Description
Localisé aux confins des départements des Alpes-de-Haute-Provence et du Var, à l’ouest de la petite ville de Castellane, le site est établi sur les communes de Rougon, La Palud sur Verdon, Moustiers Sainte Marie et Aiguines. Cet immense site est formé par le prestigieux grand canyon du Verdon et les plateaux de sa bordure nord. Entaillé par de nombreuses gorges et ravins, il comprend également la Cime de Barbin et le Sommet du Fournas, culminant respectivement à 1561 et 1139 m.
Le substrat géologique de ce site, à la géomorphologie complexe, est relativement homogène. En effet, il est essentiellement composé de terrains sédimentaires calcaires et marneux, d’âge Tertiaire et Secondaire. L'ensemble de ces formations est partiellement recouvert d'éboulis actifs, liés à l'érosion des affleurements rocheux présents, d'éboulis anciens ou fixés et de cailloutis cryoclastiques. Les terrains marneux plus récents (oligo miocène) sont très facilement érodables. Les fameuses parois calcaires abruptes des gorges elles-mêmes, sont constituées par les calcaires blancs du Portlandien Berriasien (Jurassique).
Du point de vue climatique, le site est soumis à un climat de moyenne montagne nettement marqué par les influences supra méditerranéennes à l’origine d’un ensoleillement important et d’une sécheresse estivale accusée.
Etendu entre 420 m et 1750 m d’altitude, ce vaste site de moyennes montagnes et de gorges calcaires est compris aux étages de végétation supra méditerranéen et montagnard.
La végétation du site est très diverse et variée. Elle associe des formations liées aux milieux rupestres de falaises et d’éboulis, qui en sont l’une des caractéristiques majeures, et un complexe de pelouses, de prairies, de fruticées à Buis (Buxus sempervirens) et de landes à Genêts et Genévriers. Elle comprend également ponctuellement des secteurs de zones humides et d’importants boisements constitués de Hêtre (Fagus sylvatica) et à plus basse altitude de Pin sylvestre (Pinus sylvestris), de Pin noir (Pinus nigra) et de Chêne pubescent (Quercus humilis). Au fond des gorges, dans les secteurs les plus chauds et les plus abrités apparaissent de petits massifs de Chêne vert (Quercus ilex).
Ce site d’intérêt exceptionnel possède une grande richesse spécifique faunistique et floristique.
Milieux patrimoniaux
Le site compte cinq habitats déterminants : les formations végétales des rochers et falaises calcaires ensoleillées liguro apennines à Saxifrage à feuilles en languettes (Saxifraga callosa) et Raiponce de Villars (Phyteuma villarsii) [all. phyto. Saxifragion lingulatae (62.13)], les entrées de grottes et les balmes thermophiles à annuelles [asso. phyto. Anthrisco caucalidis Asperugetum procumbentis et Sedetum alsiniaefoliae) (65)], milieux très ponctuels constitués surtout par une végétation de petites plantes à cycle végétatif bref, dont de nombreuses espèces à forte valeur patrimoniale et en particulier des plantes xérothermophiles relictuelles, les sources pétrifiantes d’eau dure, qui engendrent des concrétions de tuf [all. phyto. Riccardio pinguis Eucladion verticillati et Adiantion capilli veneris (54.12)], les hêtraies et hêtraies sapinières neutrophiles méridionales des Alpes du sud à Trochiscanthe à fleurs nues (Trochiscanthes nodiflora) [all. phyto. Fagion sylvaticae – Asso. phyto. Trochiscantho fagetum (41.17)] et les boisements de feuillus mixtes des pentes et ravins ombragés et frais sur éboulis [all. phyto. Tilion platyphylli et Tilio platyphylli Acerion pseudoplatani (41.4)].
Trois autres habitats remarquables sont également présents avec les formations végétales des rochers et falaises calcaires [all. phyto. Potentillion caulescentis et Violo biflorae Cystopteridion fragilis (62.15)], les prairies mésophiles de fauche, de plaine et de moyenne altitude, à Fromental (Arrhenatherum elatius) [all. phyto. Arrhenatherion elatioris (38.22)] et les hêtraies et hêtraies pinèdes sèches sur calcaire [all. phyto. Cephalanthero rubrae Fagion sylvaticae (41.16)].
