Description de la zone
Dans la partie la plus orientale du bassin d’Apt, et en piémont des monts de Vaucluse, un ensemble de reliefs peu accentués (300 700 m) s’étend de la Bruyère à l’ouest au collet de Flaqueirol à l’est, puis remonte vers le nord est jusqu'au bois d'Autet. Il englobe également les petites collines isolées de Bel Air au nord d'Istrane et de la Marquise au sud du village du Rustrel. Constitué d'un paysage extraordinaire et multicolore, on lui a donné le nom de "Colorado".
Ce site appartient au grand ensemble des ocres de la Provence occidentale. Ces gisements ne sont pas réguliers, mais se présentent sous forme de lentilles plus ou moins continues allant du pays d’Apt (secteur Gignac/Goult) au sud, au petit massif de Bollène/Uchaux au nord en passant, au centre du département, par l’ensemble Bédoin/Mormoiron. Ce paysage insolite, tout en parois rocheuses, vallons encaissés et aiguilles finement découpées (les célèbres demoiselles coiffées) étonne par le contraste entre les couleurs chaudes de la terre, avec toutes les nuances possibles, allant du rouge foncé au jaune d'or, et les verts de la végétation naturelle (pinèdes et chênaies) ainsi que des cultures (vergers et vignes). Il exprime la mémoire du travail de l'homme qui a exploité ces gisements en carrières et galeries durant les XIXe et XXe siècle, ainsi que la manifestation de l'érosion naturelle.
Ce sont des sédiments d'origine marine datant du Crétacé (Albien/Cénomanien), qui, par lessivage et altération sous un climat de type tropical, ont donné naissance aux ocres. Silice (quartz), kaolinite (argile) et goethite (oxyde de fer), constituent le socle géologique. Par place (la Bruyère en particulier), une croûte ferrugineuse introduit un facteur de diversification.
Cet ensemble situé sur les marges orientales du département de Vaucluse, à la limite avec les Alpes de Haute Provence, connaît déjà les rigueurs, et ce malgré sa faible altitude, d’un climat à très fortes affinités tempérées : températures plus basses, précipitations plus élevées, nébulosité importante, mais vents toujours moins prononcés qu’ailleurs. Ici, l’indice d’aridité se réduit de façon significative.
Cette composante siliceuse induit une végétation exceptionnelle, entièrement située dans l’étage supraméditerranéen, et qui contraste par son originalité avec celle des terrains calcaires proches. Les chênaies à chêne pubescent et chêne vert y occupent encore d'importantes surfaces et le châtaignier se régénère bien dans les fonds de vallons. Le long de la Doa, petit cours d’eau affluent du Calavon et dans certains vallons à fort niveau hydrique (vallon de Barriès, vallon des Gourgues), de belles formations à aulnes glutineux et à peupliers blancs existent. On y trouve également du tremble et son hybride avec le peuplier blanc, le peuplier grisard. Mais, ce sont malgré tout les formations forestières à base de résineux qui prédominent : pin sylvestre (espèce médio européenne) auquel s'associent le pin maritime (espèce méditerranéo atlantique) et le pin d'Alep (espèce thermophile méditerranéenne) bien plus discret ici que sur les ocres de Roussillon. En sous bois se développent pour l'essentiel des formations bruyère à balai et à callune qu'accompagne occasionnellement sur les sols les plus régulièrement humides, le sarothamne. En terrain découvert, elles deviennent envahissantes. En outre, au sein du maquis, des pelouses ou formations herbacées colonisent de petites clairières isolées.
Flore et habitats naturelsSi la nature du substrat contribue à l’originalité floristique de la zone, il n’en demeure pas moins qu’elle le doit aussi au fait que l’on est ici en présence d’un carrefour biogéographique pour des espèces tempérées, méditerranéennes et atlantiques en limite de leur aire de répartition. L’élément tempéré y prend tellement d’importance que ce site accueille un fort contingent d’espèces qui ne se rencontrent nulle part ailleurs dans le Vaucluse et pour certaines, plus au sud. Dans des situations abyssales (fonds de vallons froids, très humides et encaissés, parfois très peu accessibles) se concentrent des espèces qui ne sont jamais observées à ces altitudes là en Haute Provence.
Même si, sur le plan paysager, c’est la lande, avec en particulier Cistus laurifolius (ciste à feuilles de laurier), qui prédomine en dehors des formations forestières, c’est bien dans les micropelouses que la flore exprime toute son exceptionnelle biodiversité. On y voit se développer de magnifiques associations végétales à compositions floristiques exceptionnelles où prédominent les espèces annuelles. Installées sur des sols très filtrants, celles ci ont nécessairement un cycle végétatif souvent très court afin de coïncider au mieux avec la période printanière souvent réduite, au cours de laquelle l'eau est présente dans les couches superficielles du sol. Certaines années de sécheresse particulièrement sévères, certaines d'entre elles peuvent même ne pas apparaître. Refuge suprême pour de nombreuses espèces silicicoles d'origines diverses et parfois très rares, certaines de ces pelouses présentent un intérêt majeur. C’est tout particulièrement le cas pour le site de la Bruyère où des pelouses très réduites en surface se sont développées sur une cuirasse de grès ferrugineux très altéré. Elles y offrent des espèces qui sont devenues extrêmement rares en France et qui ne se rencontrent habituellement qu’en zone littorale comme Loeflingia hispanica (loeflingie d’Espagne) ou Chaetonychia cymosa (paronyque en forme de cyme) qui s’observe aussi à Gignac. Elles s’y trouvent en compagnie d’Airopsis tenella (airopsis grêle) et de Minuartia viscosa (sabline visqueuse) qui, depuis sa découverte dans les années 1990, n’a plus été confirmée. À proximité de la Bruyère, mais plus à l’est, sur le site des Jean Jean façonné par les ocres, Ventenata dubia (ventenate douteuse) et Trifolium bocconei (trèfle de Boccone) se maintiennent toujours. Tout près du village de Rustrel, la petite colline de la Marquise héberge Gagea bohemica (gagée de Bohème) qui se retrouve également sur le site de Notre Dame des Anges où se concentrent également des espèces à très fortes affinités tempérées comme Ventenata dubia (ventenate douteuse). Ailleurs dans le « Colorado », on peut observer Helichrysum italicum subsp. serotinum (immortelle d’Italie) et Trifolium hirtum (trèfle hérissé).
