestres ouverts.  Chez les poissons, l’Anguille (Anguilla anguilla), considérée comme vulnérable au niveau national, fréquente les eaux du Clair Vignon et peut être affectée par les opérations de curage du cours d’eau. Le Vertigo de Desmoulins (Vertigo moulinsiana), un mollusque inscrit à la directive européenne « Habitats - Faune - Flore », complète la liste des espèces déterminantes de ZNIEFF des étangs et bois tourbeux de Brimeux. Les vastes étangs frangés de saules des Prés des Aulnaies et du Marais des Aulnaies présentent un intérêt paysager indéniable qui n’est sans doute pas étranger à l’attractivité touristique du secteur. Pour leur part, les boisements marécageux impénétrables qui bordent le Clair Vignon contribuent à l’aspect sauvage et naturel du site. A contrario, le secteur des Grands Prés et des Prés de l’Eglise est dénaturé par des aménagements inopportuns : des clôtures et murs végétaux autour des mares de chasse interdisent toute perspective sur le marais et l’artificialisation excessive des terrains de loisirs (aménagement des plans d’eau, plantations ornementales et pelouses tondues à ras, implantation de cabanons et équipements de loisirs) leur a fait perdre tout caractère d’espace naturel. Le mitage résidentiel du marais est incompatible avec l’intérêt tant écologique que paysager de la ZNIEFF des étangs et bois tourbeux de Brimeux. Il devrait être proscrit à l’avenir pour sauvegarder les espaces encore vierges au nord-est de la ZNIEFF. Dans le même objectif, les abords du camping des Aulnaies au Sud (étang, terrain de sport, décharge) devraient faire l’objet d’une attention particulière pour éviter la poursuite de leur artificialisation. La pêche à la ligne représente un usage important du site et les impacts de cette activité sur les berges des étangs doivent être contrôlés et limités : il faut éviter en particulier tout aménagement visant à rendre accessibles les saulaies qui bordent les étangs. Parmi les espèces introduites, des populations de Bernache du Canada et de Cygne tuberculés sont installées sur les étangs et se reproduisent sur le site (BELET et al., 2008). Leur impact sur le milieu et les autres espèces pourrait faire l’objet d’une évaluation. Trois forages ont été recensés dans le secteur des étangs (CSN Nord Pas-de-Calais, 2004). Dans l’ensemble de la ZNIEFF, le drainage et le curage des fossés devraient être limités afin de maintenir les conditions d’inondabilité nécessaires à la conservation des végétations hygrophiles patrimoniales et des espèces associées qui le sont également.

Commentaires sur la délimitation

Les étangs et bois tourbeux de Brimeux appartiennent au complexe écologique de la basse vallée de la Canche. La ZNIEFF est constituée d’un vaste complexe d’étangs et de boisements tourbeux qui s’étendent dans le fond de la vallée, sur la rive gauche du fleuve, entre les villages de Brimeux au Sud et Marenla au Nord (rive droite). En amont, la limite communale avec le village de Lespinoy marque la fin de la ZNIEFF tandis que la limite occidentale est marquée par un étranglement de la rive gauche du fleuve en aval de la ZNIEFF. Entre les marais et le fleuve, les zones humides du Marqué, mitées de longue date par un phénomène d’urbanisation incontrôlée en zone inondable, sont exclues de la ZNIEFF en raison de l’artificialisation dont elles ont fait l’objet.

Le périmètre de la ZNIEFF de première génération a été étendu au Sud-Est pour inclure les pâtures du Petit Brimeux où plusieurs espèces et habitats de valeur patrimoniale ont été découverts récemment. Des corrections mineures ont été effectuées à la marge pour prendre en compte l’homogénéité des milieux et exclure quelques terrains de loisirs excessivement artificialisés.