ZNIEFF 310030073
Le Franc-Marais de Brimeux

(n° régional : 01040009)

Commentaires généraux

Le Franc marais s'étend sur la rive droite de la Canche au nord-ouest du village de Brimeux. Située à la confluence du Bras de Bronne et de la Canche, cette vaste zone humide est constituée à parts à peu près égales de pâtures humides à longuement inondables et de boisements hygrophiles (naturels et peupleraies). Le marais est drainé par un réseau de fossés. Les usages du marais déterminent la physionomie des différents secteurs : les prairies qui accueillent des bovins ou des chevaux présentent une végétation rase ponctuée de touffes de joncs dans les secteurs les plus fréquentés. Ces prairies sont parsemées de dépressions longuement inondables et de zones en mégaphorbiaies dans les secteurs les moins fréquentés par le bétail ou en limite des boisements. Séparant les deux secteurs de prairies, une large bande boisée est occupée par une forêt marécageuse plantée de peupliers dont certains sont dépérissants. Au sud-est, la zone boisée a été partiellement défrichée et aménagée pour la chasse (création d’un étang et réseau de chenaux entrecoupés de roselières et cariçaies, ouverture de layons).

Ponctuées de nombreuses dépressions où le niveau d’eau fluctue au cours de l’année, les pâtures communales au nord et au sud sont caractérisées par un éventail de végétations herbacées plus ou moins hygrophiles en fonction de la durée d’inondation. Au total, le marais héberge au moins neuf végétations déterminantes de ZNIEFF dont sept revues depuis 2013. Les habitats prairiaux et les herbiers aquatiques sont les plus riches en espèces d'intérêt patrimonial. Au total, le Franc Marais compte dix-huit espèces de plantes déterminantes de ZNIEFF (neuf revues depuis 2013). Plusieurs stations de Dactylorhiza praetermissa et Veronica scutellata, déterminantes de ZNIEFF et protégées en Nord-Pas de Calais, ont été recensées dans divers secteurs des pâtures. Les mares et fossés s’illustrent par la présence d’herbiers riches en renoncules (Ranunculus circinatus, R. aquatilis...) mais hébergeant aussi Hippuris vulgaris et Nasturtium microphyllum, toutes déterminantes de ZNIEFF. Ces espèces sont également pour certaines en régresssion et leur maintien mériterait d'être confirmé, car elles n'ont pas toutes été revues récemment.

Le Franc Marais de Brimeux présente un intérêt pour la faune des zones humides et plusieurs espèces patrimoniales appartenant à divers groupes y ont été recensées. La synthèse des groupes faunistiques qui ont fait l’objet de recherches dévoile la présence de douze espèces déterminantes de ZNIEFF, dont neuf ont été observées depuis 2013.

La Rainette verte, connue de ce secteur de la vallée de la Canche, entre Brimeux et Marconnelle, n’y avait plus été observée depuis 2004. En 2018, elle a été observée dans le périmètre du site. Vulnérable à l’échelle du Nord et du Pas-de-Calais (Godin & Quevillart, 2015) sa population se concentre désormais principalement le long du littoral du Pas-de-Calais.

Chez les oiseaux, les secteurs boisés du marais sont favorables à la Bouscarle de Cetti (Cettia cetti), qui s’installe dans la végétation herbacée près de l’eau, sous le couvert des arbustes et des arbres. Les prairies inondées et les fossés présentent un intérêt fonctionnel pour l’Aigrette garzette (Egretta garzetta) et le Héron cendré en tant que zone de gagnage.

Deux espèces d’Orthoptères inféodées aux zones humides composent la liste des insectes déterminants de ZNIEFF : le Conocéphale des roseaux (Conocephalus dorsalis) et le Criquet ensanglanté (Stethophyma grossum) se rencontrent dans les prairies humides à hautes herbes. Ce dernier n’a toutefois pas été revu depuis 2006.

Enfin, le Vertigo de Desmoulins (Vertigo moulinsiana) colonise la végétation herbacée des pâtures les plus humides. Ce Mollusque déterminant de ZNIEFF figure en annexe 2 de la Directive européenne « Habitats-Faune-Flore ». Il n’a plus été observé depuis 2006 mais nécessiterait des recherches ciblées.

