ZNIEFF 930012350
LA NESQUE

(n° régional : 84100128)

Commentaires généraux

Description de la zone


Située entre deux grands ensembles montagneux, le mont Ventoux au nord ouest et les monts de Vaucluse au sud est, la Nesque est un cours d’eau méditerranéen à régime torrentiel et à débit très intermittent, surtout dans sa partie centrale. Elle prend sa source à hauteur du village d’Aurel, au nord de la ferme des Fontaines, et se jette dans un des bras des Sorgues, au pont de Capely, près d’Althen des Paluds, dans la plaine comtadine.
La Nesque est située dans la partie centrale d’un système aquifère très étendu constitué par des terrains calcaires du Crétacé qui sont à l’origine d’un modelé karstique qui y développe un très large éventail de structures. Si dans son cours amont et aval, l’assise géologique est constituée surtout de calcaires en plaquettes du Sannoisien, de marnes et d’alluvions fluviatiles, dans la partie centrale, ce sont des calcaires compacts à faciès urgonien qui prédominent. Dans son cours supérieur, la Nesque, en eau toute l’année, s’écoule dans une grande dépression aux sols imperméables, au milieu de prairies, et de cultures (lavande et céréales). Puis, un peu en aval du village de Monieux, elle se perd dans un impressionnant cañon presque toujours à sec et creusé au quaternaire. Celui ci, qui occupe toute la partie centrale de la Nesque, en est l’élément fort sur le plan paysager avec, au niveau du rocher du Cire, une dénivelée d’environ 400 m entre le fond du thalweg et la partie sommitale des parois rocheuses. Les versants abrupts et percés de grottes sont une succession d’escarpements en escaliers séparés par des couloirs d’éboulis. Avec les gorges du Verdon, cette curiosité naturelle est l’une des plus belles percées hydrogéologiques de la Provence. En aval du village de Venasque, dans la plaine comtadine, à la faveur de sols moins perméables, les eaux se libèrent de ce relief tourmenté et deviennent presque pérennes.
Ce cours d’eau est entièrement situé dans un contexte méso  et supraméditerranéen, mais avec une grande diversité des formations végétales. Alors que le cours amont développe dans le bassin de Monieux/Sault une ripisylve à saules (saule cendré, saule blanc, saule fragile) et à frêne commun, la ripisylve des gorges de la partie centrale, de par sa situation abyssale, est très originale avec tilleul, érable, frêne, saule drapé, etc. Vers l’aval en revanche, on retrouve la ripisylve méditerranéenne à peupliers de plus en plus dégradée par diverses activités agricoles (viticulture, arboriculture, etc.).
Dans les gorges de la Nesque, on observe, en contre haut de la ripisylve, une inversion des étages de végétation ; l’étage mésoméditerranéen (avec un cortège d’espèces parfois très xérothermophiles) est bien souvent situé à une altitude supérieure à celui de l’étage supraméditerranéen. La végétation de cette zone est constituée de taillis de chêne vert et de chêne pubescent, de pinèdes de pin d’Alep ou de pin sylvestre, de fruticées, de garrigues dégradées et de matorrals à genévriers qui essayent de s’adapter à la pente et aux complexes rocheux où se localisent des formations édaphiques.

