ZNIEFF 730011015
Vallées de l'Ouysse et de l'Alzou

(n° régional : Z1PZ0243)

Commentaires généraux

Couvrant plus de 3 000 ha, cette zone inclut les rivières Ouysse et Alzou dont les vallées entaillent profondément le nord du causse de Gramat, allant jusqu’à former un paysage de canyon. Seule la partie aval du cours aérien de l’Ouysse est incluse dans le site : en amont, l’Ouysse disparaît très rapidement dans le réseau souterrain karstique. Son bassin d’alimentation couvre environ 550 km², majoritairement sous la surface du causse de Gramat. Les vallées sont tantôt très encaissées avec des zones boisées qui descendent des versants et entourent de part et d’autre le cours de l’Alzou, tantôt plus ouvertes et occupées par des milieux prairiaux. Les versants exposés au sud sont souvent occupés par des pelouses sèches tandis que ceux exposés au nord sont majoritairement boisés (chênaie pubescente, mais aussi charmaie, forêt de pente et même hêtraie calcicole). Les zones de plateaux sont quant à elles surtout occupées par des pelouses sèches mais aussi, plus ponctuellement, par des cultures. Les coteaux entourant les vallées sont souvent très pentus, et présentent de nombreuses corniches rocheuses.

Les habitats naturels d’intérêt patrimonial sont très riches et variés. On y trouve de nombreuses pelouses sèches représentées par divers grands types : pelouses sèches à vivaces du Xerobromion et du Mesobromion du Quercy, pelouses sèches à annuelles du Thero-Brachypodion, pelouses de dalles rocheuses calcaires de l’Alysso-Sedion albi. Quelques formations végétales herbacées nettement plus rares sont également présentes : c’est notamment le cas des seslériaies à Seslérie bleue (Sesleria caerulea) développées sur certains secteurs de versants nord ombragés et pentus. De nombreuses variantes locales du Mesobromion ont également été décrites du site (V. Heaulmé) : certaines se rapportent au Carduncello mitissimi-Ranunculetum graminei, d’autres sont des variantes acidiclines ou de transition vers le Xerobromion. Des brachypodiaies héliophiles (pouvant être rattachées au Chamaespartio sagittalis-Agrostidenion capillaris) sont également localement bien représentées. Les pelouses qui relèvent du Xerobromion sont quant à elles quasiment toutes à rattacher au Sideritido guillonii-Koelerietum vallesianae, bien que de nombreuses formes locales représentent des transitions vers d’autres types de végétations comme celle des éboulis ou vers les pelouses sèches du Seslerio caeruleae-Xerobromenion erecti. Les corniches rocheuses sont souvent occupées par une végétation très spécialisée relevant du Potentillion caulescentis. Les éboulis ne sont pas rares sur le site (notamment sur les versants exposés au sud, à l’aplomb des falaises), et là aussi une végétation spécialisée et très rare dans le Lot s’y développe : végétation d’éboulis du Stipetalia calamagrostidis. Les versants exposés au nord voient quant à eux se développer, sur les zones de plus forte pente au sol instable, des forêts de ravins qui relèvent du Tilio-Acerion. Cet habitat est cantonné dans le Lot à quelques secteurs de vallée, les plus abrupts (et à quelques cloups dans la Braunhie) : c’est donc, avec les éboulis, un des habitats les plus rares du site. Une autre formation boisée, la hêtraie calcicole du Cephalanthero-Fagion, a un caractère exceptionnel. Si, dans le passé, on peut supposer que de nombreux secteurs de chênaie calcicole matures pouvaient présenter des faciès à Hêtre (Fagus sylvatica), c’est aujourd’hui un des très rares secteurs lotois connus où cette essence forestière se développe en terrain calcaire. Enfin, pour les habitats forestiers intéressants, on relève aussi la présence de boisements dominés par le Charme (Carpinus betulus) qui, développés sur terrain calcaire, relèvent du Carpinion. Ils s’implantent, comme la hêtraie calcicole, sur les versants exposés au nord. Cette formation boisée est assez fréquente dans les vallées et vallons des causses du Lot, surtout en bas de versant nord où elle remplace la chênaie pubescente. Plusieurs petits points d’eau, type lac de Saint-Namphaise, hébergent une végétation aquatique dominée par de petits hélophytes (Potamot dense Groenlandia densa, Renoncule à feuilles capillaires Ranunculus trichophyllus...), formations très intéressantes tant par leur originalité que par leur rôle d’habitat d’espèces animales aquatiques souvent rares en zone de plateau calcaire. De belles prairies de fauche atlantiques du Lino-Gaudinion (aussi appelé Brachypodio rupestris-Centaureion nemoralis), cantonnées aux vallées lotoises, sont également présentes sur la zone. Certaines subissent parfois des inondations entraînant un empierrement partiel préjudiciable aux fenaisons.

