Description de la zone
Dans sa partie sommitale, le grand Luberon est formé d’un ensemble de crêtes étroites (200 à 300 m de large) qui s’étirent sur 14 km de longueur à environ 1 000 mètres d’altitude, des crêtes de Serre à l’ouest aux crêtes de Boufaou à l’est en passant par le Mourre Nègre (1 125 m), point culminant de la chaîne du Luberon. L’assise géologique calcaréo marneuse qui date de l’Hauterivien confère à ce milieu un modelé aux formes indéterminées où alternent cols peu prononcés et sommets arrondis. Ces sites spectaculaires par leur beauté et leur austérité offrent un panoramique d’une très grande ampleur, allant du mont Ventoux et des monts de Vaucluse au nord à la Méditerranée au sud en passant par la Durance, la Sainte Victoire et les Alpilles. En outre, ils jouent le rôle de pare feu naturel, d’une très grande importance pour la protection des versants boisés.
Ces espaces ouverts connaissent les conditions rigoureuses d’un climat de type méditerranéen mais avec des affinités montagnardes prononcées. Ils subissent les températures les plus basses du massif du Luberon. Les pluies y sont également plus importantes que dans le bassin d’Apt et la vallée de la Durance du fait de l’altitude plus élevée. Le brouillard y est plus fréquent par temps calme. Le mistral ne rencontrant aucun obstacle souffle très violemment, entraînant de forts contrastes thermiques et hygrométriques.
Situées dans les étages supraméditerranéen et montagnard méditerranéen, ces crêtes sont, depuis des siècles, constituées de formations méditerranéo montagnardes souvent façonnées par le pastoralisme : pelouses rases et rares garrigues ponctuées de pin noir, de chêne pubescent, de hêtre, de buis et de genévriers. C’est le blocage séculaire de la dynamique végétale par les grands herbivores qui a favorisé le maintien de ces milieux d’exception à la biodiversité élevée.
Le déclin du pastoralisme et la disparition des herbivores, maillons importants dans les réseaux trophiques, ont laissés place à la dynamique végétale à forte dominante ligneuse, arbustive ou arborescente qui recolonisent actuellement les pelouses. La rupture d’un équilibre séculaire au profit de la forêt menace la rare flore méditerranéo-montagnarde, remplacée par une flore de sous-bois d’intérêt très relatif qui conduit à une banalisation et un appauvrissement de la biodiversité.
Flore et habitats naturels
Les formations végétales des crêtes ventées du grand Luberon présentent des similitudes avec celles du petit Luberon, mais l’altitude apporte d’autres formations et une flore avec quelques espèces qui ne se retrouvent pas dans la partie occidentale du massif. C’est la formation méditerranéo montagnarde à Genista pulchella (genêt de Villars) qui assure la continuité avec le petit Luberon et son cortège floristique y est identique. Ainsi donc, le massif du Luberon offre probablement à cette dernière sa population française la plus importante (son aire de répartition s’étend des Corbières aux Alpes du Sud).
Mais les contraintes climatiques sont également à l’origine de la présence de pelouses rases formées d’espèces de petite taille comme Gagea bohemica gagée de Bohême) qui se localise autour de la Citerne, du Jas Brémond et du Vallon Mort et surtout Gagea pratensis (gagée des prés) qui existe pratiquement sur l’ensemble des crêtes à partir de 800 900 m d’altitude et parfois en populations denses et continues. Les pelouses du Mourre Nègre hébergent une flore encore plus montagnarde et certaines espèces y sont identiques à celles des pelouses du Mont Serein au mont Ventoux. C’est également dans ce même secteur qu’a été retrouvée Brassica repanda subsp. saxatilis (chou étalé, des rochers) espèce méditerranéo montagnarde, endémique du sud est de la France et qui atteint ici sa limite d’aire nord occidentale. Crepis suffreniana (crépis de Suffren) existe également mais plus sporadique que dans le petit Luberon.
L’intérêt des pelouses steppiques des crêtes grand Luberon réside donc dans le fait qu’il s’agit de zones refuges pour tout un contingent d’espèces d’intérêt patrimonial. Bénéficiant de conditions écologiques spécifiques, d’une structure et d’un niveau d’équilibre de l’écosystème à la fois simple et complexe, elles sont de véritables réservoirs génétiques.
Faune
Les crêtes du grand Luberon hébergent un cortège faunistique relativement intéressant avec 9 espèces animales patrimoniales (dont 4 déterminantes).
Le peuplement d’oiseaux nicheurs comporte les espèces suivantes : Pie grièche écorcheur, Bruant fou, Bruant ortolan, Alouette lulu.
Le peuplement entomologique local est représenté par un cortège très intéressant de lépidoptères rhopalocères (« papillons de jour ») avec 3 espèces déterminantes dont la présence historique avant les années 1990 reste à confirmer : l’Alexanor (Papilio alexanor), protégé au niveau européen, rare et dont l’aire de répartition est morcelée, inféodée aux éboulis et pentes rocailleuses jusqu’à 1700 m d’altitude où croît sa plante hôte locale Ptychotis saxifraga, le Marbré de Lusitanie (Euchloe tagis bellezina), très localisée représentée par la sous espèce bellezina, endémique du sud de la France et de l’extrême nord ouest de l’Italie, inféodée aux milieux ouverts où croît sa plante nourricière Iberis pinnata et le Moiré de Provence (Erebia epistygne), de lépidoptère d’affinité méditerranéo-montagnarde dont l’aire de répartition ibéro-provençale est morcelée et restreinte, inféodée aux pelouses sèches à fétuques (surtout Festuca cinerea) ainsi que deux espèces remarquables : l’Apollon (Parnassius apollo) d'affinité montagnarde, protégée au niveau européen, peuplant les rocailles, pelouses et éboulis à Crassulacées et Saxifragacées entre 500 et 2500 m d’altitude, et l'Échiquier de Russie (Melanargia russiae) d'affinité steppique, localisée et dont la sous espèce cleanthe est endémique des montagnes du nord de l'Espagne et des Alpes du sud. De même, le Sténobothre cliqueteur (Stenobothrus grammicus), espèce déterminante ibéro provençale distribuée en populations dispersées, typique des milieux secs, arides et pierreux de l'étage méditerranéo montagnard, seul représentant des orthoptères patrimoniaux, n’a pas été recontacté depuis 1999.
Les pelouses de crêtes du massif du grand Luberon constituent une entité géographique fonctionnelle très bien individualisée. La ZNIEFF correspond à la totalité de cette entité, à l’exclusion des zones boisées. Les contours de la ZNIEFF suivent la limite d’extension des pelouses de crêtes. Le tracé s’appuie sur les contraintes géomorphologiques et englobe également les aires de chasse des grands rapaces.