COMMENTAIRE GENERAL
Les paysages de la Haute Chaîne du Jura plissé se caractérisent par un relief alternant crêtes et vallées orientées selon un axe nord-est/sud-ouest. Le lac des Rousses, implanté dans la haute vallée de l’Orbe, est environné de forêts montagnardes (massifs du Noirmont et du Risoux), de prairies et de zones humides. Ce lac de surcreusement témoigne de l’activité glaciaire au cours de l’ère quaternaire. La vallée de l’Orbe et son bassin versant appartiennent au réseau hydrographique rhénan.
Entre le sud du lac et l’agglomération des Rousses, un petit secteur ouvert occupe la base de l’anticlinal du Risoux. Le substrat géologique particulier y est constitué de dépôts tertiaires de l’Aquitanien d’où émergent des suintements (ce sédiment fin, tendre et facilement érodable dénommé « molasse » est rarement observable à l’affleurement dans le massif jurassien). Ce contexte particulier est à l’origine du développement d’une mosaïque de milieux contrastés secs et humides. En effet, des groupements de pelouse montagnarde à gentiane printanière et brome dressé et de prairie mésotrophe à gentiane jaune et crételle alternent avec des bas-marais relevant de l’alliance à laîche de Davall et des formations humides exubérantes à reine-des-prés (mégaphorbiaies). Une végétation muscinale des tufs actifs, restant toutefois fragmentaire, apparaît dans certains ruisselets.
Cette zone héberge le troscart des marais, protégé dans la région ; cette plante typique des marais alcalins ne se retrouve plus qu’en montagne, ses stations de plaine ayant disparu. De plus, la présence de la gentiane croisette rehausse l’intérêt de ce secteur. En effet, cette espèce assez rare des prairies maigres et pelouses mésophiles est la plante-hôte des chenilles de l'azuré de la croisette, papillon diurne menacé et protégé en France. Cet azuré est en régression sur l'ensemble de son domaine biogéographique. L’existence d’une population reproductrice confère à ce site un intérêt entomologique majeur. Au cours de son cycle biologique, cet insecte entretient également un lien exclusif avec une espèce particulière de fourmi. Du fait de la forte responsabilité régionale, il fait l’objet d’un programme de conservation.
STATUT DE PROTECTION
Aucune protection réglementaire de l’espace n’a été mise en place. En revanche, la présence d’espèces protégées confère indirectement un statut de protection au milieu : la législation interdit en effet de porter atteinte aux espèces et aux milieux qui les supportent (arrêtés ministériels des 22/06/92 et 23/04/07).
OBJECTIFS DE PRESERVATION
D’une manière générale, les pelouses sèches et les bas-marais alcalins sont des habitats relictuels et en régression. L'évolution naturelle de la végétation des pelouses tend vers une recolonisation par les ligneux, ce qui conduit à l'embroussaillement et, à terme, à la fermeture du milieu. C’est l’une des menaces potentielles pesant sur ce site des Rousses d’Amont, car il semble que le haut du versant soit sous-pâturé, d’où une légère progression des buissons de prunellier. Le processus l’enfrichement serait susceptible d'entraîner la disparition de l'azuré de la croisette suite à celle de sa plante-hôte. Il convient donc de prendre des mesures de gestion appropriées : une surveillance régulière permettra de décider de l’opportunité d’interventions de débroussaillage. Une pelouse ponctuée de buissons et des lisières structurées de façon hétérogène s’avèrent les plus favorables à une biodiversité élevée. A l’inverse, un pâturage trop intensif et ses conséquences (surpiétinement, enrichissement en éléments nutritifs) conduirait à une banalisation des habitats herbacés et de la flore.
Le bas-marais semble peu menacé actuellement. Pour conserver les potentialités du site, il est essentiel d’en préserver le fonctionnement hydrologique et d’assurer des conditions d'humidité permanente. Il convient donc d’éviter toute opération de drainage, d'assainissement, de remblaiement, ou inversement, de creusement de plan d’eau dans l’ensemble de la zone.