ZNIEFF 930012382
CRÊTES DU MONT VENTOUX

(n° régional : 84102111)

Commentaires généraux

Description de la zone
La partie sommitale du mont Ventoux s’étend des rochers de Cachillan à l’ouest au col de la Frache à l’est, à partir de 1 300 1 600 m selon l’exposition et jusqu’au sommet à plus de 1 900 m d’altitude. Elle comprend principalement, en versant nord, le secteur des Gravières, le sommet à proprement parler, le haut de la Combe Fiole, le col des Tempêtes, la Tête de la Grave, et en versant sud le Clapier de l’Ermite, la Jousserène, les Herboux, le Jas de la Frèchière, la partie supérieure des combes des Trois Faux, Sourne et la Grave.
On se trouve ici dans la partie haute de l’anticlinal ventousien formée de calcaires fins en versant sud ou de calcaires argileux en versant nord (Barrémien). Ces assises sont recouvertes d’éboulis détritiques qui donnent à cette zone son aspect blanchâtre si caractéristique. Ils ont leur origine dans un phénomène d’érosion périglaciaire. Les calcaires éclatent sous l’alternance gel/dégel (phénomène de gélifraction toujours très important en hiver). Ces éboulis parfois très grossiers glissent dans les ravins lorsque la pente est trop forte (cas du versant nord).
Le contexte climatique, extrêmement sévère exerce ici une action déterminante. Les températures y sont basses (température moyenne annuelle au sommet de 3,2 °C), les précipitations importantes (neigeuses plusieurs mois par an), et les vents très violents avec des pointes à 250 km/h au sommet.
Ces crêtes, en grande partie asylvatiques, et colonisées par une végétation herbacée réduite, relèvent entièrement des étages orophiles oroméditerranéen (en versant sud, avec la série méditerranéenne du pin à crochets, à l’exclusion des 50 derniers mètres situés directement sous le sommet) et subalpin (en versant nord avec la série préalpine du pin à crochets et toute la calotte sommitale sur les deux versants). La série préalpine du pin à crochets trouve ici son extrême terminaison vers le sud, d’un complexe bien développé dans les Alpes du Nord. Pendant longtemps le pin à crochets a vu ses effectifs se réduire progressivement au fur et à mesure que l’on se rapproche de la partie sommitale pour disparaître totalement à partir de 1 800 m d’altitude. Toutefois, on assiste actuellement à une remontée des étages de végétation qui se manifeste par une plus grande dynamique du pin à crochet vers des altitudes de plus en plus élevées. Des surfaces assez importantes sont également colonisées, sous les crêtes et en versant sud surtout, par le genévrier nain. Mais ce sont les groupements édaphiques (éboulis, etc.) qui marquent le paysage dans pratiquement tout le secteur, laissant ainsi peu de place aux pelouses.
L’existence, dans cette zone, d’un paysage principalement minéral est la conséquence des dégradations séculaires (pratiquement depuis l’époque romaine, mais avec une accélération au cours des siècles en fonction de la pression démographique et du développement économique) causées par l’homme et ses troupeaux qui ont éliminé les formations forestières. Mais après leur destruction, les formations sylvatiques (taillis de hêtre, probablement) n’ont pu se reconstituer. Et les contraintes climatiques et édaphiques n’ont même pas permis ici d’engager les grands travaux de reboisements effectués dans le reste de ce massif, mais à des altitudes plus favorables, à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle.

Flore et habitats naturels
C’est sur la partie sommitale asylvatique du mont Ventoux que s’exprime toute l’exceptionnelle biodiversité de la flore et des formations végétales climaciques et édaphiques. Sur les deux versants, les pinèdes à pin à crochets où se rencontre Aquilegia reuteri (ancolie de Bertoloni) progressent certes au détriment de tous les autres groupements, mais cette avancée est limitée dans les secteurs extrêmement ventés, occupés en revanche par les pelouses de crêtes où s’observe Silene petrarchae (silène de Pétrarque). Ces pelouses s’installent sur des sols peu évolués où la roche mère affleure souvent. En versant nord et dans des conditions extrêmes, on rencontre également des prés suspendus, chacun n’excédant pas quelques dizaines de mètres carrés, notamment dans la combe de Fonfiole. Ils sont constitués de replats herbeux d’inclinaison élevée, toujours situés sur des corniches, à proximité immédiate des grandes parois rocheuses. On est ici en présence de l’avancée extrême vers l’ouest de cette formation. En versant nord toujours, certaines parois rocheuses grandioses, notamment dans la combe de Fonfiole hébergent la formation à Potentilla caulescens (potentille caulescente).
En versant sud, ce sont les pelouses écorchées qui s’expriment sur les croupes et les pentes douces avec Eryngium spinalba (panicaut épine blanche), endémique provenço dauphinoise, Paronychia kapela subsp. serpyllifolia (paronyque imbriquée, de Provence), Euphorbia seguieriana var. minor (euphorbe de Loiseleur), endémique française, Alyssum flexicaule (passerage à feuilles en coin), Minuartia capillacea (sabline capillaire), etc. Il faut aussi noter la présence des pelouses mésophiles liées aux zones enneigées. Elles dominent en versant nord, mais elles peuvent également occuper les combes et les dépressions exposées au sud, là où une plus grande humidité existe et où le sol est riche en terre fine. On y observe localement Gagea pratensis (gagée des prés) au vallon des Estabeaux et au chalet Reynard, espèce qui se retrouve également sur les pelouses mésophiles de la Frache.
Mais ce sont incontestablement les éboulis qui présentent la flore la plus caractéristique avec tout leur riche cortège des espèces endémiques des Alpes sud occidentales. Leur originalité a permis d’y définir une formation, celle à Iberis nana (ibéris nain), avec Heracleum pumilum (berce naine), Galium saxosum (gaillet des rochers) et Biscutella brevicaulis (lunetière à tige courte).
Au mont Ventoux, de nombreuses espèces, rares dans les Préalpes méridionales, prennent un développement important et ce, en raison d’une moindre concurrence végétale. Le cas le plus spectaculaire est celui de Papaver aurantiacum (pavot des Alpes rhétiques), bien connu sous le nom de « pavot velu du Groenland », qui, à la faveur de la création de nouvelles pistes et d’aménagements routiers a vu ses populations augmenter de façon significative. En revanche, d’autres espèces, banales dans les Alpes, y sont très localisées et avec des effectifs souvent réduits.

