Description
Sur le plateau de Levier, au sud-ouest de Boujailles, un vaste ensemble de pelouses, prairies montagnardes et zones humides, entrecoupées de plantations d’épicéas, s’étend sur un substrat géologique de l’Argovien (marnes, calcaires marneux et calcaires) recouvert localement d’alluvions quaternaires. Un réseau de sources et ruisseaux s’étend au sud-ouest de la zone (Fontaine de la Fuve, Bief Poissons). Cet ensemble d’affinité montagnarde se distingue par son caractère hétérogène tant sur le plan de la structure que de la diversité des habitats, ce qui revêt un grand intérêt sur le plan écologique.
Les pelouses sont représentées par une association acidicline à renoncule des montagnes et agrostide capillaire et par une formation acidiphile à nard raide (sur sols épais désaturés). Souvent liée au pâturage extensif et aux prés-bois, cette dernière est très sensible à la fertilisation. La présence de ces groupements témoigne de phénomènes de décalcification en surface. Sur terrain plus profond, on trouve des prés mésophiles montagnards fauchés et pâturés. Des prairies paratourbeuses oligotrophes à trolle d’Europe et molinie apparaissent dans les secteurs imperméables ; des mégaphorbiaies (formations humides de hautes herbes) en dérivent suite à l’abandon des pratiques agricoles. La gamme des habitats est complétée par des ourlets et des boisements riverains ou marécageux.
A ces habitats diversifiés est associé un cortège floristique intéressant et typique, comprenant notamment une population importante et dynamique de gesse de Bauhin. Cette plante élégante est rare et disséminée en France ; en Franche-Comté, où elle est considérée en danger, le plateau entre Levier et Pontarlier et le bassin du Drugeon correspondent à son pôle historique de répartition. Ce site héberge également d'autres plantes patrimoniales comme le sélin à feuilles de cumin, la grassette commune (également protégée dans la région) et le laser de Prusse, plutôt rare. Ces deux dernières sont inféodées à des formations humides.
L’intérêt entomologique des prairies humides à molinie est exceptionnel, car elles hébergent deux papillons de jour menacés et protégés au plan national, dont le damier de la succise, typique des secteurs marnicoles. Enfin, les boisements hébergent le casse-noix moucheté et le milan royal.
Statut de protection
Aucune protection réglementaire de l’espace n’a été mise en place. En revanche, la présence d’espèces protégées confère indirectement un statut de protection au milieu : la législation interdit en effet de porter atteinte aux espèces et aux milieux qui les supportent (arrêtés ministériels des 22/06/92, 23/04/07 et 29/10/09).
Objectifs de préservation
Les pratiques agricoles traditionnelles extensives sont à l’origine de cette mosaïque d’habitats semi-naturels à caractère oligotrophe (pauvres en éléments nutritifs, car peu ou pas fertilisés).
Toutefois, cette zone dans son ensemble se trouve soumise à des menaces très actives : envahissement par les ligneux suite à l’abandon des pratiques agricoles ou conversion en plantations de résineux. En outre, les zones humides situées au nord-ouest du site sont également concernées par le drainage, ce qui provoque la minéralisation de la tourbe et son assèchement. Il s’ensuit une évolution des prairies humides oligotrophes à molinie, habitat privilégié de nombre d’espèces patrimoniales, dont des papillons rares et menacés, vers un groupement plus eutrophe et plus banal de mégaphorbiaie. L’autre enjeu majeur sur cette zone concerne la population de gesse de Bauhin. En effet, les plantations en compromettent la pérennité, non seulement par un effet direct de destruction, mais également en provoquant l'isolement des sous-populations, ce qui risque d’entraîner à terme leur disparition par fragmentation. Or, la préservation de cette espèce est d’autant plus cruciale que le nombre de stations régionales est réduit. Enfin, il convient de conserver une exploitation extensive des pelouses, celles-ci ne supportant aucune fertilisation.