DESCRIPTION
Dans le Haut-Jura plissé, le Grandvaux correspond à une vaste étendue déprimée et marquée par l’érosion et les accumulations glaciaires. Cette région naturelle comprend un remarquable ensemble de milieux humides (lacs, tourbières et prairies humides) auquel sont juxtaposées des pelouses et prairies montagnardes.
A l’ouest de Saint-Laurent-en-Grandvaux, dans un contexte de prairies mésophiles, la tourbière au Bas des Champs et à la Pâture Derrière englobe deux entités humides aux caractéristiques différentes : la partie orientale, de très petite superficie, est traversée par un ruisseau dont le courant est très faible. Divers groupements végétaux humides sont répartis en mosaïque : prairie humide, mégaphorbiaie (formation humide de hautes herbes) à reine des prés, cariçaie (association de grandes laîches) et quelques bouquets de saules. Le milieu est globalement très eutrophisé, comme en témoigne l’abondance d'orties.
La deuxième entité, à l’ouest, est une tourbière acide à sphaignes dégradée, en cours de colonisation par des résineux. Quelques petites gouilles bien végétalisées subsistent toutefois. Une flore plus mésophile apparaît localement, en lien avec la présence d'une zone rocailleuse, probablement d'origine anthropique. Dans le massif du Jura, en altitude, les facteurs climatiques sont propices à l’installation de tourbières. A partir de cuvettes remplies d’eau, les tourbières se forment et évoluent lentement depuis environ 12 000 ans : colonisation de l’eau libre (tremblants) puis atterrissement (bas-marais alcalin). Le développement d’un réseau karstique induit la création d’îlots soustraits à l’influence des eaux carbonatées. Les sphaignes s’installent sous forme de coussins, contribuant à l’acidification du milieu. Une transition s’opère vers un bas-marais acide, puis vers une tourbière bombée (haut-marais acide). Enfin, comme sur ce site, l’assèchement et l’installation des ligneux marquent le stade ultime.
Les conditions particulièrement contraignantes des tourbières entraînent la sélection d’un cortège floristique original et riche en espèces rares. L’intérêt entomologique est également remarquable : on recense en effet le cuivré écarlate, papillon diurne de répartition localisée et en régression. Il fréquente surtout les prairies et clairières mésophiles et humides en montagne. Le fadet de la mélique exploite des secteurs plus mésophiles. Les gouilles tourbeuses, quant à elles, sont favorables aux libellules et hébergent le sympétrum noir. Si cette espèce est encore bien présente en Franche-Comté, elle est menacée en France, en particulier dans les secteurs de plaine, où elle souffre de la destruction de ses habitats (eaux stagnantes acides peu minéralisées).
STATUT DE PROTECTION
Cette zone est incluse dans le réseau Natura 2000 du « Grandvaux ».
OBJECTIFS DE PRESERVATION
Les tourbières sont des réservoirs de biodiversité et jouent également un rôle régulateur important dans la circulation des eaux superficielles et souterraines de la région. Toutefois, ces milieux sont particulièrement fragiles et sensibles aux perturbations.
Sur le site, l’état d'atterrissement avancé de la tourbière à sphaignes compromet, à terme, la capacité d'accueil pour les libellules. Sur ce haut-marais, des opérations de débroussaillage seraient donc à prévoir, ainsi que la création de petites dépressions dans les zones les plus humides. Cette mesure de gestion permettrait probablement une diversification des peuplements. L’autre zone humide semble beaucoup plus menacée : sa superficie réduite et le fort degré d’eutrophisation observé autour du ruisseau temporaire sont autant de menaces directes pour les habitats en place. Pour préserver l’intérêt écologique de ces deux sites, une gestion extensive des prairies avoisinantes est nécessaire ; le maintien d’une bande tampon autour des zones humides serait à prévoir, car celles-ci sont très sensibles à l’enrichissement du milieu. Un débroussaillage le long du cours d'eau serait également à envisager.