ZNIEFF 310013690
Bois tourbeux et Marais de Marles-sur-Canche

(n° régional : 01040004)

Commentaires généraux

Les marais tourbeux de Marles-sur-Canche se composent surtout de boisements hygrophiles à inondables drainés par un réseau de fossés et de chenaux dont certains, aux eaux très claires, sont alimentés par des sources. Le marais est traversé d’Est en Ouest par la Nocq, un petit cours d’eau parallèle à la Canche dont le cours se poursuit en aval dans le marais de Montreuil. Les autres milieux aquatiques sont surtout des petits étangs dont la plupart sont utilisés pour la pêche ou comme plans d’eau d’agrément dans les terrains de loisirs.

Les groupements forestiers hygrophiles représentent l’essentiel des végétations terrestres spontanées, illustrant l’évolution de ces marais autrefois exploités et non boisés. Le drainage et les processus naturels d’atterrissement ont favorisé l’évolution des aulnaies-saulaies mésotrophiles turficoles vers les aulnaies eutrophiles où une végétation nitrophile ou plus mésophile (Ortie dioïque, ronces) se mêle aux espèces typiquement palustres comme le Cassissier (Ribes nigrum) et la Laîche des marais(Carex acutiformis). Quelques peupleraies délaissées montrent un processus de recolonisation spontanée par la végétation forestière sous la forme de taillis d’aulnes parsemés de frênes.

La végétation caractéristique des zones humides est aussi représentée par des groupements de grandes herbacées hygrophiles : des mégaphorbiaies occupent les coupes (peupleraies exploitées) et les bords de la Nocq fauchés pour permettre l’accès à certains secteurs du marais. Au Nord-Ouest, la Pâture à joncs, autrefois exploitée par l’agriculture, est aujourd’hui occupée par des cariçaies, des roselières et des mégaphorbiaies en voie de colonisation par les ligneux (bosquets de saules).

Sept végétations déterminantes de ZNIEFF ont été identifiées sur le site. Les boisements hygrophiles de l’Alnion glutinosae sont les plus répandus et se déclinent sous deux associations : l’Aulnaie eutrophile à Cirse maraîcher (Cirsio oleracei - Alnetum glutinosae), assez rare au niveau régional, est la plus fréquente. Elle illustre le processus d’évolution voire de dégradation des boisements inondables sous l’effet de l’atterrissement et/ou du drainage qui entraînent la minéralisation du substrat. Une remarquable aulnaie turficole longuement inondable parsemée de touradons de Laîche paniculée (Carex paniculata), située au nord-ouest du site (la Pâture à Joncs), représente la végétation forestière turficole initiale par rapport à l’Aulnaie eutrophile à Cirse maraîcher précédemment citée. Dans le cas présent, cette aulnaie marécageuse [groupement à Alnus glutinosa et Thelypteris palustris, considéré comme très rare à exceptionnel dans la région Nord/Pas-de-Calais (Catteau et al. 2009)] s’est en fait développée au détriment d’un tremblant tourbeux à Menyanthes trifoliata et Comarum palustre , ce dernier encore observé ponctuellement lors du premier inventaire ZNIEFF, en 1989.. Les végétations forestières hygrophiles proches de la Canche relèvent quant à elles plutôt d’uneaulnaie-frênaie alluviale relevant de l’Alnenion glutinoso incanae). Au sud-ouest de la ZNIEFF, un taillis d’aulnes et de frênes à Houblon grimpant et Aegopode podagraire (groupement à Fraxinus excelsior et Humulus lupulus) s’observe sous une forme non anthropisée sur la rive droite du fleuve. Assez rare dans la région, cet habitat est en voie de régression, notamment en raison de la destruction ou des profondes modifications induites par la plantation de peupliers le long des cours d’eau et dans les niveaux topographiques moyens des lits majeurs.

La cariçaie à Carex paniculata des sols tourbeux (Caricetum paniculatae), rare au niveau régional, se maintient au nord-ouest de la ZNIEFF (la Pâture à Joncs) et apparaît parfois de manière linéaire le long des chenaux ou fossés.

Douze espèces végétales déterminantes de ZNIEFF ont été recensées dans le marais de Marles-sur-Canche. Cinq sont protégées au niveau régional et une au niveau national. L’aulnaie turficole de la Pâture à joncs représente à ce titre un secteur exceptionnel, à préserver tout particulièrement : elle abrite les seules stations de la Grande Douve Ranunculus lingua (protection nationale, assez rare au niveau régional), du Trèfle d’eau Menyanthes trifoliata (rare, menacé d’extinction et protégé au niveau régional) et du Comaret des marais Potentilla palustris (très rare, gravement menacé d’extinction et protégé au niveau régional) , encore observées récemment dans le marais de Marles. Ces deux dernièresespèces strictement turficoles témoignent de ce que furent autrefois les stades antérieurs ouverts à semi-ouverts de la végétation de ce secteur (tremblants tourbeux et roselières). Leur maintien dépendra de la préservation du milieu vis-à-vis d’interventions humaines inconsidérées (drainage, remblais, coupes et aménagements divers), voire d’une politique de gestion douce qui pourrait permettre la conservation de ces stations à long terme. Il faut toutefois souligner la difficulté des interventions dans ces milieux tourbeux où le substrat a une très faible portance et où la végétation peut être sensiblement affectée par le tassement du sol consécutif à un piétinement excessif.

