ZNIEFF 730003064
Haute montagne en Haute-Garonne

(n° regional: Z2PZ2061)

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Ce site de haute montagne en Haute-Garonne réunit trois ZNIEFF de type 1 correspondant aux massifs du Luchonnais et du Larboust, à celui du Burat-Bacanère, ainsi qu’à la vallée d’Oueil. Ce vaste territoire de 33 000 ha recouvre des milieux très diversifiés de l’étage collinéen à l’étage nival. Il accueille des milieux montagnards caractéristiques de la zone axiale des Pyrénées ou « haute chaîne primaire ». S’y rencontrent des formations métamorphiques, magmatiques et sédimentaires.

Dans la partie méridionale, la ligne de sommets comprend plusieurs pics dépassant les 3 000 m d’altitude : pic de Spijoles, pic des Gourgs blancs, pic de Perdiguère, pic des Crabioules, pic de Maupas...

Des cirques et de hautes vallées glaciaires recèlent une grande diversité de milieux ouverts de haute montagne. On y observe divers habitats de pelouses alpines et subalpines de substrat acide, des combes à neige, des landes alpines et boréales, ainsi que des névés et des glaciers permanents. L’univers minéral y est omniprésent à travers des éboulis plus ou moins grossiers, des rochers et d’imposantes falaises et barres rocheuses.

Aux altitudes inférieures, on retrouve en général l’étagement de végétation classique comprenant de petits boisements de Pins à crochets au subalpin, des sapinières et des hêtraies-sapinières à l’étage montagnard, ainsi que des chênaies-hêtraies à l’étage collinéen ou sur certaines soulanes montagnardes.

Toutefois, la géomorphologie complexe, avec de longues lignes de crêtes, des vallons profonds marqués par l’érosion glaciaire, ainsi que des pics et des sommets internes, offre une grande variété d’expositions et de situations confinées.

Dans la partie nord, la géologie est plus diversifiée ; différents types sédimentaires se succèdent, dont des roches calcaires et des schistes carburés, ce qui explique la présence ponctuelle d’une flore calcicole et de ses habitats naturels correspondants.

C’est également un site façonné par une activité pastorale multiséculaire qui a permis de maintenir le milieu ouvert sur de hautes vallées et sur des secteurs intermédiaires situés entre les villages et les estives.

Les habitats humides sont également bien représentés avec de nombreux lacs entre 1 500 et 2 600 m d’altitude. Le réseau hydrographique, constitué d’un grand nombre de sources, de ruisselets et de ruisseaux, est diversifié entre les névés et les vallées inférieures. Plusieurs habitats tourbeux ont été répertoriés dont des bas-marais acides et alcalins.

La grande diversité des conditions écologiques induit une grande richesse des habitats naturels, de la flore et de la faune. Aussi, des surfaces conséquentes de ce territoire ont été désignées en zone spéciale de conservation au titre de la directive « Habitats » ou en zone de protection spéciale en application de la directive « Oiseaux ».

Avec plus de 190 espèces végétales déterminantes, la flore est remarquable.

Des stations de plantes protégées ont été répertoriées dans plusieurs types de milieux.

Pour les zones humides, on peut citer : le Cranson des Pyrénées (Cochlearia pyrenaica), le Scirpe multicaule (Eleocharis multicaulis) et la Linaigrette de Scheuchzer (Eriophorum scheuchzeri), protégés en région Midi-Pyrénées, ainsi que le Rossolis à feuilles rondes (Drosera rotundifolia) et la Lysimaque éphémère (Lysimachia ephemerum), protégés en France.

Les habitats forestiers accueillent la Coralline (Corallorhiza trifida), l’Épipogon sans feuilles (Epipogium aphyllum) et la Listère en cœur (Listera cordata), trois orchidées forestières rares et protégées. Parmi les fougères, on note le Cystoptéris des montagnes (Cystopteris montana) et le Polystic de Braun (Polystichum braunii), protégés en France, tandis que l’Osmonde royale (Osmunda regalis), protégée en Haute-Garonne, et la Prêle des bois (Equisetum sylvaticum), protégée en Midi-Pyrénées, sont signalées dans des talwegs humides.

