DESCRIPTION
Caractéristiques de la Franche-Comté, les reculées sont des formations géologiques issues de l'érosion hydraulique des plateaux calcaires. Outre leur grand intérêt paysager, ces reculées présentent une grande variété de conditions topographiques et climatiques favorisant, sur un espace restreint, l'expression de nombreux groupements végétaux, d'une faune et d'une flore particulières.
À Arbois, la vallée est digitée en deux reculées : la reculée du Cul des Forges au sud et celle du Cul du Bray à l'est. A la base de chaque cirque rocheux, une source karstique donne naissance à un ruisseau, la confluence formant la Cuisance. L'organisation écologique des deux doigts est relativement analogue.
Sur les pentes, la forêt se décline en plusieurs types. Les situations froides sont le domaine de l'érablaie à scolopendre et de la hêtraie à dentaire. A l'opposé, les stations bien ensoleillées sont colonisées par la tillaie-érablaie et par la hêtraie à laîche blanche. L'inaccessibilité des pentes les plus fortes favorise la conservation d'arbres morts et des communautés vivantes spécifiques, étroitement liées à cette ressource et absentes des forêts exploitées tout en offrant des zones de quiétude aux mammifères forestiers.
Sur les escarpements rocheux (le Cul des Forges, les Roche du Feu, des Planches et au Croc) apparaissent, en mosaïque, un liseré de chênaie pubescente et des lambeaux de pelouses xérophiles collinéo-montagnardes qui abritent des espèces remarquables comme l'anthyllide des montagnes et l'athamanthe de Crête. A l'arrière des corniches, à l'exemple des Mondenons, et sur les pentes séchardes se développent des pelouses mésophiles au cortège floristique plus riche et plus diversifié. L'abandon de l'entretien de ces dernières induit une reprise de la dynamique au profit d'une fruticée dont la composition varie avec l'exposition.
Les anfractuosités de la falaise sont investies par des espèces pionnières très spécifiques telles que l'hornungie des pierres et le sisymbre d'Autriche. En contrebas, des cônes d'éboulis permettent le développement d'une flore originale adaptée à l'instabilité de ce substrat et aux contrastes hydriques et thermiques qui y règnent. Les différentes sources sont à l'origine de formations tufeuses colonisées par des mousses dont la répartition est très restreinte en France. Enfin, le fond de ces reculées abrite également la frênaie-érablaie, à l'interface des ruisseaux torrentueux et des prairies.
La diversité et l'agencement des milieux de ces reculées profitent à une faune variée. Les Mondenons et les corniches permettent l'expression d'un beau très cortège de papillons diurnes. Les oiseaux se démarquent par la nidification du faucon pèlerin, du martinet à ventre blanc et de l'hirondelle de rochers. De leur côté, les chauves-souris s'illustrent avec l'hivernage dans la Grotte des Planches du grand et du petit rhinolophe. Le minioptère de Schreibers y présentait des effectifs notables avant son exploitation touristique.
Les caractéristiques de la résurgence de la Cuisance induisent une faune élective d'eau fraîche. La faiblesse des débits d'étiage et les à coups hydrauliques constituent un ensemble de conditions difficiles pour le développement de la petite faune de fond. L'évolution de la qualité de l'eau a réduit le nombre d'espèces polluosensibles tout en soulignant la sensibilité de la biocénose aux apports polluants en provenance des plateaux qui induisent aussi d'importantes proliférations algales.
Enfin, la grotte du Tunnel s'ouvre sur un petit porche d'entrée bas (0.50 mètre sur 2 mètres de large) qui permet d'accéder à une succession de salles dont les plafonds varient de 1 à 5 mètres. C'est un lieu d'hivernage apprécié par le petit rhinolophe, le murin à oreilles échancrées et le grand rhinolophe : on compte une colonie d'une soixantaine d'individus. L'intérêt de la Grotte du Tunnel est départemental (indice chiroptérologique de 32).
STATUT DE PROTECTION
L'enjeu paysager de ce site a justifié son classement selon la loi de 1930 ; une réserve biologique forestière dirigée protège une partie de la reculée du Cul des Forges et la tranquillité du faucon pèlerin est assurée par un arrêté préfectoral de protection de biotope. Enfin, la présence de plusieurs espèces végétales et animales protégées interdit tout acte de destruction à l'encontre de ces espèces et de leur milieu (arrêtés ministériels des 22/06/1992, 23/04/2007, 19/11/2007 et 29/10/2009).
OBJECTIFS DE PRÉSERVATION
Hormis le respect de la tranquillité de l'avifaune rupestre et des chiroptères, la gestion conservatoire de ce site prestigieux se décline de la manière suivante :
- préservation de la qualité des eaux du bassin versant contre tous rejets de substances polluantes ;
- organisation de la fréquentation touristique, notamment au niveau des grottes et des tufières ;
- conduite d'une exploitation forestière respectueuse de la valeur patrimoniale des groupements en place ;
- maintien et entretien de la typicité de la forêt alluviale résiduelle, des pelouses et des prairies de la vallée.