DESCRIPTION
Situé dans la Haute-Chaîne du Jura, le secteur du marais des Biez (ou marais du Canton des Croix) appartient au décrochement (réseau de failles) de Rondefontaine qui repose sur un substratum calcaire du Crétacé. Au cours du Quaternaire, les glaciers y ont déposé des sédiments imperméables ayant permis la formation d'un ensemble original.
En contrebas du village de Rondefontaine, ce marais occupe une dépression allongée, bordée à l'est par la RD 46 et un talus riche en épilobes, et à l’ouest, par des prairies et pâtures mésophiles. Le marais est principalement composé d'une vaste zone de mégaphorbiaie (formation humide de hautes herbes) dominée par la reine-des-prés. Ce groupement qui s'étale de part et d'autre du ruisseau de Rondefontaine peut être considéré comme d'origine primaire ; de ce fait, il n'évolue pas ou alors très lentement. Le centre est occupé par une association de bas-marais oligotrophe à laîche de Davall, riche sur le plan floristique. Au sud, on trouve aussi quelques autres petites surfaces de bas-marais, ainsi qu’une enclave marécageuse incluse dans un pré de fauche. Enfin, une large dépression d'origine anthropique est colonisée par des formations secondaires des fosses de recolonisation, très intéressantes et riches en espèces typiques, telles que le comaret des marais, le trèfle d'eau, la swertie vivace, la laîche à utricules velues ou encore le saule rampant. Au sein des prairies cernant le marais, un cordon sec riche en pierriers abrite des espèces caractéristiques des pelouses ou des prairies extensives à gentiane jaune. Un groupement hygrophile à trolle d’Europe marque la transition avec le marais.
Ces habitats hébergent une flore typique, étroitement inféodée à ces conditions particulières. Trois de ces éléments sont protégés en France ou dans la région : l’œillet superbe, bien représenté dans les bas-marais, la laîche des bourbiers, typique des zones très humides des tourbières tremblantes et des gouilles, ainsi que Cinclidium stygium, mousse d’affinité montagnarde, qui se trouve dans les bas-marais mésotrophes. Enfin, le scirpe pauciflore croît dans les sources suintantes des bas-marais alcalins d’altitude.
De surcroît, ce marais revêt un intérêt faunistique remarquable ; il héberge une très belle population de cuivré de la bistorte, papillon de jour protégé en France. Cette relicte glaciaire, très localisée et habituellement peu abondante, présente une répartition très disjointe. Le nacré de la sanguisorbe et le damier noir sont bien représentés sur le site ; leur présence témoigne de la bonne qualité des prairies bordant la tourbière.
STATUT DE PROTECTION
Cette zone est incluse dans le réseau Natura 2000 « Lac et tourbières du Trouillot, des Chazaux, du Canton des Croix et de Reculfoz ». En outre, la présence d’espèces protégées confère indirectement un statut de protection au milieu : la législation interdit en effet de porter atteinte aux espèces et aux milieux qui les supportent (arrêtés ministériels des 20/01/82, 22/06/92 et 23/04/07).
OBJECTIFS DE PRESERVATION
Les tourbières sont des réservoirs de biodiversité et jouent également un rôle régulateur important dans la circulation des eaux superficielles et souterraines de la région.
La préservation de ce site remarquable passe par la restauration d’un bon fonctionnement hydrologique et le maintien de conditions oligotrophes. En effet, des eaux polluées issues du village de Rondefontaine se déversent dans le ruisseau des Biez, ce qui favorise le développement des espèces nitrophiles de mégaphorbiaie et risque de contaminer les groupements végétaux oligotrophes à proximité. L'eutrophisation banalise également la microfaune aquatique du cours d'eau. De plus, un profond fossé, scindant le marais d'est en ouest, en affecte le fonctionnement hydrique global.
Par ailleurs, il convient de maintenir des pratiques extensives (absence de fertilisation et bande tampon en périphérie) et des fauches tardives dans les groupements de bas-marais et les prairies humides attenantes au marais principal.