Commentaire général
Le Plateau de Champagnole, entité naturelle des « Pentes intermédiaires jurassiennes », s’étend en une surface subtabulaire s’inclinant jusqu’aux contreforts du Second Plateau. L’Ain le borde à l’ouest au fond d’une vallée aux versants abrupts. Le socle du plateau est constitué principalement de calcaires durs du Jurassique supérieur, fortement rabotés par les glaciers lors de leur retrait il y a plus de 10 000 ans. Une bonne partie de ces matériaux arrachés au substrat est encore visible à l’affleurement, dans de nombreuses localités dont des petites dépressions comme c’est le cas ici, à environ 970 mètres d’altitude sur la commune des Chalesmes. Ces formations de nature peu perméable, couplées à un relief en cuvette et à des précipitations abondantes, sont à l’origine de sols organiques, engorgés la plus grande partie de l’année, accueillant des habitats particuliers : les tourbières.
La tourbière « Aux Ferrodets » en est un bel exemple. Au nord du site, un bas-marais alcalin à laîche de Davall présente une végétation caractéristique riche en plantes hygrophiles et turficoles, parmi lesquelles on note la présence de la grassette commune, protégée en Franche-Comté, de la laîche bleuâtre, de la linaigrette à larges feuilles… Lui succède, vers le sud, un marais de transition à laîche à fruits velus et scirpe des Alpes, tous deux inscrits sur la liste rouge des espèces menacées en Franche-Comté. Les nombreuses gouilles sont occupées par le trèfle d’eau, la potentille des marais, les laîches à deux étamines et à ampoules... De petites buttes à sphaignes, qui témoignent de la dynamique de turbification du site, accueillent parfois le rossolis à feuilles rondes, espèce protégée en France. La transition avec les prairies humides avoisinantes est assurée par des îlots de boisements tourbeux dont la trame est composé de saules et de bouleaux. Ces espèces pionnières traduisent une progression vers des stades forestiers, par dynamique naturelle.
Cette belle mosaïque de milieux humides sur une surface relativement réduite (moins de neuf hectares), à laquelle il faut ajouter la présence de deux mares artificielles, est favorable à de belles populations d’Odonates.
Statut de protection
Aucune mesure de protection réglementaire n’est mise en place sur le site. Cependant, la présence de deux plantes protégées au niveau national pour l’une et régional pour l’autre implique indirectement un statut de protection au milieu ; la législation interdit en effet de porter atteinte aux espèces et aux milieux qui les accueillent (arrêtés ministériels du 20.01.82 et du 22.06.92).
Objectifs de préservation
Les zones humides sont des réservoirs de biodiversité, mais aussi des acteurs importants dans la circulation des eaux superficielles et souterraines de la région. Cet intérêt est encore renforcé par la qualité de la végétation et de la flore qui la compose. Mais ces milieux fragiles et sensibles aux perturbations de tous ordres méritent que l’on y prenne attention. Actuellement, la tourbière « Aux Ferrodets » subit un enfrichement assez marqué, par les saules, les bouleaux et les bourdaines. Le creusement des deux mares artificielles, s’il a porté préjudice au milieu dans un premier temps, permet néanmoins aujourd’hui d’accueillir de nombreux odonates.
Le maintien et la restauration du site et de ses habitats passent par la mise en place de quelques mesures. Les activités de drainage et d’assainissement, pouvant modifier les niveaux de la nappe et l’équilibre hydrologique, sont à éviter. L’équilibre trophique des sols est lié aux apports d’intrants, ce qui à terme entraîne un changement de la composition floristique de la végétation et la disparition des plantes d’intérêt patrimonial. Enfin, l’enfrichement résulte le plus souvent d’un changement des pratiques agricoles. Afin de contenir la dynamique naturelle, des mesures de défrichement par débroussaillage ponctuel et modéré ou par des pratiques différentes de pâturage sont à programmer.