ZNIEFF 730011094
Massif du Burat-Bacanère

(n° régional : Z2PZ0298)

Commentaires généraux

Le territoire du Burat et de Bacanère s’étend sur plus de 8 300 ha de l’étage collinéen à l’étage subalpin. Il est encadré, à l’ouest par la vallée de la Pique, et à l’est par celle de la Garonne. C’est un site très accidenté à dominante forestière, et caractéristique de la partie centrale de la chaîne des Pyrénées. Le dénivelé est important à partir des villages de la vallée de Luchon jusqu’à la frontière franco-espagnole qui constitue la limite orientale de ce territoire. La géologie est celle de la haute chaîne primaire avec la prédominance de terrains du Paléozoïque inférieur (schistes de l’Ordovicien, calcschistes du Dévonien et schistes noirs du Silurien). Çà et là affleurent des roches volcaniques, métamorphiques, ainsi que des roches sédimentaires du Quaternaire (éboulis, couvertures d’altération, colluvions...). Le relief est pour l’essentiel typiquement montagnard avec une succession de longues lignes de crête et des vallons profonds marqués par l’érosion glaciaire, comme en témoignent les dépôts de blocs erratiques et de moraines. La montagne de Rié, avec ses milieux rocheux calcaires et ses biotopes thermophiles, délimite le site au nord, tandis que le col du Portillon qui relie les vallées de Luchon et du val d’Aran en constitue la limite méridionale. Les pics du Burat et de Bacanère culminent dans la moitié nord, respectivement à 2 154 et 2 184 m d’altitude. En ombrée, la forêt domaniale de Burat-Palarquère recouvre les pentes abruptes sur un sol le plus souvent acide. La sapinière succède à la hêtraie sur les versants escarpés de ces vallons encaissés. Dans les talwegs forestiers, des cours d’eau à régime torrentiel dévalent les fortes pentes jusqu’à la vallée de la Garonne. Au sud de Bacanère, le milieu est nettement plus ouvert : des estives dominées par des pelouses et des landes apparaissent sur les crêtes et les versants peu accidentés. Le site n’en reste pas moins à dominante forestière. De belles hêtraies et sapinières s’étendent à nouveau sur les fortes pentes de la forêt domaniale des Cygalières. Au total, plus de 70 % des surfaces de ce site sont recouvertes par les ligneux. Cependant, çà et là, des rochers, des falaises et des dalles accueillent une flore et une faune spécifiques. Quelques zones humides de petite taille sont également présentes.

Les enjeux écologiques et naturalistes de ce secteur sont forts. Aussi, largement plus de la moitié des surfaces de cette ZNIEFF ont été désignées en zones spéciales de conservation (ZSC) au titre de la directive « Habitats » ou en zones de protection spéciale en application de la directive « Oiseaux » (ZPS).

