ZNIEFF 930012366
L' AIGUE BRUN

(n° regional: 84100138)

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Description de la zone

Dans sa partie centrale, le Luberon est coupé par un cours d’eau qui le partage en deux ensembles : petit Luberon à l’ouest et grand Luberon à l’est. C’est l’Aigue Brun, cours d’eau qui imprime sa marque de sa source près d'Auribeau aux Fondons jusqu'à sa confluence avec la Durance à Lauris aux Iscles Marquises. Il se présente, en amont de Lourmarin, en un véritable cañon, la « combe de Lourmarin » dont les parois rocheuses et les chaos sont façonnés par les calcaires du Burdigalien. Il s’agit en réalité d’une cluse coupant transversalement le vaste anticlinal qu’est le massif du Luberon et venant buter au nord contre le plateau des Claparèdes. Cet exutoire aquifère naturel alimenté par un vaste complexe karstique est la seule rivière permanente du Luberon. Mais par un curieux phénomène, à mi parcours, au niveau du rocher des Abeilles dans la combe de Lourmarin et en période d’étiage, il se perd dans des failles calcaires, pour réapparaître en aval de Lourmarin, à la faveur d’un substrat imperméable.
Le cours supérieur de l’Aigue Brun, en situation abyssale, est un espace froid et très humide, dont la qualité des eaux est exceptionnelle (en particulier jusqu’à l’auberge du Paradou). Il offre un contraste saisissant avec le reste du massif du Luberon. De part et d’autre du ruisseau, une ripisylve à fortes affinités montagnardes et entièrement située dans l’étage supraméditerranéen y marque le paysage et s’est installée sur des alluvions sablo argileuses récentes qui datent de l’Oligocène. À côté des peupliers, on y rencontre entre autres, le cornouiller mâle, le frêne élevé et le tilleul. Près de la source, un bel ensemble de prairies mésophiles borde la ripisylve. Dès qu’on s’en éloigne, la chênaie pubescente occupe l’espace. Elle est particulièrement bien représentée à la Roche d’Espeil où elle se présente sous forme d’une futaie très évoluée dans laquelle l’if apparaît. Les formations édaphiques des parois rocheuses et des éboulis y prennent également une grande importance en raison de la configuration du site. Le cours inférieur, en revanche, situé dans l’étage mésoméditerranéen, est nettement pénétré par les influences méditerranéennes. La ripisylve à peupliers y devient de plus en plus présente au fur et à mesure qu’on se rapproche de la confluence avec la Durance (à ce niveau, vergers et cultures maraîchères y bordent d’ailleurs souvent le chenal) et les formations xérothermophiles des croupes et des parois rocheuses y prennent beaucoup d’importance dans un contexte de taillis de chêne vert.
Ce site, qui a attiré l'homme très tôt, concentre des témoignages préhistoriques et historiques de grande valeur. Depuis l’époque préromaine, un réseau d'ouvrages défensifs a été construit dans cette vallée, voie de passage entre Provence maritime et Haute Provence : citadelle du fort de Buoux, prieuré de Saint Symphorien, etc.


Flore et habitats naturels

L’Aiguebrun est situé sur un important carrefour biogéographique et sa biodiversité y est très élevée en raison de la présence d’une mosaïque de formations végétales. À la faveur de sa localisation entre le bassin d’Apt et la vallée de la Durance, il assure un échange remarquable entre des espèces à affinités septentrionales (médio européennes et subalpines) et des espèces thermophiles méditerranéennes.
Dans la ripisylve très évoluée du cours supérieur, des espèces de milieux froids et très ombragés y ont trouvé des sites refuges comme Doronicum plantagineum (doronic à feuilles de plantain), en amont de Chantebelle, Lathraea squamaria (clandestine écailleuse) au Moulin Clos et en aval des gorges, Circaea lutetiana (circée de Paris) et Carex remota (laîche espacée). Dans les prairies mésophiles qui bordent la forêt riveraine, au nord de la Roche d’Espeil et en amont de Salen, on peut noter la présence de Gagea pratensis (gagée des prés). Dans les chaos rocheux situés à proximité immédiate de l’Aigue Brun, ou dans certains petits ravins affluents et dans les sites où l’humidité atmosphérique est toujours très élevée, arrive à se maintenir Asplenium scolopendrium (scolopendre). Dans les fissures des parois rocheuses qui surplombent le cours d’eau, on a découvert il y a peu une toute petite fougère, Asplenium trichomanes subsp. inexpectans (doradille des murailles, inattendue). C’est une des très rares localités françaises de cette espèce qui se rencontre également dans les Alpilles, les gorges de la Nesque et celles du Verdon. C’est également dans le haut Aigue Brun que vient d’être découverte Ophrys tenthredinifera (ophrys guêpe), orchidée qui est une des plus rares de la flore de France. À l’entrée de la combe de Lourmarin, qui est probablement un des secteurs les plus xérothermophiles du Luberon, on peut observer la formation saxicole à Asplenium petrarchae (doradille de Pétrarque).

