Commentaire général
L’étang Prévot s’inscrit dans la série remarquable des étangs tourbeux situés dans l’ensemble forestier du « Grand Bois », sur les communes d'Ailloncourt et de Citers, en plein cœur de la région naturelle de la Dépression périvosgienne. Les caractéristiques mêmes de cette région naturelle – substrat marneux du Lias recouvert d’alluvions glaciaires antewürmiennes – en font un terrain propice à l’installation d’étangs et de milieux tourbeux, les sols développés sur les formations géologiques imperméables étant le plus souvent marécageux. À 300 m d'altitude, on y observe en effet des groupements de tourbières et une flore n'existant quasiment plus en plaine et devenue rare en altitude.
La végétation de l’étang Prévot est remarquable par sa diversité et son extension mais surtout par la nature des différents habitats qui y sont représentés, très liés à la permanence de l’eau. La surface de l’étang est colonisée par une importante population d’utriculaires flottantes. Les abords marécageux et notamment la queue de l’étang accueillent des bas marais acides. La phase suivante, dans l’évolution dynamique de la tourbière, passe par les marais de transition encore appelés « tremblants tourbeux », bien représentés ici. Quelques fragments de haut marais leur succèdent, parsemés de « gouilles » où se sont fixées des colonies d’utriculaires jaune pâle, sous forme de galettes denses, tapissant le fond des ornières. Au-delà des berges de l’étang où un assèchement temporaire des sols conduit à l’apparition de petits ligneux (saules et bourdaines), la phase ultime de l’évolution de la tourbière est marquée par le développement d’une boulaie sur tourbe, dominée par le bouleau pubescent.
L’intérêt patrimonial de cet étang est indiscutable. On recense en effet la présence de six espèces végétales intéressantes dont cinq protégées au niveau national : laîche des bourbiers, rossolis à feuilles intermédiaires et à feuilles rondes, scheuchzérie des marais, utriculaire jaune pâle, cette dernière, très peu fréquente, étant considérée comme menacée en France (statut : vulnérable). L’hydrocotyle commun est strictement protégé en Franche-Comté.
La faune n’est pas en reste avec des résultats exceptionnels au niveau des observations. Trente espèces d’odonates ont ainsi été recensées, dont quatre étant particulièrement menacées. Parmi elles, on note la présence de la leucorrhine à gros thorax, espèce emblématique car très rare et bénéficiant d’une protection nationale. L’agrion délicat, très localisé en Franche-Comté, et la cordulie arctique, ajoutent encore à l’intérêt entomologique de ce site. Enfin, la présence du pic cendré est attestée entre cet étang et l’étang du Petit Courbey.
Statut de protection
Aucune protection réglementaire de l’espace n’a été mise en place. Les arrêtés ministériels du 20.01.1982 et du 22.06.1992 assurent en France et en Franche-Comté la protection de certaines plantes et de leur biotope, ce qui est le cas ici pour six d’entre elles. Une espèce animale bénéficie également d’un statut de protection nationale (arrêté du 22.07.1993) tandis que neuf font partie des espèces menacées à surveiller.
Objectifs de préservation
Cet étang, utilisé à des fins d’activités halieutiques de loisirs, présente une ceinture de végétation très diversifiée ainsi que des eaux de profondeur variable, le tout présentant un état de conservation satisfaisant si l’on excepte la digue artificialisée. Afin de maintenir l’état actuel, quelques mesures de préservation apparaissent indispensables : maintien en eau de l’étang et respect de la dynamique de la nappe phréatique, assurant la conservation de nombreux hydrophytes et hélophytes, propices à l’installation des odonates, notamment dans le secteur de la queue d’étang, contrôle de l’extension naturelle des petits ligneux pionniers afin de maintenir des espaces ouverts et donc ensoleillés, plus propices au développement des milieux herbacés et à la faune.