L’Andromède bleu (Phyllodoce caerulea) et le Géranium cendré (Geranium cinereum subsp. cinereum), protégés en France, se développent dans des pelouses subalpines rocailleuses.

La Valériane grecque (Polemonium caeruleum), protégée en France, fleurit dans les landes et les mégaphorbiaies montagnardes.

De nombreuses plantes patrimoniales sont caractéristiques des habitats rocheux.

Toujours localisés sur des falaises et des rochers siliceux croissent l’Androsace des Pyrénées (Androsace pyrenaica), l’Androsace de Vandelli (Androsace vandellii) et le Woodsia alpin (Woodsia alpina), protégés à l’échelon national, ainsi que l’Androsace ciliée (Androsace ciliata) et la Saxifrage d’Irat (Saxifraga pubescens subsp. iratina), protégés à l’échelon régional. À travers de fins éboulis du subalpin se développe également le Myosotis des Pyrénées (Myosotis corsicana subsp. pyrenaearum), protégé en Midi-Pyrénées.

D’autres taxons tels que la Bartsie en épi (Nothobartsia spicata), protégée à l’échelon national, ainsi que la Saxifrage intermédiaire (Saxifraga media), l’Oxycèdre (Juniperus oxycedrus subsp. macrocarpa), le Genévrier thurifère (Juniperus thurifera) et le Cheilanthès acrostic (Cheilanthes acrostica), protégés à l’échelle régionale, sont associés aux affleurements calcaires ou à leurs habitats associés.

En consultant la liste ci-dessus, on en déduit que les enjeux de conservation de cette biodiversité sont très forts pour ces hauts reliefs de Haute-Garonne. En effet, on y trouve de nombreuses stations floristiques très rares voire uniques à l’échelle du département ou même de la région.

Cela concerne aussi quelques plantes déterminantes sans aucun statut de protection telles que la Grassette des Alpes (Pinguicula alpina), la Swertie pérenne (Swertia perennis), la Renoncule des glaciers (Ranunculus glacialis), le Pigamon fétide (Thalictrum foetidum), la Véronique nummulaire (Veronica nummularia), la Petite astrance (Astrantia minor), l’Épilobe à feuilles verticillées (Epilobium alpestre), l’Alsine à feuilles de Céraiste (Minuartia cerastiifolia), la Gesse filiforme (Lathyrus filiformis) et le Dipcadi tardif (Dipcadi serotinum).

Ces données floristiques soulignent, par ailleurs, le grand intérêt biogéographique de ce territoire.

Des secteurs thermophiles, en particulier la montagne de Rié et certains versants en soulane sur substrats calcaires, abritent des espèces d’origine méditerranéenne très originales pour le Comminges, telles que le Phagnalon repoussant (Phagnalon sordidum), le Cheilanthès acrostic, le Genévrier thurifère... Elles forment ici des populations totalement isolées de celles connues dans le bassin méditerranéen.

Des exemples comparables existent pour la végétation acidophile. À l’est de la vallée de Luchon, l’Asarine couchée (Asarina procumbens), rare en Haute-Garonne, et des landes à Genêt oroméditerranéen (Cytisus oromediterraneus) se développent. Ces stations à genêts sont les plus occidentales connues pour ce taxon dans les Pyrénées centrales françaises.

Parmi les autres groupes, on recense des enjeux pour les bryophytes (23 taxons déterminants dont une belle diversité de sphaignes), les champignons (9 espèces déterminantes identifiées), ainsi que Degelia atlantica, un lichen rare qui est principalement présent dans les vieilles forêts aérohygrophiles et sciaphiles. Ce lichen est très sensible à la pollution atmosphérique. De plus, il est affecté par les activités humaines, et tout particulièrement par l’exploitation forestière.