La flore est diversifiée et riche. Près d’une centaine d’espèces végétales déterminantes ont été recensées, ainsi que 19 bryophytes. Au nord, une flore originale et rare, contrastant avec la végétation environnante, est localisée sur la montagne de Rié. On y trouve le Genévrier thurifère (Juniperus thurifera), une espèce ligneuse à répartition exclusivement méditerranéenne occidentale. En Midi-Pyrénées, seulement deux localisations de ce taxon rare en France et protégé au niveau régional sont connues : l’une ici et l’autre au Quié de Lujat en Ariège. En août 2003, un incendie accidentel a détruit plus de la moitié des 3 500 genévriers thurifères. Depuis, une étude comprenant des actions de suivi et de conservation de cette population a été mise en place. Ce peuplement de genévriers se trouve dans la réserve biologique forestière de la montagne de Rié, et elle est incluse dans le site Natura 2000 : « Zones rupestres xérothermiques du bassin de Marignac, Saint-Béat, pic du Gar, montagne de Rié ». Sur ces zones calcicoles sèches, on trouve des taxons thermophiles et peu fréquents en Haute-Garonne : le Chêne vert (Quercus ilex), l’Alaterne (Rhamnus alaternus), l’Oxycèdre (Juniperus oxycedrus subsp. macrocarpa, protégé en Midi-Pyrénées), le Dipcadi (Dipcadi serotinum), la Germandrée dorée (Teucrium aureum), la Germandrée blanc-grisâtre (Teucrium polium), l’Érable à feuilles d’obier (Acer opalus), l’Arabette dressée (Arabis scabra), l’Hysope officinale (Hyssopus officinalis), la Véronique en épi (Veronica spicata), la Fétuque d’Auquier (Festuca auquieri), le Limodore à feuilles avortées (Limodorum abortivum), la Trinie commune (Trinia glauca)... D’imposantes falaises calcaires se dressent au nord de ce territoire tandis que les roches carbonatées sont plus localisées ailleurs (calcaires et calcschistes du cap des Tissures, du Burat, du plan de Montmajou, etc.). On y rencontre des plantes caractéristiques remarquables : la Bartsie en épi (Nothobartsia spicata), une endémique très rare et protégée en France, la Saxifrage intermédiaire (Saxifraga media), protégée en Midi-Pyrénées, la Campanule à belles fleurs (Campanula speciosa subsp. speciosa), rare en Haute-Garonne, ainsi qu’entre autres le Drave faux aïzoon (Draba aizoides) et la Luzerne sous-ligneuse (Medicago suffruticosa), qui sont peu fréquents en Comminges. Çà et là, de l’étage collinéen à l’étage subalpin, de nombreuses autres plantes basophiles déterminantes ont été inventoriées dans différents types de milieux (pelouses, landes, ourlets, sous-bois...) : le Panicaut de Bourgat (Eryngium bourgatii), le Brome de Beneken (Bromus benekenii), la Céphalanthère rouge (Cephalanthera rubra), la Violette des Pyrénées (Viola pyrenaica)... Enfin, la Benoîte des Pyrénées (Geum pyrenaicum), la Potentille des Pyrénées (Potentilla pyrenaica) et la Fétuque des neiges (Festuca niphobia), trois orophytes pyrénéennes, ainsi que la Gagée de Liotard (Gagea fragifera) et l’Anémone blanche (Pulsatilla alpina subsp. alpina) fleurissent sur des pelouses d’altitude. Notons également, sur des pelouses rocailleuses situées sur la commune de Montauban-de-Luchon, la Tulipe sauvage (Tulipa sylvestris subsp. australis), une fleur rare pour la région Midi-Pyrénées. En outre, une flore acidophile s’épanouit sur des rochers siliceux. Cette végétation comporte entre autres : l’Asarine couchée (Asarina procumbens), une plante déterminante peu commune en Haute-Garonne, la Paronyque à feuilles de renouée (Paronychia polygonifolia) et le Scléranthe à crochets (Scleranthus uncinatus). Sur les crêtes à l’est et çà et là à l’intérieur de ce territoire, des landes à Genêt oroméditerranéen (Cytisus oromediterraneus) se développent. Ces formations présentent un intérêt biogéographique, car ce sont les stations les plus occidentales connues pour ce taxon dans les Pyrénées centrales françaises. Les milieux humides représentent également de forts enjeux. On note des stations du Polémoine (Polemonium caerulea), une plante très rare en Haute-Garonne et protégée en France, des bas-marais où l’on observe le Rossolis à feuilles rondes (Drosera rotundifolia), protégé en France, ainsi que de riches cortèges de mousses. Sur les hauteurs de Gouaux-de-Luchon, aux environs des cabanes du plan de Bosc, du Courrau et de Mouscadé, une multitude de micro-habitats humides totalisent 11 sphaignes différentes. De même, les forêts des versants nord et des talwegs sont des biotopes très favorables aux bryophytes parmi lesquelles on peut citer les taxons déterminants suivants : Blasia pusilla, une hépatique pionnière recensée au milieu d’une piste forestière, Buxbaumia viridis, protégée par la directive « Habitats » et la convention de Berne, qui se développe sur des bois pourrissants, et Riccardia palmata. En sous-bois, la Listère en cœur (Listera cordata), une orchidée protégée en Midi-Pyrénées, la Véronique à feuilles d’ortie (Veronica urticifolia), une plante rare en Haute-Garonne, le Cystoptéris des montagnes (Cystopteris montana), une fougère protégée au niveau national, la Lathrée écailleuse (Lathraea squamaria), une plante rare et discrète qui parasite les racines de certains arbres, tout comme l’Épipactis à petites feuilles (Epipactis microphylla), une orchidée déterminante, croissent également dans des secteurs frais ou humides. Au fond de talwegs forestiers, sur des amas chaotiques traversés par des cours d’eau torrentiels, la Lunaire vivace (Lunaria rediviva) forme de belles stations en compagnie de la Valériane des Pyrénées (Valeriana pyrenaica). Dans des contextes écologiques voisins, l’Osmonde royale (Osmunda regalis), une fougère rare et protégée en Haute-Garonne, se développe sur des rochers suintants, tandis que la Prêle des bois (Equisetum sylvaticum), une fougère protégée en Midi-Pyrénées, est signalée. Cette dernière mention correspondrait à l’unique station connue en Haute-Garonne. De par sa grande diversité en habitats naturels et en peuplements forestiers qui incluent notamment de vieilles forêts, cette ZNIEFF est potentiellement riche pour la fonge : un cortège remarquable de saproxyliques des vieilles sapinières a d'ores et déjà été identifié. La faune est à l’image de la flore, tout aussi remarquable. Les formations végétales diversifiées constituent un terrain de chasse propice aux chauves-souris, tandis que les bâtiments et les zones rocheuses peuvent leur offrir des zones d’abris ; ce secteur est donc attractif pour ces animaux. Par exemple le Petit Rhinolophe s’y reproduit, tandis que la Barbastelle d’Europe y a été observée en migration. Parmi les autres mammifères, l’Isard utilise le site en hivernage mais aussi en saison de reproduction, tandis que la Loutre et le Desman, présents en vallée de la Garonne et en vallée de la Pique, remontent les cours d’eau. La richesse en oiseaux est également de premier ordre. Le Grand Tétras (Tetrao urogallus), dont les effectifs ne cessent de décroître en Comminges comme sur l’ensemble des Pyrénées, ainsi que la Perdrix grise de montagne (Perdix perdix hispanicus) trouvent des conditions favorables à leur établissement. Le Grand-duc d’Europe (Bubo bubo), la Chouette de Tengmalm (Aegolius funereus), le Circaète Jean-le-Blanc (Circaetus gallicus) et le Faucon pèlerin (Falco peregrinus) sont des rapaces rares et patrimoniaux, capables d’utiliser ici des biotopes rocheux ou forestiers pour nicher. Il en va de même pour deux oiseaux forestiers que sont le Pic mar (Dendrocopos medius) et le Pic à dos blanc de Lilford (Dendrocopos leucotos lilfordi). Le Pic à dos blanc, une espèce paléarctique, est présent en France uniquement à l’intérieur de deux zones, l’une située dans les Pyrénées-Atlantiques, l’autre dans le massif du Luchonnais. Ses habitats associés sont les vieilles hêtraies sapinières ou hêtraies pures. Enfin, parmi les autres vertébrés, l’Euprocte des Pyrénées (Euproctus asper), un amphibien endémique des Pyrénées, a été vu à proximité d’un ruisselet. La diversité en insectes est également tout à fait intéressante. Les vieilles forêts sont favorables aux coléoptères saproxyliques. Une dizaine d'espèces appartenant au cortège déterminant de ces animaux ont été identifiées. Parmi celles-ci, Bolitophagus reticulatus est déterminant strict. L’Azuré du serpolet (Maculinea arion) et l’Apollon (Parnassius apollo pyrenaica), deux papillons protégés en France, ont été observés dans des milieux ouverts. On trouve également, inféodés à des pelouses acidophiles et plus ou moins rocailleuses, le Faune (Hipparchia statilinus) et la Grande Coronide (Satyrus ferula). Les populations luchonnaises de cette dernière sont isolées des autres populations de Midi-Pyrénées que l’on rencontre dans le département du Lot. 2 orthoptères déterminants et endémiques des Pyrénées sont présents. Le Gomphocère pyrénéen (Gomphoceridius brevipennis) vit dans les pelouses situées à des altitudes voisines de 2 000 m, tandis que la Decticelle des Pyrénées (Metrioptera buyssoni) est commune à l’étage montagnard. Cette sauterelle se dissimule dans les landes ou les groupements herbeux présentant une biomasse importante. Par ailleurs, une population du Gomphocère tacheté (Myrmeleotettix maculatus maculatus) vit aux dépens d’une végétation éparse recouvrant des rochers à l’ouest de la cabane de Mouscadé. Il s’agit d’un petit criquet non déterminant dans les Pyrénées mais assez rare en Haute-Garonne. Quant à l’Œdipode stridulante (Psophus stridulus), un criquet qui n’est pas déterminant bien qu’il soit peu observé en Haute-Garonne, il vit sur les crêtes franco-espagnoles des Cygalières. Les falaises et rochers calcaires de la montagne de Rié abritent 2 mollusques déterminants : Abida pyrenaearia et Cochlostoma obscurum. Enfin, parmi les autres invertébrés déterminants, citons quatre collemboles (Ceratophysella tuberculata, Friesea subterranea, Monobella pyrenaica et Rusekella peyrei) et cinq crustacés (Oritoniscus trajani, Oritoniscus violaceus, Porcellio pyranaeus, Sphaerobathytropa ribauti et Tiroloscia pyrenaica).

