Description de la zone
Le sommet du petit Luberon est occupé par un plateau de 600 700 m d’altitude. Si sa partie orientale comporte une cédraie plantée vers 1860, toute la partie occidentale qui s’étend de l’Aiguille et du Crane de Colombier à l’ouest aux Hautes Plaine à l’est, est le domaine d’importants milieux ouverts qui se retrouvent également à l’est, dans le secteur du Bastidon des Gardes Peyrafio à Bonnieux. Cet ensemble étroit (rarement plus de 500 m de largeur) et tout en longueur est limité, surtout au sud et à l’ouest, par d’imposantes parois rocheuses, alors qu’il s’infléchit doucement vers le nord par une série d’arêtes secondaires. Ces sites spectaculaires par leur beauté et leur austérité offrent un panoramique d’une très grande ampleur, allant du mont Ventoux et des monts de Vaucluse au nord à la Méditerranée au sud en passant par la Durance, la Sainte Victoire et les Alpilles. En outre, ils jouent le rôle de pare feu naturel, si essentiel pour la protection des versants boisés.
Ce plateau est caractérisé géologiquement par la présence de calcaires compacts à faciès urgonien qui datent du Crétacé à l’origine de l’existence d’un modelé karstique à lapiaz.
Le climat méditerranéen est ici excessif et impose des contraintes sévères : fortes amplitudes thermiques (températures élevées en période estivale, mais gelées prononcées l’hiver), précipitations capricieuses (longues périodes de sécheresse suivies de courtes phases de précipitations intenses) et mistral souvent fort et présent une partie de l’année. Et les sols dénudés et arides, rongés par les eaux de pluie depuis des siècles, sont particulièrement exposés à ces intempéries.
Presque entièrement situées à l’étage supraméditerranéen, ces crêtes sont, depuis des siècles, constituées de formations méditerranéo montagnardes souvent façonnées par le pastoralisme : vastes garrigues à buis et à thym ponctuées de taillis de chênes verts et blancs associés à une riche végétation herbacée. C’est le blocage séculaire de la dynamique végétale par les grands herbivores et les incendies qui a favorisé le maintien de ces milieux d’exception à la biodiversité élevée.
Le déclin du pastoralisme et la disparition des herbivores, maillons importants dans les réseaux trophiques, ont laissés place à la dynamique végétale à forte dominante ligneuse, arbustive ou arborescente qui recolonisent actuellement les pelouses. La rupture d’un équilibre séculaire au profit de la forêt menace la rare flore méditerranéo-montagnarde, remplacée par une flore de sous-bois d’intérêt très relatif et conduit donc à une banalisation et un appauvrissement de la biodiversité.
Flore et habitats naturelsLes pelouses sèches des crêtes du petit Luberon présentent un haut degré d’originalité à la faveur de la présence de formations végétales et d’une flore rares en France. C’est ainsi que la formation méditerranéo montagnarde à Genista pulchella subsp. villarsiana (genêt de Villars) y est très bien représentée en particulier à Montimaou, au Jas de Ferland, sur les crêtes sud des Hautes Plaines, au Mourre de Cairas et de Flamarin et dans la partie plus orientale au niveau de la Baume Rousse et de la Roque des Bancs. La marginalité écologique de cette formation qui, en France, ne se rencontre que des Corbières aux Alpes du Sud, a favorisé le maintien en son sein d’une flore hautement spécialisée avec entre autres, Minuartia capillacea (sabline capillaire) dans le haut du vallon de Courroussouve.
Une autre formation est tout aussi rare, c’est celle à Crepis suffreniana (crépis de Suffren). Elle colonise, sur des surfaces réduites (quelques mètres carrés à peine, souvent), certaines poches d’argile de décarbonation, notamment en amont du vallon de la Taverne, le long de la route au nord du Jas du Ferland, à la Tête des Buisses, sur la Barre de Gautier et une dizaine de stations entre le Mourre de Flamarin et le nord des rochers de la Croix de Fer sur Ménerbes. Il est à noter que cette espèce qui est toujours très rare en France se présente en aire disjointe (littoral atlantique et Provence).