Faune

Les crêtes du mont Ventoux possèdent un patrimoine faunistique d’un intérêt marqué avec 23 espèces animales patrimoniales, dont 11 sont déterminantes.
Un important gîte d’hibernation de Petit Murin (Myotis blythii) est présent sur le site.
Les oiseaux nicheurs des crêtes du mont Ventoux comprennent à la fois des espèces de milieux ouverts, d’affinité méridionale et montagnarde comme le Monticole de roche et le Bruant fou, l’Alouette lulu, le Traquet oreillard, le Bruant fou, le Pipit rousseline et des espèces forestières, plutôt liées aux résineux, comme le Tarin des aulnes et le Venturon montagnard.
L’entomofaune locale d’intérêt patrimonial comporte un grand nombre de coléoptères avec 6 espèces déterminantes de Curculionidaa : Otiorrhynque Otiorhynchus putoni, espèce endémique des pâturages secs, ensoleillés et caillouteux situés entre 800 et 2000 m d’altitude, des départements du Vaucluse, où ne la trouve qu’au Mont-Ventoux au-dessus de 1 400 mètres d’altitude, des Hautes-Alpes et des Alpes-de-Haute-Provence, Otiorhynchus chobauti, espèce assez rare, endémique des départements du Vaucluse, où on ne la trouve qu’au mont Ventoux, Otiorhynchus fagniezi, espèce endémique de la montagne de Lure et du mont Ventoux où elle est commune entre 1 600 et 2 000 mètres d’altitude, Trachyphloeus meregallii, espèce endémique du mont Ventoux où elle se rencontre vers 1 800 mètres d’altitude, Dichotrachelus venturiensis, espèce endémique du mont Ventoux où elle se rencontre entre 1 200 et 1 800 m d’altitude, le charançon Meira vauclusiana (= Peritelus vauclusianus), espèce endémique des Préalpes du sud (Vaucluse, Alpes-de-Haute-Provence, Alpes-Maritimes). Dans les autres familles, citons également quatre espèces remarquables, le Carabe doré d’Honnorat (Carabus auratus honnorati), sous espèce protégée en France et endémique du Haut Var, des montagnes du Vaucluse et des Alpes-de-Haute-Provence, dans divers milieux où l’intensification de l’agriculture, avec en particulier l’utilisation intensive de pesticides et d’insecticides, ne l'a pas éliminé, le ténébrion Nalassus harpaloides, espèce d'affinité montagnarde, la Callidie bronzée (Callidium aeneum), Cerambycidae eurasiatique boréo-alpine liée aux conifères, principalement dans les Alpes et le Jura en France où elle n'est jamais abondante et le Lamie berger (Iberodorcadion fuliginator meridionale), sous-espèce de Cerambycidae aptère dont les larves terricoles se nourrissent de racines de fétuques, endémique de Provence.
le Sténobothre cliqueteur (Stenobothrus grammicus), espèce déterminante ibéro provençale d'affinité méditerranéeo montagnarde, typique des milieux secs, arides et pierreux, le Moiré des pierriers (Erebia scipio), espèce remarquable de papillons de jour endémique franco italienne des Alpes occidentales, qui fréquente les éboulis calcaires où croît sa plante hôte l’avoine des montagnes (Helictotrichon sedenense) et l’Apollon (Parnassius apollo), espèce remarquable de papillons de jour d'affinité montagnarde, protégée au niveau européen, peuplant les rocailles, pelouses et éboulis à Crassulacées et Saxifragacées entre 500 et 2 500 m d’altitude.
Enfin, chez les mollusques, citons la Fausse-veloutée du Ventoux (Urticicola isaricus ventouxianus), sous-espèce micro-endémique déterminante, présente uniquement sur le Mont Ventoux où elle habite les pelouses et les éboulis calcaires, souvent cachées sous les pierres en zone de crête.

Commentaires sur la délimitation

Répartition et agencement des habitats : les formations édaphiques, les boisements diffus de pin à crochets ainsi que les pelouses occupent la totalité de cette zone, permettant ainsi de définir les contours de cette ZNIEFF.

Cette démarche se justifie par le fonctionnement et les relations existant entre ces différents écosystèmes ; il existe une complémentarité entre les milieux ouverts, terrain de chasse privilégié pour l’avifaune nichant dans les milieux plus fermés ou les sites rupestres.

La climatologie ainsi que les contraintes du milieu physique et plus particulièrement l’analyse géomorphologique confortent la définition du pourtour de la zone. Celle-ci s’arrête lorsque les formations forestières occupent l’essentiel de l’espace. En particulier, la pinède à pin à crochets de la croupe occidentale (rochers de Cachillan) en a été exclue car elle fait l’objet à elle seule d’une autre ZNIEFF.

Le site de la petite station de ski du chalet Reynard a été exclu de la zone en raison des nombreuses constructions qui y ont été réalisées.