Flore et habitats naturels


Malgré une apparente unité géomorphologique, la Nesque présente une grande biodiversité d’habitats et d’espèces. De plus, elle est située sur un carrefour biogéographique. C’est ainsi que quelques espèces méditerranéennes xérothermophiles remontent les gorges de la Nesque jusqu’au Rocher du Cire à la faveur de la présence de formations édaphiques, alors que d’autres, médio européennes, se rencontrent encore à Venasque, apportées par la forêt riveraine.
Parmi les formations forestières, ce sont les ripisylves qui présentent la plus grande diversité. Dans le bassin de Monieux/Sault, Tulipa sylvestris subsp. sylvestris (tulipe des forêts) y est présente, et plus en aval, le Tilio Acerion s’exprime sur de gros blocs et dans la partie la plus étroite et la plus profonde des gorges, près de la chapelle Saint Michel. Dans la partie centrale des gorges, sous Fayol et le Rocher du Cire, existe encore, dans les sites les plus ombragés, Lathraea squamaria (clandestine écailleuse). Plus en aval, les gorges s’élargissent parfois pour laisser la place, sur des grèves formées d’éléments grossiers, à la saussaie pionnière à Salix elaeagnos (saule drapé). À partir des Coulins, et jusqu’à Unang, chaque fois que la pression de la ripisylve est plus réduite, la présence de quelques clairières permet à Kengia serotina (cléistogène tardif) ou à Inula bifrons (inule changeante) de s’exprimer en plusieurs localités. Bien plus en aval, près de la Roberte à Venasque, Bromus japonicus (brome du Japon) n’y a pas été confirmée.
Mais ce sont incontestablement les formations édaphiques qui marquent le paysage. C’est ainsi que les parois rocheuses proches du Rocher du Cire abritent une petite fougère, Asplenium trichomanes subsp. inexpectans (doradille des murailles, inattendue). C’est une des rares localités françaises de cette saxicole qui a été identifiée également dans les gorges de l’Aigue Brun, les Alpilles et les gorges du Verdon. Dans les parois formant surplomb et où des suintements se maintiennent très tard en saison (et même parfois toute l’année), on peut encore observer la formation turficole de l’Eucladio Adiantetum capilli veneris. Bien souvent, le piémont de ces escarpements, les vires, sont occupées par des pelouses aux surfaces réduites. Leur composition floristique est formée d’annuelles ou d’espèces crassulescentes qui résistent très bien à la sécheresse estivale. On y a détecté la présence, à Fayol, de Trifolium scabrum subsp. lucanicum (trèfle de Lucanie), toujours très rare et méconnue en France. Sous le village de Méthamis, des vires hébergent la très rare Acis fabrei (nivéole de Fabre). Il s’agit de l’une des deux espèces endémiques du Vaucluse qui se retrouve aussi en versant sud du mont Ventoux, mais tout près des gorges de la Nesque. Ce site offre également un bel ensemble de pelouses rocailleuses ou d’éboulis dont certains sont en voie de stabilisation et colonisés par Orobanche laserpitii sileris (orobanche du laser siler) près du Rocher du Cire et Bupleurum ranunculoides subsp. telonense (buplèvre de Toulon) entre la chapelle Saint Michel et le Rocher du Cire. Ces milieux hébergent également Picris pauciflora (picris pauciflore), entre la Lauze et Fayol où Chaerophyllum nodosum (myrrhoïde noueux) existe toujours (alors qu’elle n’a pas été confirmée près de la chapelle Saint Michel). Cette dernière espèce qui est devenue très rare en France occupe des sites anciennement anthropisés et fréquentés par des troupeaux. Poa flaccidula (pâturin mou) s’est installée sur l’ensemble des gorges, à la faveur de la présence de petits éboulis ou de rochers ombragés et elle s’y rencontre toujours en populations très peu fournies.

