ZNIEFF 930012365
VERSANTS OCCIDENTAUX DU PETIT LUBERON

(n° régional : 84131122)

Commentaires généraux

Description de la zone

Cet ensemble s’étire sur l’adret occidental du petit Luberon, du vallon de Dégoutau (Puget) à l’est, aux parois rocheuses de Baude, en dessus du village de Robion, à l’ouest. Il se prolonge au nord, jusqu'au plateau sommital limité par de spectaculaires escarpements de calcaires compacts à faciès urgonien du Crétacé qui atteignent 150 m de hauteur, et au sud jusqu’aux parties cultivées de la plaine de la Durance. Environ 300 m en contrebas des crêtes, dans la zone de rupture de pente, on rencontre une succession de plateaux secondaires (craux de Saint Phalez, des Mayorques, du Trou du Rat et de Peyre Plate). Dans ces petites dépressions se sont formés des sols marno sableux fertiles. Des fermes isolées (Mayorques, Saint Phalez, les Plaines) se sont installées dans un cadre austère, archétype du paysage méditerranéen, où la blancheur de la roche contraste avec le bleu du ciel.
Soumis à une aridité et à une sécheresse extrême en saison estivale, ces milieux concentrent une végétation et une flore typiques de l’étage mésoméditerranéen, dont beaucoup d’espèces rares. Les garrigues épaisses et les pelouses sèches des versants secs, (strate herbacée ponctuée de chênes kermès et de romarin), côtoient les formations des zones rocheuses (avec pinèdes de pin d’Alep) et des éboulis très exposés aux vents violents, aux variations de température, et aux phénomènes d’assèchement. L’originalité des garrigues réside dans le fait qu’elles ont été, depuis le néolithique, façonnées par les activités traditionnelles de l’homme (agriculture, élevage) et par le feu, contrôlé ou non.
L’adret est entaillé de combes et de gorges profondes, orientées au sud et souvent inaccessibles : combe de l’Euse, gorges de Régalon, vallons de la Peine, de l’Escaupré, du Sauvage, de Baume Rousse, des Buisses, combe de Vidauque, etc. C’est la zone la plus sauvage et la plus impressionnante du Luberon. Les gorges de Régalon en sont la manifestation la plus spectaculaire. C’est un cañon obscur et très étroit (un mètre de largeur parfois), encombré de gros blocs coincés entre les parois. Des conditions microclimatiques (faible luminosité et grande humidité) et édaphiques (sol profond et bien alimenté en eau) ont favorisé l’installation d’une forêt galerie en situation abyssale, jamais exploitée et exubérante, avec des essences de très grande taille et au feuillage très développé. Les autres combes qui bénéficient également d’un microclimat frais sont occupées par d’épais taillis de chêne vert. On y rencontre aussi d’autres formations adaptées à un contexte plus mésophile.
L’ubac s’étire du vallon du Beausset à l’est jusqu’au village de Robion à l’ouest. Il est, lui, entaillé de ravins et combes s’ouvrant vers le nord. Le climat y est plus frais et plus humide qu’au sud. Le jeu des micro expositions et des conditions abyssales y maintient un contexte contrasté à la fois méditerranéen et montagnard. Les parties basses sont occupées par d’épaisses forêts d’essences variées (pin d’Alep, chênes, cèdre). Les parties hautes et médianes sont colonisées par des garrigues à buis et à amélanchier.