Ce territoire de haute montagne joue un rôle important en matière de réservoir biologique. La préservation de biotopes variés et la conservation en bon état d’habitats naturels rares tels que les vieilles forêts permettent à de nombreuses espèces patrimoniales et protégées de trouver des conditions favorables à leur développement. En effet, le massif de Burat et de Bacanère présente un fort intérêt en termes biogéographiques. De nombreux taxons sont en limite d’aire de répartition et forment même, pour certains d’entre eux, des populations totalement isolées et déconnectées de celles connues ailleurs en Midi-Pyrénées, en France, ou même en Europe. La majeure partie de ce territoire étant d’accès difficile, les activités humaines y sont, par conséquent, peu développées. Les forêts recouvrant les versants escarpés permettent de contenir les phénomènes d’érosion. Toutefois, l’élevage extensif encore pratiqué localement contribue au maintien des espaces ouverts. Ce vaste territoire a également une fonction de bassin versant. L’eau, qui traverse essentiellement des milieux naturels, est relativement de bonne qualité.

Commentaires sur la délimitation

Ce territoire, encadré par la vallée de la Pique à l’ouest, et par celle de la Garonne à l’est, appartient aux bassins versants de ces deux rivières. La montagne de Rié, avec ses milieux rocheux calcaires et ses biotopes thermophiles, délimite le site au nord tandis que le col du Portillon qui relie les vallées de Luchon et du val d’Aran en constitue la limite méridionale. Bien délimité géographiquement, mais aussi administrativement à l’est (frontière avec l’Espagne), il accueille des milieux montagnards caractéristiques de la haute chaîne primaire. Un nombre important d’espèces animales et végétales déterminantes y a été recensé.