Dans les fonds de vallons parfois occupés par des prairies, on peut rencontrer Bupleurum tenuissimum (buplèvre très menu) à Bouvène, Anacamptis laxiflora (orchis à fleurs lâches) à la Grégoire et Dactylorhiza occitanica (dactylorhize du Midi), espèce probablement endémique du Midi méditerranéen français. Près de Rustrel (à Pantalliane), dans une dépression marécageuse, est venu se réfugier Typha minima (petite massette). Il s’agit d’une station très excentrée de cette espèce qui se raréfie en France et qui fréquente surtout les berges de certains cours d’eau du Sud Est (Durance, Aygues, etc.).
Il est important de signaler ici la richesse en lichens de ce secteur, notamment du vallon des Barriès à Rustrel. Cet intérêt peut être résumé par :
- le développement de groupements aérohygrophiles normalement rencontrés dans des régions beaucoup plus humides (précipitations annuelles supérieures à 1 200 mm). Ils sont liés ici à une grande humidité atmosphérique et à la présence, fréquente, de brouillards à certaines périodes de l’année. Ils comportent notamment des peuplements corticoles ou saxicoles du Lobarion pulmonariae et de remarquables peuplements terricoles à Peltigeron ;
- la présence de peuplements saxicoles/muscicoles rares à Leptochidium albociliatum, très localisés au sommet de falaise au confluent du vallon avec la Doa ;
- la présence éparse d’espèces rares pour la région : Bacidia viridifarinosa, Gyalecta liguriensis, Parmelia saubinettii.
FauneCette zone recèle un cortège faunistique présentant un intérêt élevé sur le plan patrimonial. 36 espèces animales patrimoniales (dont 8 sont des espèces déterminantes) la fréquentent.
L’avifaune nicheuse locale renferme beaucoup d’espèces tout à fait intéressantes, dont certaines sont même devenues rare dans le département du Vaucluse comme le Moineau soulcie. Citons encore la Bondrée apivore, le Circaète Jean le blanc (1 couple reproducteur), l’Autour des palombes, le Faucon hobereau, la Chevêche d’Athéna ou Chouette Chevêche, le Petit duc scops, le Grand-duc d’Europe, le Guêpier d’Europe, la Huppe fasciée, le Torcol fourmilier, le Pic épeichette, le Monticole bleu, la Fauvette orphée, le Bruant ortolan.
Concernant les amphibiens, les nombreuses mares temporaires essentiellement concentrée sur la Colline de la Bruyère accueille notamment le Pélodyte ponctué ainsi qu’une des plus belles populations de Pélobate cultripède de Vaucluse.
Du côté des reptiles quatre espèces remarquables sont connues, le Lézard ocellé (Timon lepidus), espèce des écosystèmes ouverts et semi-ouverts à affinité méditerranéenne, le Seps strié (Chalcides striatus), espèce à répartition Franco-Ibérique qui fréquente les garrigues, les pelouses et les friches de Provence, sous les pierres et autres gîtes favorables, la Couleuvre de Montpellier (Malpolon monspessulanus), espèce du sud de la France, de la péninsule Ibérique et du Maghreb qui affectionne les garrigues ouvertes et les milieux karstiques bien exposés et la Couleuvre à échelons (Zamenis scalaris), espèce à distribution franco-ibérique, typique du cortège provençal et affectionnant les milieux secs et broussailleux.
Les anciennes galeries d’exploitation de l’Ocre, le petit patrimoine bâti ou encore les habitats forestiers accueillent de nombreuses espèces de chauves-souris, que ce soit en reproduction, hivernage ou transit : Grand Rhinolophe, Petit Rhinolophe, Vespertilion à oreilles échancrées, Petit Murin, Minioptère de Schreibers, Barbastelle. Concernant les autres mammifères, le Cerf élaphe fréquente ce secteur.
L’entomofaune patrimoniale du secteur est notamment représentée par l’Alexanor (Papilio alexanor), espèce déterminante de lépidoptère, protégée au niveau européen, rare et dont l’aire de répartition est morcelée, inféodée aux éboulis et pentes rocailleuses jusqu’à 1700 m d’altitude où croît sa plante hôte locale Ptychotis saxifraga et la Laineuse du prunellier (Eriogaster catax), espèce européenne remarquable, de la famille des bombyx (Lasiocampidés), protégée au niveau européen, globalement rare, sensible aux pesticides, inféodée à divers habitats pré forestiers tels que les lisières forestières, bocages et friches.
Notons également la présence du Scorpion languedocien (Buthus occitanus), espèce remarquable xéro thermophile d’affinité ouest méditerranéenne, peu commune et affectionnant les sols meubles voire sablonneux.
Répartition et agencement des habitats : les formations rupestres et boisées, le maquis et les pelouses occupent la totalité de cette zone, permettant ainsi de mieux définir les limites de cette ZNIEFF.
Cette démarche se justifie par le fonctionnement et les relations existant entre ces différents écosystèmes.
La climatologie ainsi que le contexte géologique confortent la définition du contour de la zone.
Les agrosystèmes ainsi que les sites urbanisés ont été exclus de la zone.