Flore et habitats naturels

Dans cette partie du massif du petit Luberon, les formations édaphiques prennent autant d’importance que les formations climaciques, sinon davantage. Les parois rocheuses et les éboulis concentrent une flore saxicole remarquable : Kengia serotina (cléistogène tardif) dans les hautes gorges de Régalon, Picris pauciflora (picride pauciflore) à Champeau, Hesperis laciniata (julienne laciniée) à Badarel, à Baude, au nord ouest de Saint Phalez et à l’Escaupré, Galium setaceum (gaillet sétacé), près de Champeau et de Régalon, Lathyrus saxatilis (gesse des rochers), à l’Escaupré. C’est encore sur ces rochers que s’aventurent quelques espèces des crêtes, entre autres, Ephedra major (éphèdre des monts Nébrodes), sur les versants des gorges de Badarel, de la combe de Vidauque et de Valloncourt. On y observe, sur les versants bien exposés, la formation xérothermophile saxicole à Asplenium petrarchae (doradille de Pétrarque). Elle est surtout présente au sud ouest des Mayorques, à la Goure, près du Logis Neuf et à Saint Phalez. C’est dans cette partie du petit Luberon que l’on rencontre également des espèces méditerranéennes en limite nord de leur aire de répartition. Dans quelques pelouses du piémont occidental du massif, on observe encore Gagea lacaitae (gagée de Lacaita), entre Badarel et l’Aiguille et aux Mayorques, Ophrys provincialis (ophrys de Provence) au Blancamp et à l’ouest des Taillades. Sur les craux des Mayorques et de Saint Phalez, on retrouve Crepis suffreniana (crépide de Suffren), bien mieux représentée sur les crêtes ventées de la partie sommitale, en compagnie de Galium setaceum (gaillet sétacé) et de Gagea pratensis (gagée des prés). Ophrys saratoi (ophrys de la Drôme) y possède encore quelques stations (Trou du Rat, les Mayorques et Champeau). Dans des sites jadis cultivés et pâturés et qui le sont parfois encore (Trou du Rat, Crau de Peyre Plate, les Mayorques et entrée des gorges de Régalon) existent toujours Satureja hortensis (sariette des jardins), Velezia rigida (vélézie rigide), Euphorbia chamaesyce (euphorbe figuier de terre), Gagea villosa (gagée velue).
Les combes encaissées à caractère abyssal renferment une flore à tendance mésophile avec Carex depauperata (laîche à épis grêles et peu fournis) dont les populations toujours peu fournies se réfugient dans les vallons de Taverne et du Colombier. Ce taxon, qui est réparti sur l’ensemble du territoire national, y est toujours rare. Ces mêmes sites sont fréquentés par Delphinium fissum endémique des Alpes méridionales (pied d’alouette fendu), dans les hautes gorges de Régalon et de Badarel, Dictamnus albus (fraxinelle), dans les hautes gorges de Régalon, Chaerophyllum nodosum (myrrhoïde noueux), dans les vallons du Colombier, du Poussiou et du Roumiguié (ce sont probablement les localités françaises les plus nombreuses). Cette dernière espèce est très inféodée à des milieux anciennement anthropisés (présence d’un pastoralisme extensif). Si Vincetoxicum nigrum (dompte venin noir) est localisée à la combe de Vidauque (Valloncourt également), en compagnie de Fumaria petteri subsp. calcarata (fumeterre à éperon) qui se retrouve à la Petrossy, il n’en est pas de même de Poa flaccidula (pâturin mou), espèce récemment découverte en France et qui existe dans un grand nombre de combes, souvent en situation de saxicole, mais toujours dans des sous bois ombragés.
Dans ce grand ensemble où l’aridité domine et où pratiquement toutes les espèces sont adaptées à la xérothermophilie, deux fougères se sont réfugiées dans les très rares sites où l’humidité arrive encore à se maintenir : profondeurs des gorges de Régalon pour Asplenium scolopendrium (scolopendre) et toutes petites dépressions hydromorphes entre Régalon et Roque Rousse pour Ophioglossum vulgatum (langue de serpent vulgaire).
À la base occidentale et méridionale du petit Luberon, Glaucium corniculatum (glaucienne à fruits en forme de corne), citée dans les années 1970 à Valloncourt, n’a jamais été confirmée. Mais il faut dire que cette espèce s’est aussi considérablement raréfiée sur l’ensemble du territoire national.