Dans d’autres milieux ouverts (pelouses, etc.) s’observent des espèces peu fréquentes : Ophrys provincialis (ophrys de Provence), Gagea luberonensis (gagée du Luberon) entre Roche Ronde et la Draille de Maubec, Gagea pratensis (gagée des prés) à l’ouest du Mourre de Cairas, sur le Crane du Colombier et à Barre de Gautier, Ophrys bertolonii (ophrys aurélien) dont les seules stations vauclusiennes connues se trouvent dans le petit Luberon (haut vallon des Buisses) où se rencontre également Ophrys saratoi (ophrys de la Drôme), à la répartition bien plus large (haute gorge de Badarel, Tête des Buisses, à proximité de la route entre les Aires de Bédouin et Richaume, et à l’est aux Portalas). C’est encore dans ces crêtes sommitales que s’observent Ephedra major (éphèdre des monts Nèbrodes) et Ephedra distachya (éphèdre à chatons opposés) véritables fossiles végétaux appartenant à la famille très ancienne des Ephedraceae. Ephedra major y possède sans doute ses plus importantes populations françaises (soit environ 90 si l’on tient compte de celles qui se retrouvent sous les crêtes ou dans certains vallons), alors qu’Ephedra distachya y est beaucoup plus localisée : Jas du Ferland, à l’est des Aires de Bédouin, à la Tête de la Sambuquette et sur le plateau des Hautes Plaines.
L’intérêt des pelouses des crêtes du petit Luberon réside donc dans le fait qu’il s’agit de zones refuges pour tout un contingent d’espèces d’intérêt patrimonial. Bénéficiant de conditions écologiques spécifiques, d’une structure et d’un niveau d’équilibre de l’écosystème à la fois simple et complexe, elles sont de véritables réservoirs génétiques.
FauneLes crêtes du petit Lubéron possèdent un patrimoine faunistique d’un intérêt biologique assez élevé. Les naturalistes y ont recensé 21 espèces animales patrimoniales dont 6 sont déterminantes.
Sur les crêtes et leur proximité, on rencontre plusieurs espèces d’oiseaux, dont le Grand-duc d’Europe (largement répandu dans le massif), le Circaète Jean le Blanc (sur le Luberon, une des plus belles populations nationales), la Bondrée apivore (nicheur régulier depuis 20 25 ans) et plus récemment l’Aigle Royal (nicheur depuis 2008) ainsi que le Faucon pèlerin (nicheur en 2011). Sont aussi présents la Fauvette orphée et le Bruant fou.
Chez les reptiles, citons la présence de trois espèces remarquables, le Lézard ocellé (Timon lepidus), espèce des écosystèmes ouverts et semi-ouverts à affinité méditerranéenne, le Seps strié (Chalcides striatus), espèce à répartition Franco-Ibérique qui fréquente les garrigues, les pelouses et les friches de Provence, sous les pierres et autres gîtes favorables et la Couleuvre à échelons (Zamenis scalaris), espèce à distribution franco-ibérique, typique du cortège provençal et affectionnant les milieux secs et broussailleux.
Huit insectes patrimoniaux fréquentent ces crêtes : le ténébrion Cryphaeus cornutus, espèce remarquable de coléoptère Tenebrionidés liée aux arbres vieux ou morts sur lesquels se développent des champignons lignicoles, la Punaise Aradus horvathi, espèce déterminante d’Hémiptères Aradidés, endémique de Provence et gravement menacée d’extinction, Acalypta hellenica, espèce déterminante d'hémiptère de la famille des Tingidés, la Réduve Coranus pericarti, espèce déterminante d’Hémiptères Réduviidés, le Moiré de Provence (Erebia epistygne), espèce déterminante de lépidoptère d’affinité méditerranéo montagnarde dont l’aire de répartition ibéro provençale est morcelée et restreinte, inféodée aux pelouses sèches à fétuques (surtout Festuca cinerea), la Diane (Zerynthia polyxena), espèce méditerranéo asiatique remarquable, protégée au niveau européen, inféodée à des aristoloches dont sa chenille se nourrit l'Arcyptère provençale (Arcyptera kheili), espèce remarquable de criquet à mobilité réduite et endémique de Provence, qui peuple les pelouses sur les plateaux calcaires et garrigues ouvertes et le Sténobothre cliqueteur (Stenobothrus grammicus), espèce déterminante de criquet ibéro-provençal, d'affinité méditerranéo-montagnarde, typique des milieux secs, arides et pierreux.
La partie occidentale des crêtes du massif du petit Luberon constitue une entité géographique fonctionnelle très bien individualisée. La ZNIEFF correspond à la totalité de cette entité, à l’exclusion des zones boisées des crêtes orientales et des hauts de combes qui en sont issus. Les contours de la ZNIEFF suivent la limite d’extension des pelouses xérophiles de crêtes. Le tracé s’appuie sur les contraintes géomorphologiques. La ZNIEFF englobe le plateau sommital qui s’infléchit progressivement au nord vers tout un ensemble d’arêtes secondaires. Elle comporte également, au sud, d’imposantes parois rocheuses (Tête des Buisses, Canteduc, Rochers de Guinchon).