Description de la zone
La ZNIEFF du Rhône, un des plus grands fleuves français, est représentée par la partie aval de son long cours, de l’embouchure de l’Ardèche au nord, jusqu’à son embouchure en Camargue. Le canal de dérivation de Donzère/Mondragon et tout le linéaire qui s’articule à partir de ce dernier appartient également à l’espace rhodanien.
Jusqu’au milieu du XIXe siècle, le fleuve a été peu modifié par l’action humaine. Les écosystèmes étaient liés à la dynamique du Rhône et ils présentaient alors une grande diversité biologique (biodiversité confirmée, dans la région d’Avignon par M. Palun). Ses crues, alors très redoutées, ont vu leur violence se réduire à la suite des grands travaux effectués d’abord par le Service spécial du Rhône (dans le but d’améliorer la navigation) puis par la CNR (Compagnie nationale du Rhône), principalement pour la production hydroélectrique.
C’est ainsi que dans sa partie vauclusienne, trois grands complexes (barrages) ont équipé le Rhône, ceux de Bollène, de Caderousse et d’Avignon. Le fleuve a été presque entièrement canalisé et endigué (avec creusement d’un très important canal de dérivation) et un réseau de contre canaux de drainage de nappe a été créé. Ces grands travaux ont bouleversé les écosystèmes en :
- concentrant les eaux dans un chenal unique endigué par des enrochements, ce qui a eu pour conséquence de faire disparaître la dynamique fluviale naturelle et de réduire de façon drastique la diversité des écosystèmes ;
- créant de nouveaux milieux qui ont provoqué la destruction de certaines zones boisées et marécageuses ainsi que la modification des berges et celle du niveau des eaux.Mais malgré une artificialisation très forte, cette partie du Rhône offre encore une grande diversité d’espèces et d’habitats, même si ces derniers sont souvent relictuels. En amont de l’Île Vieille, le Rhône, non endigué, présente un débit réservé réduit et un aspect naturel prononcé. En particulier, on peut y observer des grèves de galets importantes et en bon état de conservation. Des vestiges de bras morts encore fonctionnels (avec lônes et ripisylves) existent encore, en particulier à la Désirade et au Tenon de Gilles (Lapalud et Lamotte du Rhône), à l’Île Vieille et aux casiers de Lamiat (Mondragon), à la Piboulette et aux Broteaux (Caderousse), aux Arméniers (Châteauneuf du Pape et Sorgues), et sur une infime partie de l’île de la Barthelasse (islon de la Barthelasse à Avignon). De plus, le site de Donzère/Mondragon, est un bon exemple de dynamique végétale à partir d’un espace entièrement artificiel puisqu’il a été créé de toutes pièces il y a cinquante ans environ, par la construction de l’usine hydroélectrique A. Blondel et du canal de dérivation.
Une grande partie des groupements des grands fleuves européens s’observe, à l’exception notoire des prairies naturelles qui y sont très marginales (elles ont été bien souvent détruites par divers aménagements et par l’urbanisation) :
- les groupements herbacés à hydrophytes (potamots, lentilles d’eau, etc.) qui se maintiennent très bien dans les contre canaux et les lônes,
- les groupements à hélophytes,
- les ripisylves qui occupent le lit majeur et sont constituées de forêts pionnières à bois tendre (saules, peupliers, etc.), principalement sur le cours aval et sur la Réserve de chasse de Donzère/Mondragon et de forêts plus matures de bois dur (avec aulne glutineux, frêne oxyphylle, chêne pédonculé, etc.), particulièrement bien développées sur tout le cours amont,
- les mégaphorbiaies.Dans la ripisylve sèche de la Réserve de chasse de Donzère/Mondragon, et à la faveur d’un substrat imperméable, de petites mares temporaires se sont mises en place.
Plus au sud, de la confluence avec la Durance jusqu'à l'embouchure a été fortement artificialisé. Les ripisylves, qui séparent le lit du Rhône des zones de culture inondables (ségonaux), sont réduites à certains endroits à un mince rideau d'arbres, mais sont parfois aussi très denses et profondes (secteurs de Saxy, des bois de Tourtoulen et d'Azégat). Les lônes, fossés et tout le système de mares associées (brèches) sont relictuelles. Les quelques dunes fluviatiles sont tout à fait résiduelles. L'embouchure du Rhône est, cependant, restée très "sauvage", avec les Theys de la palissade et de Roustan ou de la Gracieuse.