Faune

Les combes occidentales du petit Luberon revêtent un intérêt faunistique très élevé sur le plan patrimonial. Localement, les inventaires ont permis de révéler la présence d’une cinquantaine d’espèces animales d’intérêt patrimonial (dont près de 30 sont déterminantes).
Dans ces combes nichent plusieurs couples de rapaces, les rares Vautour percnoptère et Aigle de Bonelli, mais aussi le Circaète Jean-le-Blanc (sur le Luberon, une des plus belles population nationale), la Bondrée apivore (nicheur régulier depuis 20-25 ans), l’Œdicnème criard, le Pigeon colombin, le Petit duc scops, le Grand-duc d’Europe (largement répandu dans le massif du Petit Luberon), la Chevêche d’Athéna, et plus récemment, l’Aigle Royal (nicheur depuis 2008) et le Faucon pèlerin (nicheur en 2011). Parmi les autres espèces, citons également le Monticole bleu, la Fauvette à lunettes, la Fauvette orphée, la Pie grièche écorcheur, la Pie grièche méridionale (nicheuse rare et très localisée, une douzaine de couples), la Pie grièche à tête rousse (nicheur très rare), le Moineau soulcie, le Bruant fou, le Bruant ortolan, le Traquet oreillard ou encore le Pipit rousseline.
Les chauves-souris de ce secteur sont notamment représentées par le Grand Rhinolophe, le Petit Murin, le Molosse de Cestoni, le Minioptère de Schreibers, le Vespertilion à oreilles échancrées.
Les reptiles sont représentés par quatre espèces remarquables : le Lézard ocellé (Timon lepidus), espèce des écosystèmes ouverts et semi-ouverts à affinité méditerranéenne, le Seps strié (Chalcides striatus), espèce à répartition Franco-Ibérique qui fréquente les garrigues, les pelouses et les friches de Provence, sous les pierres et autres gîtes favorables, la Couleuvre à échelons (Zamenis scalaris), espèce à distribution franco-ibérique, typique du cortège provençal et affectionnant les milieux secs et broussailleux, et la Couleuvre de Montpellier (Malpolon monspessulanus), espèce du sud de la France, de la péninsule Ibérique et du Maghreb qui affectionne les garrigues ouvertes et les milieux karstiques bien exposés.
L’entomofaune particulièrement riche regroupe plusieurs coléoptères d’intérêt patrimonial : les charançons Polydrusus kahri, espèce remarquable peu connue et Entomoderus impressicollis, espèce déterminante de moyenne montagne, le Clyte à antennes rousses (Chlorophorus ruficornis), espèce remarquable de coléoptère longicorne (Cerambycidés), endémique franco ibérique, floricole et forestière dont la larve se développe dans les branches mortes de chênes déjà attaquées par un autre coléoptère, l'Officier trompeur (Necydalis ulmi), espèce déterminante de longicorne cavicole dans les vieux feuillus d'Europe et du Caucase, devenue rare et localisée en France où ses plus grandes population restantes sont situées en région PACA, le taupin Athous puncticollis, espèce déterminante de coléoptère Elatéridés, endémique franco-italien ici en limite d’aire, uniquement présent en région Provence Alpes Côte d’Azur en France recherchant les milieux forestiers.
Dans les autres groupes, citons l’Andrène Andrena albopunctata melona, espèce déterminante d’Hyménoptères Andrénidés qui affectionne les apiacées notamment Eryngium campestre, Aethus pilosus, espèce déterminante d’Hémiptères de la famille des Cydnidés en limite d’aire, Alcalypta hellenica, autre Hémiptère déterminant de la famille des Tingidae, le Moiré de Provence (Erebia epistygne), espèce déterminante de lépidoptère d’affinité méditerranéo montagnarde dont l’aire de répartition ibéro provençale est morcelée et restreinte, inféodée aux pelouses sèches à fétuques (surtout Festuca cinerea), le Marbré de Lusitanie (Euchloe tagis bellezina), espèce déterminante très localisée, représentée par la sous espèce bellezina, endémique du sud de la France et de l’extrême nord-ouest de l’Italie, inféodée aux pelouses sèches, garrigues ouvertes et bordures de cultures extensives où se développent ses plantes nourricières les Iberis et l'Arcyptère provençale (Arcyptera kheili), espèce remarquable de criquet à mobilité réduite et endémique de Provence, qui peuple les pelouses sèches calcicoles et garrigues ouvertes.
Notons également la présence de la Scolopendre ceinturée (Scolopendra cingulata), imposant chilopode (« mille pattes ») limité en France à la bordure méditerranéenne et du Scorpion languedocien (Buthus occitanus), espèce remarquable xéro thermophile d’affinité ouest méditerranéenne, peu commune et affectionnant les sols meubles voire sablonneux.

Commentaires sur la délimitation

Répartition et agencement des habitats : la zone englobe les garrigues à chêne kermès et à romarin dont l’extension tend à se limiter à l’est au niveau de la crête (nord-sud) surplombant le vallon de Dégoutau. À l’est de cette crête, le milieu présente un faciès différent dominé par les taillis et les bois de chêne vert et blanc.

Au nord-ouest, les rochers de Baude correspondent à la limite des pelouses à brachypode rameux et des garrigues très rocheuses sur zone rupestre.

Contraintes du milieu physique : la zonation tient compte des contraintes climatiques : marquée davantage par les fortes chaleurs et par le mistral, cette partie ouest sur les communes de Robion, les Taillades et Cheval-Blanc connaît un plus grand risque d’incendie que l’est du petit Luberon. Les peuplements de cette zone sont ainsi la résultante d’un même facteur : le feu.

Du point de vue géomorphologique, le vaste plateau sommital des crêtes au pied duquel viennent buter les garrigues représente la limite supérieure de cette ZNIEFF. Le piémont du massif constitue la limite inférieure excluant les parcelles cultivées et les principaux secteurs urbanisés de Robion, des Taillades et de Cheval-Blanc.

Quelques parcelles cultivées situées à l’intérieur de la zone ont été maintenues en raison de leur intérêt patrimonial.

Les aires de chasse des rapaces s’étendant aux milieux dénudés des craux, justifient d’autant plus l’intégration des quelques champs cultivés. Une complémentarité existe ainsi entre les écosystèmes des secteurs rupestres et des garrigues : zone de nidification et de refuge et les écosystèmes agraires et leurs pourtours dénudés : zone d’alimentation.