Les différents usages du Franc Marais ont façonné la physionomie actuelle du site, mais le maintien des qualités écologiques du marais est tributaire d’une utilisation raisonnée des ressources naturelles et d’une gestion qui tienne compte de la nécessité de maintenir l’inondabilité du site. Les boues de curage des fossés, abandonnées sur place, entraînent l’eutrophisation du substrat et la banalisation de la végétation. Elles devraient être systématiquement exportées hors du marais. Les pâtures souffrent d’une charge pastorale inadaptée (piétinement, apparition de zones de refus) et les traitements de fertilisation induisent localement une eutrophisation néfaste aux végétations herbacées les plus originales.

La pratique de la chasse limite l’attractivité du marais pour les oiseaux en migration et les hivernants (anatidés, limicoles), toutefois les modes de chasse pratiqués dans les prairies et les boisements (chasse à la botte) ne sont pas incompatibles avec la conservation des habitats si les interventions sur le milieu (fauche et ouverture de layons) donnent lieu à une exportation des résidus végétaux et des rémanents de ligneux. En ce qui concerne la chasse à la hutte, la gestion de l’étang et des chenaux pourrait être améliorée pour favoriser l’expression de végétations aquatiques et amphibies originales (herbiers aquatiques, roselières, cariçaies) et l’utilisation des milieux aquatiques par la faune. Il faut aussi limiter l’artificialisation des espaces périphériques. Dans les zones humides boisées, la dominance des peupliers est la conséquence des campagnes de plantations à grande échelle qui ont marqué les zones humides de la vallée en amont de Montreuil dans la seconde moitié du XXème siècle. Elle doit inciter à une réflexion sur la renaturation du milieu au fur et à mesure de l’exploitation des arbres âgés. On peut constater de nouvelles plantations de peupliers dans une partie de la pâture communale au sud du site. Il serait judicieux d’envisager la reconversion des peupleraies exploitées en boisements plus naturels ou en pâtures pour rééquilibrer la pression de pâturage au niveau de l’ensemble du marais et améliorer l’état des prairies existantes.

Enfin, certaines activités humaines aux abords du site (habitations, camp de gens du voyage sédentarisés) peuvent avoir un impact négatif sur le marais (pollutions diverses : eaux usées, activité des ferrailleurs).

Commentaires sur la délimitation

La création de la ZNIEFF du Franc Marais de Brimeux s’est inscrit dans une démarche de mise à jour de l’inventaire des zones humides patrimoniales dans le périmètre de la ZNIEFF de type 2 « La basse vallée de la Canche et ses versants en aval d’Hesdin » (ZNIEFF n°104). Les travaux de BELET et al., (2008) ont conduit à identifier ce secteur de prairies et de boisements inondables comme une zone humide homogène présentant un intérêt écologique significatif à l’échelle régionale. Le Franc Marais est situé au débouché de la vallée du Bras de Bronne, un affluent de la Canche qui marque à cet endroit la limite administrative avec la commune voisine de Beaumerie-Saint-Martin. Le périmètre de la ZNIEFF prend appui au sud sur le cours de la Canche qui coule au pied du versant méridional de la vallée avant d’effectuer un méandre qui le ramène vers le centre de celle-ci. Au niveau de la confluence, il s’écarte de la Canche et remonte le cours du Bras de Bronne. Les peupleraies denses qui couvrent la rive droite de celui-ci et quelques parcelles cultivées en rive gauche ont été exclues de la ZNIEFF. Au nord, la limite de la ZNIEFF, parallèle à la route départementale 113, a écarté une partie de la zone humide excessivement aménagée le long de la route (cultures, campement de gens du voyage sédentarisés, peupleraie). La limite orientale suit le tracé de la route départementale 129 en excluant les terrains urbanisés ou dégradés à la marge du marais.

En 2018 une extension a été proposée à l'est du périmètre pour intégrer des parcelles de même nature que celles présentes sur la ZNIEFF (fourrés hygrophiles et prairies mésohygrophiles) dans lesquelles plusieurs espèces déterminantes de ZNIEFF ont été observées (Lathyrus aphaca, Oenanthe fistulosa, Veronica scutellata, Rhinanthus angustifolius subsp. grandiflorus). Deux espèces déterminantes de faune y ont aussi été observées en 2018 : la Coccinelle à 13 points et le Conocéphale des roseaux. Tous deux trouvent en cette extension un habitat parfaitement favorable. Cette zone représente par ailleurs l'habitat de reproduction de la plupart des espèces citées dans le périmètre actuel du site (Rainette verte et Bouscarle de Cetti par exemple).