Flore et habitats naturelsBien que situé entièrement en région méditerranéenne, le Rhône vauclusien constitue une sorte d’avancée vers le sud de la flore continentale à caractère médio européen. Les éléments typiques de la flore méditerranéenne y sont très rares et ne s’expriment que sur des biotopes très réduits en surface et à faible biodiversité (bancs de graviers ou de galets, berges hautes). Il n’en demeure pas moins qu’à Bollène et tout près de la Drôme, on peut encore rencontrer deux espèces littorales, Limonium echioides (saladelle faux échium) et Polypogon maritimus (polypogon maritime).
Même si le Rhône vauclusien est très artificialisé, il n’en demeure pas moins que la présence d’un bel ensemble de bras morts (lônes du Vieux Rhône) contribue à y maintenir une grande diversité des espèces et des habitats. C’est ainsi que parmi les hydrophytes des lônes et contre canaux, se rencontre encore Potamogeton perfoliatus (potamot perfolié) à la Réserve de chasse de Donzère/Mondragon, Sagittaria sagittifolia (flèche d’eau), Hydrocharis morsus-ranae (morène), Vallisneria spiralis (valisnérie en spirale) à la Désirade, la Réserve de chasse de Donzère/Mondragon et la Piboulette et Nymphoides peltata (petit nénuphar pelté) à la Désirade. Leur maintien reste néanmoins très aléatoire et dépend du niveau de l’eau et de la gestion des lônes et des contre canaux. Les formations à hélophytes présentent une diversité encore plus grande avec tout un cortège d’espèces médio européennes qui sont ici bien souvent en limite méridionale de leur aire de répartition : Gnaphalium uliginosum (gnaphale des lieux humides) à l’Île Vieille, Carex pseudocyperus (laîche faux souchet), régulièrement observée sur la Réserve de chasse de Donzère/Mondragon, et sur le cours du Rhône jusqu’à Avignon et Leersia oryzoides (leersie faux riz).Toujours parmi les hélophytes et sur la Réserve de chasse de Mondèze/Mondragon on rencontre Stachys palustris (épiaire des marais) et Rorippa amphibia (rorippe amphibie) qui sont beaucoup plus rares sur le Rhône (Tenon de Gilles et Île Vieille) ou encore Carex remota (laîche espacée) qui ne se retrouve qu’à Avignon, en particulier à l’islon de la Barthelasse et Ranunculus sceleratus (renoncule scélérate) qui existe aussi à Lapalud (Tenon de Gilles). Dans les lônes de la Désirade, des espèces très rares (au niveau du nombre de localités et de l’importance des populations) en région méditerranéenne semblent y avoir trouvé des sites refuges : Cyperus michelianus (souchet de Michel), Schoenoplectus triqueter (scirpe à trois angles), Astragalus cicer (astragale pois chiche) que M. Palun citait déjà à Avignon (îles Piot et la Barthelasse) au XIXe siècle, Corrigiola littoralis (corrigiole des rivages) et Butomus umbellatus (jonc fleuri). Cette dernière espèce, une des plus belles de la flore de France se retrouve aussi dans des fossés et aux bords des contre canaux de la Réserve de chasse de Donzère/Mondragon. À Lapalud doit sans doute encore exister Inula britannica (inule britannique).
Des fragments de ripisylves médio européennes âgées et très matures existent sur l’ensemble du Vieux Rhône. Elles sont particulièrement bien représentées au Tenon de Gilles, à l’Île Vieille, à la Piboulette, aux Broteaux, à l’Islon Saint Luc et à l’islon de la Barthelasse. Dans les secteurs les plus humides et les plus froids, les plus impénétrables également, on y rencontre Circaea lutetiana (circée de Paris) comme à l’Île Vieille ou aux Broteaux où des espèces totalement étrangères à la région méditerranéenne comme Stellaria nemorum (stellaire des bois) à l’islon de la Barthelasse à Avignon. Dans la ripisylve pionnière sèche de la Réserve de chasse de Donzère/Mondragon, on trouve encore Vincetoxicum nigrum (dompte venin noir) alors que dans ses clairières, quelques mares temporaires hébergent Zannichellia palustris subsp. pedicellata (zannichellie des marais, pédonculée). À Avignon, à la Courtine, et entre Rhône et Durance, des pelouses xérothermophiles situées sur les marges des ripisylves, abritent Anacamptis coriophora subsp. fragrans (orchis punaise, parfumé) qui devient plus fréquente dans la vallée de la Durance, mais qui ne se retrouve pas ailleurs sur le Rhône vauclusien.
