La Bresse, partie nord des bassins d'effondrement du Rhône et de la Saône, était occupée par un lac à la fin de l'ère tertiaire. Cette zone formait alors un vaste delta servant d'embouchure au fleuve qui regroupait les eaux du Rhin et du Doubs actuel. Des alluvions se sont déposées sur de grandes épaisseurs, rapprochant ainsi la Bresse jurassienne de la Dombe. Le retrait progressif du lac bressan a laissé place à de vastes marécages. Cette région montre, maintenant, un vaste complexe d'étangs, de prairies et de bois humides. Les étangs, au nombre d'une vingtaine, occupent une superficie d'environ 100 ha, la forêt couvrant les plus grandes surfaces (750 ha) et les secteurs agricoles (prairies et cultures), le reste.
L'étang traditionnel est une création de l'homme. Dans les régions favorisées par un sol peu perméable, on réalisait des plans d'eau de faible étendue et de faible profondeur (moins de 3 m.) alimentés en eau par les précipitations, des sources ou le ruissellement voisin (cas de la Bresse). Dès le XVIIème siècle, les campagnes d'assèchement vont entraîner la réduction du nombre d'étangs et leur superficie est inférieure à 5 ha dans moins de 80% des cas. La grande majorité d'entre eux se trouvent au nord et à l'ouest de la région. Au sud de la Bresse, il convient de distinguer pour leur grande valeur biologique, les étangs Voisin, Chalmache, Romette, des Tartres, Milien, des Grands Graviers, Jean Guyon, du Château Rouillaud et de Chevigny. La forêt apparait généralement sur l'une des berges et laisse peu de place aux ceintures végétales. Ces étangs à Potamogeton trichoides (Potamot capillaire) appartiennent au type méso-eutrophe* (non acides et moyennement riches en éléments nutritifs). Ils se distinguent par la présence d'espèces végétales typiques et rares en France ou dans la région, la marsilée à quatre feuilles et la lindernie couchée, strictement protégées dans tous les pays européens, la renoncule grande-douve protégée en France, ainsi que 6 autres espèces protégées au niveau régional parmi lesquelles le scirpe de Micheli et le potamot à feuilles de graminée.
Pour ce qui concerne la forêt, la variété des sols et des situations topographiques (un gradient de situations marécageuses à sableuses est observé) favorise la présence d'un ensemble très représentatif des forêts de plaine à déterminisme hydrique. Les hêtraies-chênaies-charmaies mésotrophes à acidiclines se développent sur les niveaux limoneux et sableux ; des chênaies sessiliflores sont favorisées par les sols acidiphiles. Ces formations sont largement représentées dans le bois de Larnaud et le bois des Fouletons. Cependant, les habitats forestiers les plus intéressants sont fournis par les forêts humides fonctionnellement solidaires des étangs et du réseau
hydrographique :
- les aulnaies marécageuses oligotrophes sur sols tourbeux ou paratourbeux sont caractérisées par des conditions d'hydromorphie marquées, associées aux exurgences situées au contact de couches argileuses et sableuses et se rencontrant souvent en amont d'étangs. Ce groupement qui présente une forte valeur patrimoniale reste d'un maigre intérêt économique.
- les aulnaies-frênaies à laîche espacée, formations plus spécialisées, associées aux sols franchement humides et désignées comme prioritaires au niveau européen sont liées aux stations hydromorphes des bordures des ruisselets et des sources ;
- la chênaie pedonculée-frênaie-érablaie ripicole accompagne le réseau hydrographique (bordure de la Serenne par exemple). Riche en essences (chêne pédonculé, érable sycomore, frêne, cerisier à grappes, aulne), cette formation forestière linéaire allie intérêt patrimonial et valeur productive ;
- en aval, dans la plaine de la Seille, des périodes d'inondation plus fréquentes ou des sols plus hydromorphes permettent le développement d'un type de forêt humide beaucoup plus rare : la chênaie pédonculée-frênaie-aulnaie à cerisier à grappes. Ce groupement caractérise les larges plaines inondables et il est extêmement rare en Bresse où il n'a été décrit qu'au bois des Vernes ;
- marginalement, sur les sols hydromorphes du bord des étangs (les Tartres par exemple) se développe, de façon linéaire, une chênaie pédonculée - boulaie à molinie bleue. Ce groupement très ponctuel est marqué par une faible valeur économique ;
Même si ces forêts humides couvrent une surface plus restreinte, la mosaïque qu'elles constituent avec les autres types confère à l'ensemble une forte valeur écologique, rehaussée par la présence de stations à osmonde royale ou fougère des marais, tous deux protégés au niveau régional.
Dans les massifs forestiers, certains ruisseaux, comme celui de la Serenne, pourrait montrer des caractéristiques significatives des ruisseaux de haute valeur biologique.
Dans les secteurs agricoles, les sols hydromorphes*, largement représentés dans le passé, font progressivement l'objet de drainages et d'une mise en culture. Les prairies naturelles (prairies permanentes sans drainage) qui demeurent sont apparentées à des formations méso-hygrophiles* à brome racémeux, acidiclines* (légèrement acide) avec une tendance thermophile* faiblement liée aux remontées climatiques véhiculées par le couloir rhodanien. La flore est marquée par une orchidée particulière, l'orchis à fleurs lâches, protégée au niveau régional. Autrefois très répandus en Bresse avant les opérations de drainage, ces éléments méritent d'être sauvegardés par des mesures adaptées.
En plus d'une flore typique et caractéristique, les étangs de Bresse constituent un site exceptionnel de nidification et d'étape pour l'avifaune. Canard chipeau, sarcelle d'été, héron pourpré, faucon hobereau, busard cendré, martin pêcheur, pic cendré, pic mar figurent parmi les espèces les plus remarquables, plusieurs trouvant là un de leur rare site de nidification en Franche-Comté. Enfin l'humidité constante, l'imbrication étroite des milieux aquatiques et forestiers, la présence de prairies sont autant de facteurs propices à la reproduction des batraciens ; la Bresse constitue ainsi un réservoir batracologique très important. Au sein de ce peuplement, il faut signaler la présence de la rainette verte, de la grenouille agile associées au lézard vivipare et à la couleuvre verte et jaune, toutes ces espèces étant protégées dans les différents pays européens.
OBJECTIFS ET MOYENS DE PRESERVATION ET DE GESTION
Au-delà d'une stratégie ponctuelle et partielle, la protection des étangs requiert des mesures incitatives susceptibles d'encourager leur exploitation traditionnelle extensive et cyclique. Des suggestions particulières (vidange automnale, absence de fertilisation, entretien ménagé de la végétation aquatique...) doivent être retenues pour les étangs présentant une grande richesse biologique.
Compte tenu de la nature des formations végétales et de leur intérêt biologique (maturité et structure), la gestion des massifs forestiers passe par :
- le maintien de la vocation feuillue des peuplements,
- la préservation des forêts humides (absence de drainage), des milieux ouverts intra-forestiers, des secteurs à très grande valeur ornithologique et les ruisseaux forestiers.
La préservation des prairies méso-hygrophiles est tributaire de pratiques agricoles adaptées compatibles avec la qualité des milieux : arrêt du drainage et exploitation extensive.
Enfin, ce secteur est traversé par l'autoroute A39. Différentes caractéristiques naturelles ont pu être prises en compte lors de la définition du projet et des mesures compensatoires ont été proposées. Il n'en demeure pas moins que le fractionnement de ce secteur est préjudiciable aux équilibres écologiques. La décharge de déchets ultimes du SYDOM de Lons-le-Saunier, en lisière sud, doit également tenir compte des caractéristiques naturelles du secteur.