ZNIEFF 420030266
Cours, boisements et prairies humides de la Doller, de sa source à Mulhouse

(n° régional : 1685241)

Commentaires généraux

La Doller est une rivière dynamique biologiquement, écologiquement et hydrogéomorphologiquement exceptionnelle à l’échelle de la région et du bassin Rhin-Meuse.

Cet important affluent de l’Ill nait sur le versant alsacien du Ballon d’Alsace (Fennematt à Dolleren à 940 m d'altitude) et développe jusqu’à Mulhouse, un lit mineur d’environ 46 kilomètres. Sa pente moyenne de 15% traduit sa puissance énergétique qui émane aussi de la forte pluviométrie de la zone amont.

Les principaux affluents de la Doller sont situés dans la partie amont de Masevaux (Seebach, Soultzbach, Lachtelweiherbaechle). A l’aval de Lauw, le Bourbach comporte le débit le plus important.

Trois sections peuvent être distinguées : de la source à Lauw, de Lauw à Burnhaupt-le-bas, puis de Burnhaupt-le-bas à Mulhouse.

Le lit majeur est remblayé d’alluvions vosgiennes dont l’épaisseur croit considérablement à l’aval de Lauw, où le lit majeur s’élargit très fortement. A partir de Burnhaupt-le-bas, ces alluvions s’emboîtent en terrasses qui se superposent aux alluvions rhénanes.

Les sols alluviaux (aval de Sentheim) sont légèrement acides de type « limon sablo-argileux sur cailloutis sablo-argileux» avec un type hydromorphe (zone inondable) et un type sec sur les levées des terrasses anciennes. Sur le versant en rive gauche (aval Sentheim), les sols sont des « limons sur limon argileux, profond et hydromoprhe ».

L’occupation des sols de la vallée n’est pas uniforme. La zone amont jusqu’à Sentheim est orientée vers l’élevage bovin laitier avec une forte proportion de prairies naturelles extensives alors que la zone aval est beaucoup plus orientée vers la culture céréalière et notamment celle du maïs irrigué avec une part de prairies bien plus faible. La forêt alluviale se développe particulièrement autour des tronçons à lit mobile et sur certains versants limono-argileux.

A l’amont de Mulhouse, la Doller et ses abords assurent une fonction d’espace vert quasi-urbain. En période estivale, le lit mineur est particulièrement fréquenté.

La partie aval est influencée de longue date par la ville de Mulhouse, qui s’est servie de la Doller pour alimenter son activité textile et ses habitants en eau potable. Ceci a conduit à de nombreux aménagements altérant l’hydrosystème. Des diffluences (Dollerbaechlein et du Steinbaechlein) on été créées et de nombreux puits de captage ont été creusés à proximité de Mulhouse. Vers 1950, des projets de barrages se font jour pour « améliorer le rendement de la nappe ». Initialement prévu à l’amont de Mulhouse, la retenue est finalement édifiée sur un petit affluent, le Michelbach vers la fin des années 80. Conçu sans aucun but écologique, le barrage de Michelbach se révèle très intéressant

pour les habitats et les espèces, d’où un classement en réserve naturelle volontaire le 4 juillet 1997. Aujourd’hui, 200.000 habitants soit près d’un tiers du département du Haut-Rhin sont alimentés par l’eau de la nappe de la Doller.

La ville de Mulhouse a acquis 90 hectares de terrains autour du puits de captage, et remis en herbe.

L’Autoroute A 36 construite dans les années soixante dix, dans le lit majeur génère une forte altération du lit majeur de Burnhaumpt-le-bas à Mulhouse, en particulier avec le développement du maïs. De Lutterbach à Mulhouse, l’autoroute a corseté le lit mineur de la Doller jusqu’à sa confluence avec l’Ill.

En contrepoint à ces aménagements, la Doller devient à cette époque le symbole de la rivière sauvage auprès des militants alsaciens. Elle cristallise alors plusieurs opérations de renaturation et de réintroduction d’espèces à partir des années 1980 : sites de lâcher de Castor (avec environ 40 couples recensés aujourd’hui), gestion de la glaisière de Guewenheim, annexe hydraulique artificielle de Geishouse.

La ZNIEFF de la Vallée de la Doller comporte tout le lit mineur, y compris en traversée urbaine, les secteurs du lit majeur riches en prairies permanentes (notamment à l'amont, avec des prairies qui accueillaient encore le Tarier des prés il y a quelques années dans la ZPS) et de forte mobilité (partie aval).

Elle intègre aussi des secteurs connexes ou proches, tous situés en rive gauche, remarquables pour des raisons diverses : carrière de Lauw, mines de Sentheim, retenue de Michelbach, glaisière et versant à Guewenheim.

La dynamique de la rivière créée une mosaïque de milieux (ouverts, boisés, pionniers, évolués, microhabitats...) qui profite à de nombreuses espèces, comme le Castor (introduit dans les années 1980), le Chabot, la Lamproie de Planer, la Mulette épaisse ou encore le Petit Gravelot et le Martin-pêcheur. Ces deux dernières espèces traduisent cette dynamique : le premier exploite les formes de sédimentation (bancs de galets), le second se reproduit grâce à l’érosion latérale (berge abrupte). La continuité écologique de la rivière est altérée par quelques enrochements de berges et seuils.