Faune

La Nesque est un cours d’eau doté d’un peuplement faunistique d’intérêt élevé au niveau patrimonial. Elle abrite 45 espèces animales patrimoniales dont 12 espèces déterminantes.
L’intérêt ornithologique du site est évident car les falaises abritent la reproduction de nombreuses espèces rupestres patrimoniales Vautour percnoptère (1 couple), Faucon pèlerin (1 couple), Aigle royal (1 couple), Monticole de roche. Nombre d’autres espèces patrimoniales nichent dans la Nesque, sur les rives ou dans les gorges de ce cours d’eau : le Circaète Jean le blanc, l’Autour des palombes, le Pigeon colombin, le Petit duc scops, le Grand-duc d’Europe, la Huppe fasciée, le Pic épeichette, le Monticole bleu, le Monticole de roche, la Pie grièche écorcheur, la Pie-grièche à tête rousse, le Bruant fou, le Bruant proyer et le Blongios nain.
Riche de 8 espèces de chiroptères se reproduisant dans les Gorges de la Nesque, le secteur constitue certainement l’un des sites majeurs en Vaucluse comme en PACA du point de vue de sa diversité chiroptérologique : Petit Rhinolophe, Grand rhinolophe, les Petit et Grands Murins, la Vespère de Savii, le Molosse de cestoni et la Noctule de Leisler.
Exceptionnelle en Vaucluse, la Cistude d’Europe (Emys orbicularis), espèce remarquable, a été signalée dans ce secteur vers 1990 près du village de Monieux sans que cette observation n’ait pu être renouvelée.
Pour les autres reptiles remarquables citons la Couleuvre verte et jaune (Hierophis viridiflavus), espèce à répartition majoritairement Franco-Italienne qui privilégie les fourrés et les friches et la Couleuvre de Montpellier (Malpolon monspessulanus), espèce du sud de la France, de la péninsule Ibérique et du Maghreb qui affectionne les garrigues ouvertes et les milieux karstiques bien exposés. La présence du Lézard ocellé (Timon lepidus), espèce remarquable des écosystèmes ouverts et semi-ouverts à affinité méditerranéenne observée dans les années 1980, serait à actualiser.
Chez les amphibiens, notons la présence du Pélodyte ponctué (Pelodytes punctatus), espèce remarquable ouest-européenne d'affinité méridionale.
L’entomofaune locale est également d’un grand intérêt avec la présence de l’Alexanor (Papilio alexanor), espèce déterminante de lépidoptère, protégée au niveau européen, rare et dont l’aire de répartition est morcelée, inféodée aux éboulis et pentes rocailleuses jusqu’à 1700 m d’altitude où croît sa plante hôte locale Ptychotis saxifraga, de l’Apollon (Parnassius apollo), espèce remarquable d'affinité montagnarde, protégée au niveau européen, peuplant les rocailles, pelouses et éboulis à Crassulacées et Saxifragacées entre 500 et 2500 m d’altitude, de l'Azuré des orpins (Scolitantides orion), espèce remarquable à aire de distribution morcelée, inféodé aux milieux rocheux où croissent les plantes nourricières de sa chenille, des orpins (Sedum), du Sympétrum du Piémont (Sympetrum pedemontanum), espèce remarquable d'odonates Libellulidés des canaux et cours d'eau intermittents, peu commune en France et dont le bassin de la Durance représente un bastion et enfin du longicorne Plagionotus floralis, espèce remarquable euro-sibérienne des pelouses et garrigues présente en France principalement dans le quart sud-est, les reliefs du couloir rhodanien abritant l'essentiel de ses populations.
Mentionnons enfin la présence de l’Ecrevisse à pieds blancs (Austropotamobius pallipes), Crustacé Décapode, en régression et devenu assez rare aujourd’hui en Provence.

Commentaires sur la délimitation

Répartition et agencement des habitats : le lit mineur, les ripisylves et les gorges de la Nesque occupent la totalité de cette zone, permettant ainsi de définir les contours de cette ZNIEFF.

Cette démarche se justifie par le fonctionnement et les relations existant entre ces différents écosystèmes : il existe une complémentarité entre les milieux ouverts, terrain de chasse privilégié pour l’avifaune nichant dans les sites plus fermés ou les milieux rupestres.

Les contraintes du milieu physique ainsi que l’hydrogéologie confortent la définition du pourtour de la zone.

Les agrosystèmes ont été exclus de la zone. De même la limite de la zone s’arrête dans la partie haute des gorges, au-delà des derniers escarpements. La partie du cours d’eau située en aval de Venasque n’a pas été retenue en raison du niveau important de dégradation des habitats rivulaires.