ZNIEFF 930012374
OCRES DE BÉDOIN/MORMOIRON

(n° régional : 84100106)

Commentaires généraux

Description de la zone

En piémont méridional du mont Ventoux et à l’extrémité orientale du bassin de Carpentras, l’élément fort du paysage est un ensemble de reliefs peu élevés (de 200 à 500 m), de Bédoin au nord à Mormoiron au sud, qui comporte des sites dont le caractère principal est d’être localisé sur des ocres : le Mourre de Cros, le Casal et les Sablières, à proximité de Bédoin, et un ensemble formé de vallons souvent encaissés et de croupes entre Mormoiron et Villes sur Auzon.
Ce site appartient au grand ensemble des ocres de la Provence occidentale. Ces gisements ne sont pas réguliers mais se présentent sous forme de lentilles plus ou moins continues allant du bassin d’Apt (secteur Gignac/Roussillon) au sud, au petit massif de Bollène/Uchaux au nord. On est ici en présence d’un paysage insolite qui étonne par le contraste entre les couleurs chaudes de la terre, avec toutes les nuances possibles des ocres allant du rouge au jaune d’or, et les verts de la végétation naturelle ou des cultures. Mais ces paysages, parmi les plus remarquables du département de Vaucluse, sont aussi l’expression de la mémoire de l’exploitation par l’homme de ces ressources naturelles, importantes pendant tout le XIXe siècle, et qui se maintiennent toujours. En effet, les parois qui marquent le paysage ne sont pas en général naturelles, mais le résultat de l’exploitation passée de l’ocre en carrières à ciel ouvert.
Ce sont des sédiments d’origine marine datant du Crétacé (Albien/Cénomanien) qui, par lessivage et altération sous un climat de type tropical ont donné naissance aux ocres. Ils sont formés à 90 95% de sables et d’un pigment pouvant aller du jaune au rouge en passant par le blanc ou le vert. Silice (quartz), kaolinite (argile) et goethite (oxyde de fer), constituent le socle géologique. Ils présentent des propriétés colorantes inaltérables dont l’utilisation remonte à la plus haute Antiquité. Mais ce n’est qu’à partir de 1785 que ces gisements ont fait l’objet d’une extraction industrielle qui a fait la richesse de la région. Aujourd’hui l’exploitation se poursuit à Bédoin.
Même si cette zone est située globalement dans l’étage mésoméditerranéen, on y observe des formations affines de l’étage supraméditerranéen. Mais ce qui importe ici c’est que les habitats et la flore sont étroitement liés à la nature du substrat. C’est ainsi qu’une flore typiquement silicicole a pu s’installer. Elle est d’une très grande originalité dans une région où le calcaire constitue l’ossature de tout relief.
Les groupements forestiers originels, chênaie verte ou chênaie pubescente couvrent des surfaces discontinues et très limitées. Certains fonds de vallons hébergent de belles formations de peuplier blanc et le châtaignier y est présent de façon éparse, comme le tilleul à feuilles larges d’ailleurs. Mais ce sont les boisements de résineux qui constituent l’essentiel de la couverture végétale : pin d’Alep (espèce thermophile méditerranéenne), pin sylvestre (espèce médio européenne) et pin maritime (espèce méditerranéo atlantique), espèces pionnières autrefois favorisées par l’intervention humaine permanente sur ce milieu. Les sous bois sont caractérisés par la prédominance de la lande à bruyère à balai et à callune, espèces accompagnées, sur les sols régulièrement humides, par le sarothamne. En terrain découvert, ces deux bruyères deviennent envahissantes et constituent de véritables maquis. À l’intérieur de ce dernier, des formations thérophytiques colonisent de petites clairières.