La Doller accueille une diversité et une richesse biologique (faune, flore, habitats) liées d’une part à la géomorphologie active et d’autre part au corridor qu’elle constitue pour de nombreuses espèces (oiseaux, mammifères, poissons, amphibiens, reptiles, insectes, plantes…).

La Saulaie blanche et l’Aulnaie-Frênaie forment un cordon étroit le long de la Doller et de ses affluents et se développe sur les alluvions grossières, régulièrement submergées par des crues qui peuvent être très importantes et concernent une large zone inondable également identifiée comme Zone Humide Remarquable au niveau du département.

Concernant les prairies inondables dans la partie amont, notons que si les mesures prises (prairies contractualisées) ont permis d'accroître sensiblement le succès reproducteur du Tarier des prés, elles n'ont pas permis d'enrayer le déclin de l'espèce dont le nombre de couples ne cesse de diminuer depuis 1997.

La dynamique à l’aval de Sentheim a conduit au fort développement des renouées asiatiques, des plantes invasives. Cette uniformisation du tapis végétal n’est cependant pas complète, les renouées étant peu concurrentielles dans les parties les plus fréquemment remaniées et sous fort couvert forestier. L’impact négatif des renouées asiatiques est souvent considéré de manière disproportionnée, par exemple à travers le DOCOB (CAEI,2010), eu égard à l’intérêt de la mobilité de la rivière dont profitent énormément d’espèces animales et végétales. La focalisation récente sur ces invasives a notamment retardé des opérations de renaturation que l’on voudrait plus ambitieuses de la part du syndicat d’aménagement de la Doller. Des projets récents pèsent sur l'équilibre l’hydrosystème Doller : les grands projets d'extensions urbaines proches de Mulhouse, la ligne LGV Rhin-Rhône (Burnhaupt-le-haut) et une retenue d'eau supplémentaire, en amont du barrage actuel à Michelbach. D’autres améliorations sont à attendre dans le lit majeur, vis à vis des pratiques agricoles la (céréaliculture et la plantation de sapins de Noël) dont la pollution diffuse des intrants menace la qualité des eaux souterraines et les habitats terrestres.

Au titre des politiques d’amélioration de l’hydrosystème, plusieurs procédures sont en cours ces dernières années : Au titre de la DCE, la Doller est divisée en cinq masses d’eau où seule la Doller 1 (amont) est en bon état. Les quatre autres sections sont en état « pas bon » où l’hydromorphologique est à chaque fois le critère déclassant. Les pollutions résiduelles justifient pour les tronçons 2 à 5, le report de l’échéance pour atteindre l’objectif de bon état. Le DOCOB du site Natura 2000 « Vallée de la Doller » propose, dans une partie du périmètre de la ZNIEFF, des actions d’amélioration des habitats et des populations d’espèces justifiant le site. La réalisation d’un SAGE Doller vient d’être engagée où les enjeux majeurs à prévoir sont « la préservation de l’alimentation en eau potable en faveur notamment de la ville de Mulhouse, la préservation des zones humides et zones de mobilité de la Doller ». D’autre part, le syndicat d’aménagement de la Doller se tourne de plus en plus vers des projets d’amélioration de l’hydrosystème Doller. Les nouveaux programmes de travaux des syndicats s’appuieront sur un « Programme global de restauration écologique des rivières » cofinancé par l’Agence de l’eau Rhin-Meuse. Des opérations de suppressions et d’abaissements de seuils, destinées à améliorer la continuité aquatique ont été menées depuis peu, par exemple à Lutterbach.

D’autres renaturations écologiques, reposant moins sur une vision statique de la rivière (annexe artificielle de Schweighouse) et moins artificielle (introduction d’espèces protégées non typiques de la Doller), pourraient émerger de ces politiques.

Le site prend également en compte un site géologique et géomorphologique majeur (valeur nationale) de par la nature et la diversité des roches, la structure des terrains et la variété des fossiles.

Commentaires sur la délimitation

Il a été choisi pour cette grande rivière de ne proposer qu'une ZNIEFF, de type 1 en raison notamment du caractère exceptionnel qu'elle représente à l'échelle régionale (rivière à fond mobile). Le linéaire, de la source à l'agglomération mulhousienne, a été délimité en premier lieu à partir du complexe lit mineur- berges - ripisylve, habitat des principales espèces déterminantes du site (notamment des Poissons). Ont ensuite été ajoutés des prés et bois inondables du lit majeur en fonction de la topographie (terrasses de la Doller), des zones inondables et des données historiques de la dynamique alluviale (cartes anciennes). La ZNIEFF ne présente aucune discontinuité (malgré les nombreux obstacles rencontrés: routes, agglomérations) jusqu'à l'entrée dans l'agglomération mulhousienne, ceci afin d'appuyer sur le rôle de corridor écologique de la rivière et notamment la continuité du lit mineur. Le périmètre intègre également des entités délimitées par le PNRBV (complétées par CLIMAX par la suite), telles que les formations prairiales à l'amont de Lauw ainsi que la colline calcaire du champ de fracture de Sentheim défini parf deux petits affluents de la Doller où se reproduit une espèce aquatique déterminante et où un intérêt chiroptérologique est identifié (grottes). La colline du Wolfenloch constitue le dernier relief accidenté avant les premiers contreforts du massif des Vosges avec une végétation typique de substrats calcaires.