La Réserve de chasse de Donzère/Mondragon héberge encore deux espèces qui se sont considérablement raréfiées sur le territoire national : Chenopodium urbicum (chénopode des villages) et Visnaga daucoides (ammi cure dents). Chenopodium urbicum, espèce surtout littorale y présente plusieurs populations, plus ou moins importantes tant en situation de rudérale que d’hélophyte. Le devenir de Visnaga daucoides, en revanche est moins certain, car cette espèce très menacée, a toujours été considérée comme fugace.
Parmi les très nombreuses espèces signalées au bord du Rhône dans la région d’Avignon par M. Palun et H. Roux au XIXe siècle et par L. Charrel au début du XIXe siècle et dont on a perdu la trace figurent Pulicaria vulgaris (pulicaire vulgaire) et Mentha cervina (menthe des cerfs) ainsi qu’Oenanthe globulosa (oenanthe globuleuse). Plus récemment (années 1980), Aldrovanda vesiculosa (aldrovandie à vessie) était trouvée près d’Orange, probablement dans un des contre canaux du Rhône. Mais cette localité, qui était sans doute la dernière connue en France, n’a jamais été confirmée.Enfin, signalons la présence de peuplements de Schoenoplectus pungens sur les berges du Rhône, qui jouent un grand rôle dans les atterrissements
FauneCe cours d’eau présente un intérêt très élevé avec plus de 50 espèces animales patrimoniales dont 19 déterminantes.
C’est la faune liée aux milieux aquatiques et rivulaires et son cortège riche, varié et de grand intérêt patrimonial qui sont ici à mettre en évidence. Les mammifères terrestres sont représentés par la Genette, et les mammifères semi aquatiques par le Castor d’Europe et la Loutre qui utilisent le Rhône comme un couloir de déplacement, en témoigne l’expansion de ces deux espèces vers le sud.
Les ripisylves du Rhône constituent un territoire de chasse pour plusieurs espèces de chiroptères patrimoniales : Rhinolophe euryale (présence avérée à la confluence Ardèche Rhône), Murin de Cappaccini, Minioptère de Schreibers, Grand murin, Petit Murin, Murin à oreilles échancrées (gîtes à Mornas et Caderousse). Le Grand rhinolophe se reproduit potentiellement sur le site (Caderousse).
L’avifaune nicheuse est extrêmement diversifiée et intéressante et comporte nombre d’espèces rares et localisées dans le Vaucluse et même à l’échelle de la Provence : Grèbe huppé, Blongios nain, Héron pourpré (1 couple reproducteur à l’Île Vieille en 2010), Aigrette garzette (reproduction sur les rives du vieux Rhône), Bihoreau gris (reproduction isolées probable dans les ripisylves du vieux Rhône à Mondragon et Pont-Saint-Esprit), Cigogne blanche, Bondrée apivore, Faucon hobereau, Petit Gravelot (probable sur quelques îlots peu végétalisés du Vieux Rhône), Chevalier gambette (reproducteur irrégulier), Sterne pierregarin (reproduction irrégulières confluence Cèze/Rhône et Rhône/Durance), l’hirondelle de rivage (qui se reproduit régulièrement dans le secteur de l’Ile vieille), Martin pêcheur d’Europe, Guêpier d’Europe, Huppe fasciée, Pic épeichette, Gobemouche gris, Fauvette à lunettes, Rollier d’Europe.
Les reptiles sont représentés par quatre espèces remarquables, la Cistude d'Europe (Emys orbicularis), espèce ayant une répartition lacunaire en Europe, inféodée aux zones humides et localisée en PACA, la Couleuvre verte et jaune (Hierophis viridiflavus), espèce à répartition majoritairement Franco-Italienne qui privilégie les fourrés et les friches, la Couleuvre de Montpellier (Malpolon monspessulanus), espèce du sud de la France, de la péninsule Ibérique et du Maghreb qui affectionne les garrigues ouvertes et les milieux karstiques bien exposés et la Couleuvre à échelons (Zamenis scalaris), espèce à distribution franco-ibérique, typique du cortège provençal et affectionnant les milieux secs et broussailleux.