Flore et habitats naturels

En raison de sa localisation, cette zone est moins soumises que les autres (bassin d’Apt, massif de Bollène/Uchaux) à des phénomènes de limite d’aire et de carrefour biogéographique, si importants pour apprécier la biodiversité d’un site. Il n’en demeure pas moins que la nature du substrat donne à cette flore une grande originalité. Et ce sont les formations thérophytiques psammophiles qui offrent la plus grande diversité. Installées sur des sols très filtrants, celles ci ont nécessairement un cycle végétatif adapté, souvent très court afin de coïncider au mieux à la période printanière, souvent réduite, où l’eau est présente dans les couches superficielles du sol. Certaines années de grande sécheresse, les espèces peuvent même ne pas apparaître, en revanche, la moindre précipitation entraîne une explosion de la vie. On peut ainsi y rencontrer, sur des sables blancs très meubles, au Casal, aux Sablières et à Vacquière : Bassia laniflora (bassie à feuilles duveteuses), en compagnie de Silene portensis (silène de Porto), que l’on retrouve également au Parandier, Bufonia tenuifolia (bufonie à feuilles étroites) et Phelipanche arenaria (Phélypée des sables). La région de Mormoiron abrite Phleum arenarium (phléole des sables). Le Vallat de la Naye héberge Trifolium diffusum (trèfle diffus). Plus au sud, vers Pavouyère, on peut observer Carex punctata (laîche ponctuée), mais également Trifolium scabrum subsp. lucanicum (trèfle de Lucanie).


Faune

Cette zone présente un cortège faunistique d’un intérêt patrimonial élevé. Il comporte 24 espèces animales patrimoniales, dont 3 sont déterminantes.
Ce secteur de sables, ocres et gypses, est l’une des plus riches du département en amphibiens, sur le plan de la diversité (8 espèces) et de la rareté des espèces abritées avec notamment de belles populations de Pélobate cultripède (dont la présence est étroitement liée au substrat) et le Pélodyte ponctué.
Du côté des reptiles, citons la présence de deux espèces remarquables, le Seps strié (Chalcides striatus), espèce à répartition Franco-Ibérique qui fréquente les garrigues, les pelouses et les friches de Provence, sous les pierres et autres gîtes favorables et la Couleuvre de Montpellier (Malpolon monspessulanus), espèce du sud de la France, de la péninsule Ibérique et du Maghreb qui affectionne les garrigues ouvertes et les milieux karstiques bien exposés.
Les carrières d’ocre souterraines offrent un intérêt tout particulier pour les chiroptères. Elles sont utilisées comme gîte d’hibernation par le Murin à oreilles échancrées, le Grand rhinolophe et le Petit rhinolophe avec la présence d’un site d’hibernation d’importance régionale pour cette espèce.
L’intérêt du site est aussi d’ordre ornithologique avec les espèces nicheuses suivantes : Circaète Jean le blanc, Autour des palombes, Faucon hobereau, Petit duc scops, Grand-duc d’Europe, Guêpier d’Europe, Huppe fasciée, Pic épeichette, Pic noir, Cochevis huppé, Monticole bleu , Alouette lulu et du Bruant proyer.
Le Barbeau méridional ainsi que l’Écrevisse à pieds blancs habitent les petits ruisseaux de ce secteur.
Le patrimoine entomologique local met notamment en lumière la présence de l'Agrion de Mercure (Coenagrion mercuriale), espèce remarquable et protégée qui affectionne les écoulements modestes à eaux courantes claires, ensoleillées et peuplées d'hydrophytes.

Commentaires sur la délimitation

Répartition et agencement des habitats : les boisements, le maquis et les pelouses occupent la totalité de cette zone, permettant ainsi de définir les contours de cette ZNIEFF. Toutefois quelques agrosystèmes ont été pris en considération.

Cette démarche se justifie par le fonctionnement et les relations existant entre ces différents écosystèmes : il existe une complémentarité entre les milieux ouverts, terrain de chasse privilégié pour l’avifaune nichant dans les milieux plus fermés.

Le contexte géologique conforte la définition du pourtour de la zone puisque sa fonctionalité s’appuie essentiellement sur des affleurement d’ocres.

Presque toujours, les secteurs agricoles ont été exclus de la zone, comme d’ailleurs les carrières encore en exploitation.