Les espèces animales et végétales d’intérêt patrimonial sont nombreuses sur le site : au moins 51 taxons végétaux et 61 taxons animaux. Les pelouses sèches du site abritent le cortège habituel de plantes d’intérêt patrimonial. La Sabline des chaumes (Arenaria controversa) et le Lin d’Autriche (Linum austriacum subsp. collinum), souvent associés au sein des tonsures à annuelles, sont caractéristiques de l’association Lino collinae-Arenarietum controversae qui relève du Thero-Brachypodion. C’est aussi dans ces formations à annuelles que l’on trouve la Gesse à feuilles fines (Lathyrus setifolius), plante cantonnée à quelques rares stations sur les causses du Quercy. Dans les pelouses vivaces du site, on trouve de nombreux taxons remarquables et globalement bien représentés sur les pelouses sèches du Lot : l’Armoise blanche (Artemisia alba), l’Hysope officinale (Hyssopus officinalis), la Leuzée conifère (Leuzea conifera), la Bugrane striée (Ononis striata), l’Ophrys sillonné (Ophrys sulcata), l’Ornithogale de Gussone (Ornithogalum gussonei), l’Orobanche rameuse (Orobanche ramosa), la Renoncule à feuilles de graminée (Ranunculus gramineus), le Nerprun des rochers (Rhamnus saxatilis), arbuste colonisateur de pelouses, le Libanotis des montagnes (Seseli libanotis), qui peut croître aussi dans d’autres milieux secs plus perturbés comme les bords de chemins ou les friches, ou encore la Crapaudine de Guillon (Sideritis peyrei subsp. guillonii). D’autres espèces sont nettement plus rares et localisées. C’est par exemple le cas du Gaillet glauque (Gallium glaucum). Certaines ne sont présentes que sur quelques très rares stations dans le département : Hélianthème à feuilles de saule (Helianthemum salicifolium), sous-espèce glastifolia de la Scorsonère d’Espagne (Scorzonera hispanica subsp. glastifolia). Une autre espèce xérophile remarquable n’a quant à elle pas été citée depuis le premier inventaire des ZNIEFF en Midi-Pyrénées : il s’agit de la Trigonelle de Montpellier (Trigonella monspeliaca). Certaines espèces de plantes remarquables annuelles ou vivaces occupent préférentiellement les secteurs de pelouses sèches dites primaires développées sur les vires rocheuses du site. Il s’agit notamment de la Mercuriale de Huet (Mercurialis annua subsp. huetii), de la Campanule à petites fleurs (Campanula erinus), de la Clypéole (Clypeola jonthlaspi), du Tabouret des montagnes (Noccaea montana), du Narcisse des poètes (Narcissus poeticus), qui est également présent dans certaines prairies fauchées de la vallée, du Nerprun des Alpes (Rhamnus alpina), espèce arbustive rare qui préfère les positions en ubac, de la Scorsonère à feuilles de buplèvre (Scorzonera austriaca subsp. bupleurifolia), une des rares stations lotoises connues, ou de la Tulipe australe (Tulipa sylvestris subsp. australis), qui peut aussi se maintenir en sous-bois clairs de chênaie pubescente. 3 espèces ligneuses xérophiles intéressantes ont également été observées sur le site. Il s’agit du Jasmin arbrisseau (Jasminum fructicans) et de deux taxons méridionaux apparemment naturalisés : l’Orne (Fraxinus ornus) et la Coronille glauque (Coronilla valentina subsp. glauca). La faune rencontrée est également riche. Le Nacré de la filipendule (Brenthis hecate) et l’Azuré du serpolet (Maculinea arion) trouvent dans ces pelouses leurs plantes hôtes respectives. L’Azuré du serpolet est une espèce aux exigences larvaires importantes nécessitant la présence de Thym serpolet (Thymus gr. serpyllum) ou d’Origan (Origanum vulgare) pour le premier stade larvaire, puis celle de sa fourmi hôte, Myrmica sabuleti pour les stades suivants... De nombreuses espèces non déterminantes de coléoptères inféodés aux pelouses sèches sont présentes sur le site. La plupart des espèces en aire disjointe qui sont localisées dans le Quercy sont présentes sur cette zone. Voici quelques-uns des éléments les plus originaux de cette faune xérophile : Ophone cordiforme (Ophonus cordatus), Harpale à pieds jaunes (Harpalus sulphuripes), Licine ponctué (Licinus punctatulus), Lébie pubescente (Lamprias pubipennis), Cymindie axillaire (Cymindis axillaris), Microleste d’Abeillé (Microlestes abeillei), Anthaxie hypomélène (Anthaxia hypomelaena), Némognathe nain (Zonitis nana), Zonabre polymorphe (Hycleus polymorphus), Ténébrion abrégé (Phylan abbreviatus), Chrysomèle interstincte (Chrysolina interstincta), Casside humérale (Cassida humeralis) et Bradybate allongé (Bradybatus elongatulus). Plusieurs espèces sont inaptes au vol et sont dépendantes de la conservation de leurs milieux. Certaines espèces, présentes ici, sont franchement rares dans le Lot. La Petite Sphénoptère (Sphenoptera parvula) n’est connue que des environs de Rocamadour où elle vit sur l’Armoise blanche (Artemisia alba). La Chrysomèle de l’Aveyron (Chrysolina aveyronenesis) et la Chrysomèle de Jolivet (Chrysolina joliveti) ont toutes deux un isolat de population sur les causses du Quercy. Le Cyrtone de Dufour (Cyrtonus dufouri), inapte au vol comme les deux chrysomèles précitées, présente lui aussi une population quercynoise isolée : la station connue la plus proche se situe sur les Grands Causses. Quant au Pseudorhine à col impressionné (Entomoderus impressicollis), les populations connues les plus proches sont réparties, autour de la Méditerranée, des Alpes méridionales aux Pyrénées-Orientales. Parmi les orthoptères remarquables du site, on note la présence du Tétrix déprimé (Depressotetrix depressa), inféodé aux zones sèches et caillouteuses. Cette espèce, probablement sous-prospectée dans le Lot, occupe ici une des rares stations lotoises connues. Les zones ouvertes, pelouses sèches, landes et cultures extensives du site abritent tout un cortège avifaunistique qui comprend l’Œdicnème criard, le Bruant ortolan qui se raréfie de façon alarmante sur les causses du Lot, l’Alouette lulu, le Torcol fourmilier, la Tourterelle des bois et la Huppe fasciée. Sont également présentes sur le site la Fauvette orphée et la Pie-grièche écorcheur qui affectionnent tout particulièrement les secteurs buissonnants et les haies arbustives. Globalement inféodés aux secteurs boisés frais et humides du site, on trouve l’Aconit tue-loup (Aconitum lycoctonum) et la Moschatelline (Adoxa moschatellina), tous deux connus seulement de quelques rares stations lotoises. Les plantes suivantes, inféodées aux zones boisées, participent aussi au caractère remarquable de la zone : Muguet (Convallaria majalis), Fétuque châtain (Festuca paniculata subsp. spadicea), Brome de Beneken (Bromus benekenii), Lis martagon (Lilium martagon), Mélique penchée (Melica nutans), Laîche digitée (Carex digitata) et Euphorbe anguleuse (Euphorbia angulata). Certaines comme la Fétuque châtain ou l’Euphorbe anguleuse sont relativement rares dans le département. La Martre des pins a été contactée sur la zone où elle occupe préférentiellement les milieux forestiers. Les boisements matures de la zone sont très favorables à une biodiversité de la coléoptérofaune saproxylique remarquable avec entre autres espèces le Taupin doux (Ampedus glycereus), le Taupin sanguinolent (Ampedus sanguinolentus), le Cardiophore des graminées (Cardiophorus gramineus), le Taupin à deux points (Calambus bipustulatus), le Platystome à rostre blanc (Platystomos albinus), le Grand Bupreste du hêtre (Dicerca berolinensis), le Microrhage pygmée (Microrhagus pygmaeus), le Droméole de Barnabé (Dromeolus barnabita), l’Isorhiphe de Marmottan (Isoriphis marmottani), le Platydème violet (Platydema violaceum) et l’Œdemère bleuâtre (Ischnomera cyanea). Les milieux rocheux et les éboulis apportent eux aussi un contingent important d’espèces d’intérêt patrimonial. Le Crépide blanchâtre (Crepis albida), la Corbeille d’argent à gros fruits (Hormatophylla macrocarpa), la Sabline à grandes fleurs (Arenaria grandiflora) et l’Hélianthème fausse bruyère (Fumana ericoides) croissent essentiellement sur les parois rocheuses. Mais l’Hélianthème fausse bruyère peut aussi transgresser dans certaines pelouses xérophiles. Les corniches calcaires permettent la reproduction d’une avifaune rupestre riche avec des espèces à très fort intérêt patrimonial comme le Grand-Duc d’Europe et le Faucon pèlerin. Le