La faune est à l’image de la flore, tout aussi remarquable et diversifiée.

L’avifaune est riche avec une dizaine d'oiseaux patrimoniaux se reproduisant sur la zone. Un fort enjeu concerne les galliformes de montagne (Lagopède alpin, Grand Tétras, Perdrix grise des Pyrénées) dont les effectifs sont fragilisés. C’est particulièrement le cas pour ceux du Grand Tétras qui ne cessent de décroître en Haute-Garonne tout comme sur l’ensemble des Pyrénées.

Le Grand-duc d’Europe, la Chouette de Tengmalm, l’Aigle royal, le Circaète Jean-le-Blanc et le Faucon pèlerin sont des rapaces rares, patrimoniaux et vulnérables, capables d’utiliser ici des biotopes rocheux ou forestiers pour nicher.

Il en va de même pour deux oiseaux forestiers que sont le Pic mar (Dendrocopos medius) et le Pic à dos blanc de Liford (Dendrocopos leucotos liifordi). Le Pic à dos blanc, une espèce paléartique, est présent en France uniquement au sein de deux zones, l’une située dans les Pyrénées-Atlantiques, l’autre dans le massif du Luchonnais. Ses habitats associés sont les vieilles hêtraies-sapinières ou hêtraies pures.

Pour les mammifères, ce massif constitue une zone de présence historique de l’Ours brun jusqu’à la disparition d’un dernier noyau autochtone au début des années 1990. Depuis les opérations de réintroduction (1996-2006), cette zone est régulièrement fréquentée par quelques individus (corridors de passage, sites vitaux).

La grande diversité des biotopes est favorable aux chauves-souris dont certaines ont été observées en migration et d’autres en reproduction (Minioptère de Schreibers, Petit Rhinolophe...). Parmi les autres mammifères, l’Isard utilise le site en hivernage, mais aussi en saison de reproduction, tandis que la Loutre et le Desman vivent dans les cours d’eau du bassin versant de la Pique.

Enfin, parmi les autres vertébrés intéressants, l’Euprocte ainsi que le Lézard pyrénéen de De Bonnal (Iberolacerta bonnali), deux espèces endémiques des Pyrénées, ont été signalés.

Les prospections ont également mis au jour des enjeux pour plusieurs groupes d’invertébrés.

La diversité en papillons est grande avec 10 taxons déterminants dont plusieurs moirés (Erebia gorgone, Erebia pronoe glottis, Erebia triaria), le Nacré subalpin (Boloria pales), le Faune (Hipparchia statilinus), ainsi que l’Apollon (Parnassius apollo pyrenaica), le Damier de la Succise (Euphydryas aurinia) et l’Azuré du serpolet (Maculinea arion), trois espèces protégées en France, ou encore la Grande Coronide (Satyrus ferula), dont les populations observées dans le Luchonnais sont isolées de celles connues dans le nord de la région Midi-Pyrénées et en particulier dans le département du Lot.

5 criquets ou sauterelles endémiques des Pyrénées ont été recensés : le Criquet de Saulcy (Chorthippus binotatus saulcyi moralesi), le Gomphocère pyrénéen (Gomphoceridius brevipennis), la Decticelle des Pyrénées (Metrioptera buyssoni), la Miramelle des Pyrénées (Cophopodisma pyrenaea) et l’Éphippigère gasconne (Platystolus monticolus). Parmi les autres orthoptères, on parlera surtout du Criquet palustre (Chorthippus montanus) : inventorié dans un bas-marais en tête du bassin de la vallée d’Oueil, il forme une population qui correspondrait à la première mention de cette espèce pour le département de la Haute-Garonne.

Les vieilles forêts abritent également un riche cortège déterminant de coléoptères saproxyliques. 21 espèces ont été recensées dont 6 sont strictement déterminantes : Abdera flexuosa, Bolitophagus reticulatus, Dirhagus pygmaeus, Mycetoma suturale, Tetratoma ancora et Triplax aenea.

