Le massif de Belledonne forme une chaîne cristalline de près de quatre-vingt kilomètres de long. La ligne de crête, qui oscille entre 2300 et 3000 m d’altitude, domine le Grésivaudan. Il est relativement peu arrosé par rapport aux autres secteurs montagneux environnants. Ces conditions contribuent à la diversité des milieux naturels ainsi qu'à une grande richesse spécifique. La ligne de crête partant de la station des Sept-Laux et se poursuivant jusqu’au Crêt Luisard présente une juxtaposition de prairies, de landes et de forêts, mais son principal atout réside dans la succession d'une quinzaine de tourbières ou suintements tourbeux, qui apportent une indéniable richesse écologique au site. Les tourbières hautes actives ou "haut-marais" correspondent à des buttes de sphaignes gorgées d’eau, en mosaïque avec d’autres types d’habitats tourbeux. Elles sont qualifiées d'actives car la production de tourbe (due principalement à l’accumulation des parties mortes des sphaignes qui se "momifient" dans les eaux pauvres et acides) se poursuit. Il s'agit d'habitats naturels remarquables par leur fonctionnement, leur végétation, et leur rôle de conservatoire pour des éléments organiques vieux de plusieurs milliers d’années. On peut ainsi, par l’étude des pollens conservés dans la tourbe, reconstituer l’histoire de la végétation régionale. Les espèces remarquables du site sont des plantes des marais, des amphibiens et des libellules. Pour supporter les périodes d’assec, les libellules adaptées pondent dans la boue et la végétation des zones exondées en été. C’est le cas du Sympétrum jaune d'or dont les larves ne se développent qu’au cours du printemps suivant la ponde estivale. Le Leste dryade fait partie des espèces les plus caractéristiques des marais temporaires. Les femelles pondent dans la partie sommitale des tiges des joncs en été. Les œufs sont ainsi à l'abri dans ces tiges pendant la période sèche. Cette période d’attente s’appelle la "diapause". Les larves sautent dans l'eau en avril de l'année suivante, et elles ont un développement très rapide d’environ trois mois. La présence d'eaux libres n’est donc nécessaire qu’entre mars et juillet. La réussite de la reproduction suppose évidemment que les scirpes et les joncs ne soient pas détruits pendant la saison sèche et que l'eau soit revenue à la fin de l'hiver pour permettre le développement larvaire. Les pontes sont certainement très nombreuses et certaines années favorables, on peut assister à de véritables invasions de lestes, permettant la conquête de nouveaux sites. Ces phénomènes démographiques spectaculaires provoquent de véritables mouvements migratoires et semblent concerner également les autres espèces à diapause (lestes et sympetrum notamment). D’autres libellules, comme la Cordulie des Alpes, la Leucorrhine douteuse, le Sympetrum noir et l’Agrion hasté, vivent dans ces tourbières. La flore s’est elle aussi adaptée aux rudes conditions de vie des tourbières, comme les plantes carnivores. Ainsi, la Rossolis à feuilles rondes a développé des feuilles "mâchoires" à poils rouges et gluants pour capturer ses proies. Quant à la Grassette à éperon étroit, elle piège elle aussi ses proies sur ses feuilles gluantes qui la digèrent ensuite par la libération de sucs digestifs. On peut aussi voir le rare Lycopode des Alpes, ainsi que des laîches adaptées à la présence constante d’eau : la Laîche pauciflore et la Laîche des tourbières. Chez les amphibiens, on remarque la présence du Triton alpestre. Présent dans les lacs jusqu’à 2500 m d’altitude, il est le plus bigarré de nos tritons. Le mâle en livrée nuptiale porte une crête à bord droit festonnée de points noirs ; ses flancs marqués de tâches noires sont ornés d’une bande latérale d’un bleu intense et son ventre est orange vermillon uni. Hivernant enfoui dans la terre ou sous des pierres, cet amphibien se nourrit d’invertébrés aquatiques et de têtards lorsqu’il est en phase aquatique et de vers en phase terrestre.