Description de la zone
L’Aygues, affluent rive gauche du Rhône est, avec l’Ouvèze et le Lez, l’un des trois cours d’eau qui structurent le Haut Comtat. À partir du moment où il devient vauclusien (à Villedieu) et jusqu'à Caderousse, il s’écoule sur environ 50 km, d’abord en piémont nord des collines de Rasteau/Cairanne puis dans la plaine alluviale comtadine avant de se jeter dans le Rhône au niveau de l’île de la Piboulette. L’assise géologique est constituée d’alluvions fluviatiles parfois grossières ainsi que de terrains argilo limoneux.
L’Aygues est un cours d’eau en tresse à bande active très large, à forte charge et à régime torrentiel de type méditerranéen. En raison de la localisation et de la configuration de son bassin versant amont, ce cours d’eau est affecté régulièrement par des crues qui peuvent parfois être violentes et occasionner des pertes de biens. Habituellement pérenne, l’Aygues peut, en période estivale, avoir un étiage très réduit et même se retrouver en assec sur certains tronçons de son cours. Son écoulement superficiel inexistant est alors remplacé par un cours souterrain.
Bien que situé entièrement en région méditerranéenne, la végétation de l’Aygues vauclusien bénéficie d’une position de carrefour biogéographique. Son caractère de cours d’eau non exclusivement méditerranéen est renforcé par l’existence d’un gradient amont aval, surtout sensible au niveau des formations arborescentes (les formations herbacées ripicoles sont, elles, presque totalement homogènes). Si la forêt riveraine pionnière à peupliers, parfois réduite à un linéaire étroit, couvre l’ensemble du lit majeur de la totalité de l’Aygues vauclusien, il n’en demeure pas moins que des essences à affinités montagnardes existent sur tout le cours amont : aulne glutineux, aulne blanc, saule cendré, myricaire, argousier, etc. Mais toutes ces formations pionnières sont composées d’espèces arborescentes et arbustives à croissance rapide qui connaissent régulièrement des phases de destruction en fonction de la fréquence des crues et des fluctuations de la nappe phréatique. De ce fait, elles ne peuvent jamais évoluer vers des formations matures. De plus, sur l’Aygues, les épisodes de crues des années quatre-vingt-dix ont modifié l’alluvionnement (avec exhaussement de la bande active sur certains secteurs) et l’érosion (avec création de berges et anses d’érosion), ce qui a eu pour conséquence d’affecter les dynamiques végétales et la composition floristique des milieux.
Flore et habitats naturels
Sur l’Aygues, les formations riveraines du Populetum albae sont assez bien développées, mais les strates arbustives et herbacées y sont souvent appauvries. Toutefois, elles permettent le maintien de Vincetoxicum nigrum (dompte venin noir) à Travaillan et à Sainte Cécile les Vignes. Lorsque la pression forestière est moindre, l’existence de milieux ouverts permet à Anacamptis fragrans (orchis parfumé) de s’installer à Sérignan du Comtat (sud de l’Arnaude), comme d’ailleurs Ophrys fuciflora subsp. elatior (ophrys frelon, élevé). La présence de quelques ruisseaux affluents ainsi que de petits marais ont favorisé l’installation de certaines hydrophytes et hélophytes. C’est ainsi que le secteur de l’Alcyon héberge la formation à Cladium mariscus (marisque) alors que Baldellia ranunculoides (baldellie fausse renoncule) et Typha minima (petite massette) y sont observées régulièrement. Cette dernière espèce existe toujours également à Buisson et à Sérignan du Comtat. Les lits de graviers du Glaucium flavi, occupent d’importantes surfaces mais ils sont souvent colonisés par un fort contingent d’espèces naturalisées.
Faune
Ce cours d’eau est doté d’un patrimoine faunistique d’un assez grand intérêt. Il comporte 40 espèces animales patrimoniales dont 14 correspondent à des espèces déterminantes.
Pour les mammifères, on peut citer la présence de six espèces de chauves-souris : la Barbastelle d'Europe (Barbastella barbastellus), espèce forestière déterminante, vulnérable et en régression, d’affinité médio-européenne, très résistante au froid, le Murin de Bechstein (Myotis bechsteinii), espèce déterminante, liée aux forêts de feuillus âgées dotées d’un sous-bois dense avec des ruisseaux et des mares, considérée comme rare et menacée, le Minioptère de Schreibers (Miniopterus schreibersii), espèce déterminante typiquement méditerranéenne et strictement cavernicole présente dans les régions aux paysages karstiques riches en grottes, la Noctule de Leisler (Nyctalus leisleri), espèce remarquable forestière relativement fréquente, la Pipistrelle de Nathusius (Pipistrellus nathusii), espèce migratrice remarquable de passage et hivernante, se reproduisant dans le nord- est de l’Europe, le Vespère de Savi (Hypsugo savii), espèce remarquable rupicole et montagnarde d’affinité méridionale, qui exploite d’une part les milieux forestiers (surtout ceux riverains de l’eau) pour la chasse et d’autre part les milieux rocheux (falaises) pour les gîtes et le Molosse de Cestoni (Tadarida teniotis), espèce remarquable de haut vol, aux mœurs rupestres pour ses gîtes. La Genette et le Castor d’Europe occupent aussi ce secteur mais c’est surtout le retour de la Loutre, présente depuis 2009 en aval et 2010 en amont de l’Aygues qui est remarquable. L’avifaune nicheuse locale comporte plusieurs espèces remarquables : Petit Gravelot (environ 20 couples reproducteurs), Aigrette garzette, Sterne pierregarin, Héron pourpré, Petit duc scops, Chevêche d’Athéna ou Chouette Chevêche, Martin pêcheur d’Europe, Guêpier d’Europe, Pic épeichette, Cochevis huppé, Hirondelle de rivage, Gobemouche gris, Bruant proyer, Bondrée apivore et Faucon hobereau. Les amphibiens sont notamment représentés par le Pélodyte ponctué. Le Toxostome, le Blageon et l’Anguille figurent parmi les espèces de poissons fréquentant régulièrement ce cours d’eau. De nombreuses espèces de chauves souris fréquentent les ripisylves de l’Aygues : Barbastelle d’Europe, Minioptère de Schreibers, Murin de Bechstein, Molosse de Cestoni, Nyctale de Leisler, Vespère de Savi, Pipistrelle de Nathusius.
Deux espèces d’insectes patrimoniaux ont été observées : la Punaise Aethus pilosus, espèce déterminante en limite d’aire de la famille des Hémiptères Cydnidés et l'Agrion de Mercure (Coenagrion mercuriale), espèce remarquable d’odonates (libellules et demoiselles), protégée en France, qui affectionne les écoulements modestes à eaux courantes claires, ensoleillées et peuplées d'hydrophytes.
Dans le but de maintenir le continuum de l’hydrosystème, la ZNIEFF prend en considération l’ensemble de la bande active et du corridor végétal. En revanche, le cours inférieur de l’Aygues, de part et d’autre de l’usine de Caderousse n’a pas été retenu en raison de l’artificialisation trop élevée et de la présence en masse de l’espèce envahissante Ammorpha fruticosa (faux-indigo).
Les limites extérieures de la ZNIEFF s’arrêtent à la ripisylve. Les cultures, les sites trop urbanisés ainsi que les exploitations de gravier ont été exclus de la ZNIEFF.