Un amphibien d’intérêt patrimonial est également observable, le Pélodyte ponctué (Pelodytes punctatus), espèce remarquable ouest-européenne d'affinité méridionale.
L’ichtyofaune compte quant à elle plusieurs espèces intéressantes comme la Bouvière, le Blageon, le Toxostome, l’Anguille et l’Alose feinte.
Quant à l’entomofaune locale, elle est représentée par plusieurs cortèges.
Du côté des odonates, citons la présence de trois espèces déterminantes Gomphe de Graslin (Gomphus graslini), espèce endémique franco ibérique et en limite d’aire, très rare au niveau régional, le Sympétrum déprimé (Sympetrum depressiusculum), espèce rare et en régression, dont la larve aquatique est inféodée aux pièces d’eau temporaires ou à niveau fluctuant et le Leste à grands stigmas (Lestes macrostigma), espèce très localisé et en régression, strictement inféodé aux eaux saumâtres temporaires dans lesquelles sa larve se développe, accompagnées de plusieurs espèces remarquables comme le Gomphe vulgaire (Gomphus vulgatissimus), espèce dont les larves se développent de préférence dans les eaux courantes au substrat de fond composé de limon sableux, le Gomphe à pattes jaunes (Gomphus flavipes), espèce protégée en déclin en Europe, fréquentant les grands bassins fluviaux, le Sympétrum du Piémont (Sympetrum pedemontanum), espèce des canaux et cours d'eau intermittents, peu commune en France et dont le bassin de la Durance représente un bastion, la Cordulie à corps fin (Oxygastra curtisii), espèce protégée en Europe, d’affinité ouest méditerranéenne, dont la larve aquatique se développe au niveau du chevelu racinaire des arbres rivulaires des cours d’eau de plaine et certains lacs bordés par la ripisylve ou encore l'Agrion de Mercure (Coenagrion mercuriale), espèce protégée qui affectionne les écoulements modestes à eaux courantes claires, ensoleillées et peuplées d'hydrophytes.
Parmi les coléoptères, trois espèces déterminantes ont été inventoriées, le Mycétophage du saule (Mycetophagus salicis), espèce fongivore des champignons lignicoles des boisements matures frais, très rare et sporadique sur son aire de répartition européenne, la Rhagie ermite (Rhamnusium bicolor), Cerambycidae vivant dans le bois mort des cavités d'arbres vivants, répandu en Europe mais à distribution discontinue et devenu très rare suite à la fragmentation de son habitat et le silphide Silpha puncticollis, espèce de méditerranée occidentale fréquentant les zones humides des bords de cours d'eaux et du littoral, rarement observée en France où les milieux qu'elle fréquente sont fortement menacés par l'urbanisation, ainsi qu’une espèce remarquable, le Clyte pâle (Trichoferus pallidus), espèce saproxylique d'Europe centrale et méridionale, plutôt commune dans une grande partie de la France mais rare et localisée en PACA où elle n'est connue que des boisements de feuillus des gorges du Verdon et de la vallée du Rhône.
Citons également la présence de la Diane (Zerynthia polyxena), espèce méditerranéo asiatique, protégée au niveau européen, localement inféodée aux aristoloches de milieux frais et/ou humides, de la Cigale argentée (Tettigetta argentata), espèce remarquable d'affinité méditerranéenne qui recherche les milieux arides parsemés d'arbustes et du Grand fourmilion (Palpares libelluloides), neuroptère remarquable assez commun mais toujours localisé aux steppes et autres formations herbacées maigres et sèches.
Dans l’intérêt de conserver le continuum de l’hydrosystème, la ZNIEFF intègre l’ensemble de l’écosystème rivulaire : fleuve sensu stricto, lônes, ripisylves (y compris lorsqu’elle en était réduite à un linéaire) et tout le système des contre-canaux.
Les limites extérieures de la ZNIEFF correspondent à une anthropisation forte de l’espace (agriculture, urbanisation).
La zone située entre le Rhône et les contre-canaux a également été retenue, malgré un faible intérêt patrimonial dans le but d’assurer la continuité entre le fleuve et les contre-canaux.
En revanche, la Réserve de chasse de Donzère/Mondragon a été retenue, malgré un niveau très élevé d’artificialisation, en raison de l’intérêt patrimonial très fort du réseau dense de contre-canaux.
Les zones d’extraction de granulats (sud de l’Île Vieille, etc.), ont été exclues.