Cette ZNIEFF, constituée d’un grand massif forestier centré sur l’étage montagnard du piémont pyrénéen agrémenté de quelques espaces pastoraux, forme un ensemble naturel remarquable, non habité et comprenant des reliefs très accusés, avec quelques sommets effleurant l’étage subalpin, des versants abrupts, falaises, éboulis et gorges profondes.
Le socle géologique essentiellement constitué de roches carbonatées (calcaires, marnes et dolomies du Jurassique et du Crétacé en particulier) offre un relief karstique caractéristique avec de nombreuses cavités souterraines, ainsi que des sources et des ruisseaux temporaires. Les altitudes, comprises entre 450 et 1 921 m, englobent ici entièrement l’étage montagnard qui représente la majorité du site. Sur les parties inférieures, l’étage collinéen est représenté, et l’étage subalpin également mais ponctuellement à la limite supérieure de la zone (principalement au-dessus de 1 800 m). Le climat est franchement océanique, avec un cumul des précipitations moyennes annuelles élevé (de l’ordre de 1 000-1 500 mm/an), dont une partie sous forme de neige. Le paysage végétal est très forestier, dominé par des hêtraies à Sapin éparses (pour des raisons anthropiques), avec comme limite supérieure des espaces pastoraux anthropogènes anciens. Sur les versants mieux exposés et abrupts, on trouve d’assez vastes formations buissonnantes denses de buis. Dans le fond des ravins, des tillaies-frênaies et des buxaies arborescentes hyper-sciaphiles couvertes d’épiphytes forment des paysages très particuliers mimant certaines forêts tropicales humides.
Le site offre un échantillon complet d’habitats forestiers de l’étage montagnard des Pyrénées centrales en situation externe. En plus de l’habitat dominant, la hêtraie (-sapinière) à Scille lis-jacinthe et Hellébore vert (Scillo lilio-hyacinthi-Fagenion), on trouve quelques types plus remarquables tels que la hêtraie (-sapinière) à Seslérie (Cephalanthero-Fagion), rare à l’échelle pyrénéenne, des forêts de ravins mésoxérophiles (Sorbo ariae-Tilietum platyphylli) et hygrosciaphiles (Tilio-Acerion), à fonctionnement particulier, sur éboulis mobiles ou lapiaz. Au fond des gorges, des sources et suintements d’eau carbonatée (parfois incrustante) sont fréquents. Les habitats rocheux, assez bien représentés, hébergent des espèces protégées telles que l’Androsace hérissée (Androsace cylindrica subsp. hirtella), dont il s’agit de la population la plus excentrée au nord des Pyrénées) ou la Scrofulaire des Pyrénées (Scrophularia pyrenaica). Les falaises calcaires abritent également les nids de plusieurs couples de Faucon pèlerin et le Crave à bec rouge. L’Aigle royal niche également sur la zone et utilise l’ensemble du site comme territoire de chasse. Les espaces pastoraux montrent différents types de pelouses : à basse altitude en exposition chaude, on trouvera des pelouses sèches riches en espèces, des Brometalia (sous forme d’associations végétales endémiques des Pyrénées) ; plus haut en altitude, des pelouses montagnardes des Nardetea et des pelouses subalpines calcicoles à Dryade (Dryas octopetala), Saule des Pyrénées (Salix pyrenaica), Laîche toujours verte (Carex sempervirens) (Primulion intricatae).
Pour la faune, on remarquera particulièrement la diversité de syrphes et de coléoptères saproxyliques issus de l’étude sur la forêt de Hèches (Larrieu, 2005). Ce secteur forestier de Hèches a bénéficié d’inventaires entomologiques variés sur plusieurs années. Le niveau de connaissances est ainsi assez bon pour les syrphes et les coléoptères saproxyliques. Pour ces derniers, cet ensemble forestier correspond à une référence en termes de forêts montagnardes « en bon état de conservation ». En effet, dans une grille d’évaluation de la valeur biologique des forêts sur la base de l’étude des coléoptères saproxyliques, en cours de validation (actes du colloque de Chambéry : « Biodiversité, naturalité, humanité ») et comprenant cinq classes, ce secteur forestier serait au niveau intermédiaire (classe trois) après les forêts exceptionnellement bien conservées (subnaturalité) et les forêts très bien conservées (avec forte continuité des ressources en vieux bois et bois mort).
On retrouve un cortège sans doute dégradé par les activités humaines qui ont profondément modifié certains peuplements, mais qui garantit un bon fonctionnement des processus de dégradation de la nécromasse ligneuse et qui plus est héberge encore quelques taxons très rares liés à la hêtraie-sapinière mature (Xylophilus corticalis, Mycetoma suturale), aux tilleuls (Oplosia cinerea) et également aux vieilles forêts de plaine (Teredus cylindricus). Notons aussi la présence des taxons endémiques pyrénéens tels qu’Athous frigidus ou Athous mandibularis, ainsi que des cavernicoles dont l’inventaire exact doit encore être précisé.
Les plantes vasculaires offrent un panel de diversité très intéressant, intérêt connu de longue date par les botanistes historiques. En plus des espèces précédemment citées, on peut noter les endémiques Dethawie à feuilles fines (Dethawia splendens) et Campanule remarquable (Campanula speciosa) sur les parois calcaires, ainsi que la fougère protégée au niveau national Cystoptéris des montagnes (Cystopteris montana) dont on trouve de belles populations sur parois ombragées. En forêt, on peut trouver l’orchidée assez rare Épipactis à petites feuilles (Epipactis microphylla), et deux taxons protégés au niveau régional : le Cérinthe des Pyrénées (Cerinthe glabra subsp. pyrenaica) et la Clandestine écailleuse (Lathraea squamaria), une plante parasite sans chlorophylle.
La fonge du site offre quelques espèces rares telles Clavaria zollingeri, Cystolepiota rosea, Entoloma tjallingiorum (espèce saproxylique), Hydropus trichoderma ou Oudemansiella caussei (unique localité connue au niveau régional pour cette dernière espèce), toutes rencontrées en forêt, les milieux ouverts étant sous-prospectés. Un Tulostoma remarquable a été trouvé sur une crête rocheuse. Celui-ci correspond soit à Tulostoma moravecii soit à Tulostoma niveum, ces deux taxons étant inconnus de France.
Cette ZNIEFF constitue la tête de bassin de l’Arros, d’un petit affluent de l’Adour (vallon et fontaine de Craste) et d’un petit affluent de la Neste (le Bouchidet). Elle présente un rôle hydrologique qualitatif et quantitatif important, et complexe du fait de la structure karstique du massif. L’importance du massif forestier lui confère un rôle fonctionnel notable : protection des sols, tampon hydrologique, zone refuge pour la faune sauvage…
La délimitation du site est très cohérente sur plusieurs aspects :
- au sud, une limite naturelle constituée par la ligne de crête du pic d’Asté au cap de Paou ;
- au nord, une limite constituée par l’atténuation brutale du relief et de l’altitude et le début des zones habitées ;
- un socle géologique principalement karstique, hormis une petite unité à l’extrême est du site ;
- une ambiance climatique oro-atlantique fraîche et humide accentuée par les caractéristiques topographiques du site (vallons et versants globalement orientés au nord, et talwegs profonds et ombragés) ;
- un grand massif forestier représentatif de l’étage montagnard atlantique des Pyrénées centrales.