Faune

L’Aigue Brun abrite 21 espèces animales d’intérêt patrimonial, dont quatre sont déterminantes.
Parmi les mammifères, le Castor d’Europe est présent dans la ripisylve, ainsi que quelques espèces de chauves-souris contactées en chasse : le Murin à oreilles échancrées (Myotis emarginatus), espèce déterminante glaneuse capturant les mouches et araignées, souvent liée aux milieux rivulaires et très stratifiés, utilisant des gîtes variés en reproduction (bâtiments, cavités, ponts), le Minioptère de Schreibers (Miniopterus schreibersii), espèce déterminante typiquement méditerranéenne et strictement cavernicole ou le Molosse de Cestoni (Tadarida teniotis), espèce remarquable de haut vol, aux mœurs rupestres pour ses gîtes.
L’avifaune nicheuse locale comprend notamment des espèces liées au cours d’eau, le Martin pêcheur d’Europe, le Cincle plongeur, le Guêpier d’Europe, des espèces rupestres comme le Grand-duc d’Europe (1 couple nicheur), le Monticole bleu.
Du côté des reptiles, signalons la présence de trois espèces remarquables, le Lézard ocellé (Timon lepidus), espèce des écosystèmes ouverts et semi-ouverts à affinité méditerranéenne, le Seps strié (Chalcides striatus), espèce à répartition Franco-Ibérique qui fréquente les garrigues, les pelouses et les friches de Provence, sous les pierres et autres gîtes favorables et la Couleuvre de Montpellier (Malpolon monspessulanus), espèce du sud de la France, de la péninsule Ibérique et du Maghreb qui affectionne les garrigues ouvertes et les milieux karstiques bien exposés. La Cistude d’Europe (Emys orbicularis), signalée sur la période 1994 1998, a probablement disparu.
Notons la présence le Pélodyte ponctué (Pelodytes punctatus), espèce remarquable ouest-européenne d'affinité méridionale parmi les amphibiens.
La faune piscicole est composée du Blageon et du Barbeau méridional, accompagnés par une espèce remarquable de Crustacés décapodes, l’Ecrevisse à pattes blanches.
L’entomofaune est représenté par deux espèces de coléoptères d’intérêt patrimoniale, le taupin Athous puncticollis, espèce déterminante d’Elatéridés, endémique franco-italien ici en limite d’aire et recherchant les milieux forestiers et le longicorne Albana m-griseum, espèce remarquable endémique franco-espagnole se développant dans le bois mort de divers genêts.
Enfin, deux mollusques remarquables ont été inventoriés dans ce site, la Perlée massue (Charpentieria itala), clausilie habitant les forêts de feuillus et les vieux murs en contexte boisé et dont les populations en agrégat sont morcelées en France, les données contemporaines étant seulement situées en région PACA, du Vaucluse aux Alpes-Maritimes et L'Hélicon méridional (Corneola squamatina), espèce à la distribution énigmatique, présent seulement au nord de l'Espagne et en France au sud d'une diagonale entre Angers et Forcalquier. En PACA, il se trouve en limite d'aire de répartition, et vit dans les fissures des vieux murs et rochers en milieux boisés humides.

Comments on the delimitation

Répartition et agencement spatial des habitats : les formations des parois rocheuses surplombant le cours d’eau (Asplenion glandulosi et Potentillion caulescentis) servent de limites supérieures à la ZNIEFF. À une altitude plus élevée, les formations boisées se rattachent aux ZNIEFF petit et grand Luberon. En revanche, le vallon de la Combette a été retenu (habitat remarquable à Salix). Le tracé au niveau des Prés Blancs (amont de l’Aigue Brun) et de La Roche d’Espeil tient compte de l’étendue des prairies de fauche du Gaudinio-Arrhenatheretum elatioris. À ce niveau la carrière a été évitée.

Contraintes du milieu physique : en amont, la ZNIEFF est limitée par le plateau des Claparèdes au nord et par le bord des petits plateaux en piémont du Grand Luberon au sud. Dans le but de maintenir le continuum de l’hydrosystème, le zonage englobe le cours d’eau, de sa source jusqu'à sa confluence avec la Durance.

À partir de Lourmarin, et jusqu’à sa confluence avec la Durance, les berges de l’Aigue Brun sont occupées par des vergers et des cultures maraîchères. Seul le chenal a donc été retenu.