D’observation plus ancienne (1992), la Cicutaire vireuse Cicuta virosa est une autre espèce végétale remarquable de par son statut régional (exceptionnelle, gravement menacée d’extinction et protégée dans le Nord/Pas-de-Calais). Les petites roselières amphibies des tremblants vaso-tourbeux ou des ceintures d’atterrissement vaseuses de certains plans d’eau constituent son habitat de prédilection, mais elle peut se maintenir en sous-bois quelque temps dans les aulnaies marécageuses. Elle pourrait être recherchée dans le secteur de la Pâture à Joncs et en face du marais Perette.

Le Scirpe des bois (Scirpus sylvaticus), peu commun et protégé dans le Nord/Pas de Calais, est parfois présent dans les mégaphorbiaies mésotrophiles. La végétation aquatique des fossés et courants les moins artificialisés peut aussi présenter un intérêt floristique qu’illustre la présence de la Renoncule des eaux calcaires Ranunculus penicillatus subsp. pseudofluitans (rare, menacée d’extinction et protégée au niveau régional), du Potamot de Berchtold Potamogeton berchtoldii ou encore du Cresson à petites feuilles (Nasturtium microphyllum), tous deux rares dans la région.

La faune patrimoniale identifiée dans le marais de Marles-sur-Canche compte 4 espèces déterminantes de ZNIEFF.

La dominance des boisements a un impact sur la diversité du peuplement avifaunistique du marais et les petits étangs artificiels aux berges abruptes, soumis à de fréquents dérangements, ne sont guère attrayants pour les anatidés et les limicoles. Parmi les fauvettes paludicoles, seule la Bouscarle de Cetti (Cettia cetti), qui s’installe dans les milieux relativement évolués (saulaies), a été identifiée dans le marais. Toutefois, la densité de chanteurs semble limitée par rapport à d’autres marais de la basse vallée de la Canche. Cette rareté pourrait être liée à la maturité de la plupart des boisements et à la rareté des saulaies sur la majeure partie du site.

Chez les insectes, le peuplement d’Odonates du marais compte deux espèces déterminantes de ZNIEFF : la Libellule fauve (Libellula fulva) et l’Agrion mignon (Coenagrion scitulum). Les imagos s’observent principalement dans les zones ouvertes aux abords des fossés et de la Nocq.

La Couleuvre à collier (Natrix natrix), déterminante de ZNIEFF chez les Reptiles, a été observée dans la partie nord du marais.

Bien qu’assez fortement affectés par les aménagements touristiques, les plantations de peupliers et les modifications du fonctionnement hydrologique naturel (drainage, remblais, création de plans d’eau artificiels), les marais et bois tourbeux de Marles-sur-Canche conservent un intérêt écologique non négligeable. Il est néanmoins évident que la pression anthropique atteint le seuil de tolérance du milieu naturel sur une grande partie du site. La poursuite du mitage par les terrains de loisirs ou les plantations de peupliers dans les secteurs du Fond de Noël, du Marais Pérette et au sud-ouest de la ZNIEFF (entre la Canche et la Nocq) compromettrait sérieusement les qualités et l’intégrité de cette ZNIEFF. La mise en place d’une gestion conservatoire pourrait concourir au maintien de la diversité des habitats sur le long terme, à condition de maintenir l’inondabilité des terrains. Plus largement, l’eutrophisation des sous-bois est un phénomène qui concourt à la banalisation des milieux forestiers hygrophiles, en particulier sous les peupleraies.

Commentaires sur la délimitation

Les marais et bois tourbeux de Marles-sur-Canche appartiennent au complexe écologique de la basse vallée de la Canche. Ils s’étendent dans le fond de la vallée au nord du fleuve, en aval du village de Marles. Ils sont délimités à l’Est par la limite communale avec Montreuil-sur-Mer et Neuville-sous-Montreuil, au Nord par les cultures et les zone urbanisées du versant de la vallée, à l’Est par un quartier urbanisé de Marles. Au Sud, la limite de la ZNIEFF suit le cours de la Nocq, un petit cours d’eau parallèle au fleuve, puis rejoint celui de la Canche afin d’exclure la partie méridionale du marais, fortement dénaturée par des aménagements touristiques conséquents (terrains de loisirs privatifs) qui limitent son intérêt écologique. Dans le même objectif, le périmètre de la ZNIEFF de première génération a été légèrement rectifié pour exclure quelques parcelles très artificialisées à la marge et pour assurer l’intégration du cours de la Nocq et de ses berges au sud.