Pigeon colombin, surtout nicheur rupestre dans le Lot, est aussi présent, de même que le Martinet à ventre blanc. Sur les éboulis du site, les plus beaux et les plus diversifiés du Lot, on trouve nombre d’espèces de plantes hautement adaptées à des conditions pédologiques très spéciales. Certaines espèces sont assez bien distribuées au sein des zones rocheuses du Parc naturel régional des causses du Quercy. C’est le cas du Laser de France (Laserpitium gallicum), de l’Orlaya à grandes fleurs (Orlaya grandiflora) et, dans une moindre mesure du Silène des grèves (Silene vulgaris subsp. glareosa). D’autres sont encore plus rares et ne sont connues que d’une ou deux localités dans le Lot : Ibéris des rochers (Iberis saxatilis), Marguerite vert-glauque (Leucanthemum subglaucum), Oseille en écusson (Rumex scutatus), Scrofulaire du Jura (Scrophularia canina subsp. juratensis). L’Ibéris des rochers est, tout comme l’Ibéris amer qui est plus courant, la plante hôte d’un lépidoptère (papillon) remarquable, le Marbré de Lusitanie (Euchloe tagis bellezina), pour lequel le site revêt une importance considérable dans la préservation d’une population faible en situation d’isolat géographique (Lafranchis T., Heaulmé V.). Les cavités du site sont occupées par une chiroptérofaune riche avec diverses espèces de chiroptères remarquables comme, entre autres, le Murin de Bechstein (Myotis bechsteinii), qui trouvent ici de bonnes conditions d’hibernation et de transit. Deux lépidoptères remarquables, le Damier de la succise (Euphydryas aurinia) et le Cuivré des marais (Lycaena dispar), effectuent leur développement larvaire sur des plantes prairiales présentes dans une partie de la vallée de la zone. La Loutre d’Europe fréquente régulièrement le site, probablement en remontant l’Ouysse depuis la Dordogne. Sur l’Ouysse et dans une moindre mesure sur l’Alzou, un riche cortège piscicole est présent. Il comprend des espèces migratrices parfois rares dans le Lot : Anguille et Saumon atlantique. Ce dernier remonte jusque dans l’Ouysse via la Dordogne sur laquelle il bénéficie d’un arrêté de protection de biotope. Des espèces plus communes et néanmoins témoins de la qualité des milieux halieutiques ont été contactées : le Vairon, le Goujon, la Loche franche. Le Chabot affectionne quant à lui les zones à truites avec courant rapide et micro-cascades. Le site présente aussi des secteurs d’eau plus profonde avec la présence du Brochet. Également sur le site a été contactée la Cordulie à corps fin (Oxygastra curtisii) ; elle semble cependant nettement moins abondante que sur certaines portions des rivières Lot et Célé. Les cultures extensives de cette zone ne sont pas en reste sur le plan de la biodiversité avec tout un cortège de plantes messicoles : Nielle des blés (Agrostemma githago), Caucalis à fruits plats (Caucalis platycarpos), Pied-d’alouette de Bresse (Delphinium verdunense), espèce protégée qui peut être localement abondante sur ses stations, Gaillet à trois cornes (Galium tricornutum), Petite spéculaire (Legousia hybrida), Persil des moissons (Petroselinum segetum) qui est connu surtout au sud du Lot.

Cette zone, classée en espace naturel sensible et en zone Natura 2000, est sans aucun doute un des secteurs lotois les plus riches sur le plan du patrimoine naturel. Elle est sans conteste une zone clé pour le maintien de nombreuses espèces animales et végétales fortement emblématiques du Parc naturel régional des causses du Quercy.

Commentaires sur la délimitation

La zone comprend les vallées de l’Ouysse et de l’Alzou ainsi que les coteaux plus ou moins abrupts attenants. Elle s’étend autour du cours de l’Alzou depuis la ville de Gramat, jusqu’à sa confluence avec l’Ouysse. Elle inclut également l’ensemble du cours aérien aval de l’Ouysse depuis ses principales émergences (gouffres de Cabouy et de Saint-Sauveur, source de Font-Belle) jusqu’à sa confluence avec la Dordogne, près du village de Lacave. Quelques petites zones de plateaux attenants, au-delà des seuls versants, sont également incluses dans la zone, mais elles restent relativement marginales.