Notons par ailleurs la présence du Cordulégastre bidenté (Cordulegaster bidentata), une libellule fort rare en Haute-Garonne et par extension en Midi-Pyrénées, car elle se reproduit dans des habitats naturels peu communs et menacés : suintements de pentes, zones de sources et de petits ruisseaux, dont des sources tuffeuses qui lui conviennent particulièrement bien.

Enfin, on recense parmi les autres invertébrés déterminants 16 collemboles, 8 crustacés, ainsi que 2 mollusques.

Ce territoire de haute montagne joue un rôle important en matière de réservoir biologique.

La préservation de biotopes variés, dont une majorité sont difficiles d’accès, ce qui implique un impact limité des activités humaines, permettent à de nombreuses espèces patrimoniales et protégées de trouver des conditions favorables à leur développement.

Un fort taux d’endémisme caractérise ce territoire des Pyrénées centrales.

En outre, de nombreux taxons sont en limite d’aire de répartition et forment même, pour certains d’entre eux, des populations totalement isolées et déconnectées de celles connues ailleurs en Midi-Pyrénées, en France ou même en Europe.

Les forêts recouvrant les versants escarpés permettent de contenir les phénomènes d’érosion. En outre, l’élevage extensif qui est encore pratiqué sur ces massifs contribue au maintien des espaces ouverts.

Ces milieux de haute montagne jouent un rôle important sur le débit et la régularité des cours d’eau en aval. L’eau, qui traverse des milieux naturels, est de bonne qualité. Cependant, dans la haute vallée d’Oô et la haute vallée de la Pique, ce réseau est en partie perturbé par des aménagements hydrauliques et hydroélectriques. De plus, des prélèvements supplémentaires sont désormais réalisés aux abords des stations de ski pour alimenter les canons à neige artificielle. Les perturbations du régime hydrique ont un impact sur les espèces sensibles à l'intensité du courant, telles que le Desman.

Comments on the delimitation

Cette ZNIEFF de type 2 regroupe les montagnes du sud de la Haute-Garonne. Elle réunit trois ZNIEFF de type 1 correspondant aux massifs du Luchonnais et du Larboust, à celui du Burat-Bacanère, ainsi qu’au site de la vallée d’Oueil. Les limites ouest et nord-ouest de ce territoire, qui est encadré au sud et à l’est par les crêtes alpines et subalpines de la frontière franco-espagnole, suivent, sur plusieurs kilomètres, la frontière entre les départements des Hautes-Pyrénées et de la Haute-Garonne.

Ne sont pas intégrés les versants forestiers et les rochers du massif de l’Antennac, ainsi que la vallée de la Pique en aval de Saint-Mamet, ces deux secteurs faisant l’objet d’autres ZNIEFF.

En revanche sont incorporés les versants de la vallée de Luchon situés en rive droite de la Pique, tandis que la montagne de Rié et les versants orientaux des forêts de Marignac, de Saint-Béat et de Burat-Palarquère délimitent la zone au nord-est.

Certains villages et les stations de ski (Peyragudes-les-Agudes et Luchon-Superbagnères) ont été inclus. Il existe en effet des enjeux concernant la faune (indices de présence du Desman observés dans les cours d’eau traversant les villages, galliformes de montagne fréquentant les pistes et les abords des stations de ski, etc.).

Ces reliefs accueillent des milieux montagnards caractéristiques de la haute chaîne primaire.

L’ensemble de ce territoire est particulièrement riche avec de nombreuses données déterminantes relatives à la faune, à la flore ou aux habitats naturels.

Cette zone géographique présente une cohérence fonctionnelle puisqu’elle englobe le bassin versant de la Pique, lui-même divisé en plusieurs unités (vallée du Lis, vallée d’Oô et de l’Orn, vallée d’Oueil). Quelques versants forestiers appartiennent également au bassin versant de la Garonne, dont le cours borde ce territoire au nord-est.