DESCRIPTION
Au sud-est de Saint-Claude, sur la commune des Molunes, une tourbière occupe le secteur au sud des fermes de la Rossa. Sur le plan géologique, elle se situe dans le Haut-Jura plissé, région la plus élevée du massif, non loin de la frontière suisse. Cette tourbière s'est formée dans une petite dépression humide. Reposant sur une roche marno-calcaire datant du Jurassique supérieur (Argovien), le fond de cette cuvette est imperméabilisé par les dépôts morainiques laissés par le retrait des glaciers quaternaires.
Les tourbières sont des biotopes spécialisés qui engendrent des écosystèmes particuliers. Leur microclimat a permis le développement d'espèces boréo-arctiques (espèces des régions nordiques de l'Europe). Les tourbières sont d'importants réservoirs hydriques et jouent un rôle régulateur dans la circulation complexe des eaux superficielles et souterraines de la région.
Dans le Massif du Jura, en altitude, les facteurs climatiques sont propices à l'installation de tourbières (forte pluviométrie, basses températures et absence de périodes sèches de longue durée). La genèse d'une tourbière dans cette région remonte à environ 12 000 ans. A partir de cuvettes remplies d'eau, les tourbières se forment et évoluent lentement : colonisation de l'eau libre (tremblants), bas-marais alcalin, puis tourbière bombée (haut-marais acide) caractérisée par l'installation de sphaignes sous forme de coussins. Enfin, l'assèchement et l'installation des ligneux constituent le stade climacique. Souvent, la tourbière présente différents stades et des formes de transition.
La zone humide des Quatre Chemins est un haut-marais acide, entouré de prairies fauchées-pâturées peu amendées et ceinturé par une mégaphorbiaie à reine des prés. L'épilobe à feuilles étroites y est abondante ainsi que le sorbier des oiseleurs.
Autrefois exploitée et drainée, cette tourbière présente aujourd'hui un faciès à molinie très dégradé avec de nombreuses touffes de laîche accompagnées de la linaigrette engainante. Traversée par un mince filet d'eau bordé de laîches à utricules renflés et de populage des marais, elle est ponctuée d'anciennes fosses d'exploitations en cours de cicatrisation où l'espèce typique est le comaret. La violette des marais y est très abondante.
A une quinzaine de mètres, séparé par une bande de prairie, un deuxième haut-marais, en pente, présente un faciès identique. Sa principale richesse botanique est la canneberge, espèce caractéristique, menacée en France. Une prairie humide, où se développent quelques buttes de sphaignes, le prolonge en contrebas.
La présence du lézard vivipare, espèce protégée à l'échelon national, accroît l'intérêt faunistique de la zone. Son mode de reproduction particulier en fait la seule espèce de lézard adaptée au climat froid et humide des zones tourbeuses.
STATUT DE PROTECTION
Aucune protection réglementaire de l'espace n'a été mise en place. Toutefois, la présence d'une espèce de reptile protégée confère indirectement un statut de protection au milieu : la législation interdit en effet de porter atteinte aux espèces et aux milieux qui les supportent (arrêté du 19/11/07).
ÉTAT DE CONSERVATION GÉNÉRAL DU SITE
L'intérêt de la zone réside moins en tant que tourbière que comme juxtaposition de milieux originaux. La partie tourbeuse du site est en fait une formation fragmentaire où les buttes acides ombrotrophes sont dispersées en îlots au sein de bas-marais acides et hauts-marais, formant ainsi une mosaïque végétale. En effet, une très faible part du site est associée à des secteurs dynamiques de la tourbière, correspondant à des phases cicatricielles succédant à des exploitations manuelles plus ou moins anciennes. Plusieurs espèces végétales fragiles (canneberge, andromède), dont une protégée nationalement, sont complètement dépendantes de ces structures. Ces rares secteurs de tourbière à sphaignes sont en cours d'assèchement, avec des coussins de sphaigne morts ou sénescents et plus ou moins envahis par la molinie et la callune.
OBJECTIFS DE PRÉSERVATION
L'intérêt de la zone réside moins en tant que tourbière que comme une juxtaposition de milieux originaux. La dynamique de régénération observée, avec reprise d'activité de la tourbière acide à sphaignes, doit être entretenue. Le principal objectif de préservation consiste à conserver un bon fonctionnement hydrique de la tourbière. Ainsi, il convient d'éviter toute opération de drainage ou d'assainissement dans le secteur. Les apports d'engrais, provoquant un enrichissement en éléments nutritifs, sont déconseillés au sein de la zone et dans les prairies mésophiles environnantes. Dans le cas contraire, il s'ensuivrait un déséquilibre trophique préjudiciable à la flore et à la faune très spécialisées des tourbières.