Ce site compte également plusieurs autres habitats d’intérêt patrimonial marqué comprenant en particulier les pelouses pionnières calcicoles écorchées sur dalles rocheuses calcaires à Orpins (Sedum pl. sp.) et Joubarbes (Sempervivum pl. sp.) [all. phyto. Alysso alyssoidis Sedion albi (34.1)].
Flore
Le site possède une flore d’intérêt exceptionnel et compte vingt et une espèces végétales déterminantes, dont cinq sont protégées au niveau national : la Doradille du Verdon (Asplenium jahandiezii), petite fougère endémique de la région du Verdon caractéristique des surplombs des parois calcaires humides et ombragées, le Scandix étoilé (Scandix stellata), rarissime ombellifère, protégée au niveau national et à aire de répartition circumméditerranéenne et irano touranienne très morcelée, la Raiponce de Villars (Phyteuma villarsii), campanulacée endémique des Préalpes du Verdon occupant les parois calcaires ombragées, la Sabline de Provence (Moehringia intermedia), caryophyllacée endémique de Haute Provence caractéristique des parois calcaires, et la Pivoine officinale (Paeonia officinalis subsp. huthii ), plante spectaculaire des bois clairs, lisières et landes. Sept autres espèces végétales déterminantes sont protégées en région Provence-Alpes-Côte d’Azur : la Fougère scolopendre ou Langue de cerf (Asplenium scolopendrium), la Dauphinelle fendue (Delphinium fissum), rare renonculacée des rocailles et éboulis xériques, la Sabline cendrée (Arenaria cinerea), caryophyllacée endémique de Provence inféodée aux pelouses rocailleuses calcaires, l'Orpin à feuilles d'alsine (Sedum fragans), crassulacée inféodée aux balmes et grottes calcaires, le Cerfeuil noueux (Chaerophyllum nodosum), ainsi que deux espèces historiquement signalées et à rechercher dans les entrées de grottes pour le Myosotis des grottes (Myosotis speluncicola) et sur les falaises pour le Grand Ephédra (Éphèdre des monts Nébrodes).
Les dix autres espèces végétales déterminantes du site sont : le Dryoptéris submontagnard (Dryopteris submontana), fougère nouvellement observée pour la région du Verdon, inféodée aux formations karstiques d'altitude, le Buplèvre de Toulon (Bupleurum ranunculoides subsp. telonense), le Gaillet grêle (Galium aparine subsp. tenerum), le Millet paradoxal (Piptatherum paradoxum), le Cotonéaster intermédiaire (Cotoneaster x intermedius), la Julienne à feuilles laciniées (Hesperis laciniata), crucifère liée aux rochers, rocailles et landes xériques sur calcaire, la Scrophulaire printanière (Scrophularia vernalis), et trois espèces historiquement citées et à rechercher dans les sous-bois de chênaie rocailleuse pour le Cynoglosse (Cynoglossum pustulatum), les falaises pour l'Hyménolobe pauciflore (Hymenolobus procumbens subsp. pauciflorus) et les pelouses sèches pour la Potentille inclinée (Potentilla inclinata).
Par ailleurs, le site abrite cinq autres espèces végétales remarquables, dont une protégée au niveau national : la Gagée de Bohème (Gagea bohemica), et une protégée en Provence Alpes Côte d’Azur : la Violette de Jordan (Viola jordanii). Le Sélin à feuilles de silaus (Katapsuxis silaifolia), l'Odontitès de Provence (Odontites luteus subsp. provincialis) et la Passerine dioïque (Thymelaea dioica) sont les trois autres espèces remarquables de ce site.
Faune
Le Grand Canyon du Verdon et ses plateaux limitrophes présentent un intérêt faunistique très élevé pour la faune. Plus de soixante-dix espèces animales patrimoniales y ont été recensées, dont plus de vingt-cinq sont déterminantes.
Les mammifères locaux d’intérêt patrimonial comprennent le Loup (Canis lupus), le Petit Murin (Myotis blythii), espèce déterminante d’affinité méditerranéenne, le Murin à oreilles échancrées (Myotis emarginatus), espèce déterminante localisée et peu fréquente, le Grand Murin (Myotis myotis), espèce déterminante plutôt commune mais localement en régression, le Grand Rhinolophe (Rhinolophus ferrumequinum), espèce menacée, en régression partout en France, la Barbastelle d’Europe (Barbastella barbastellus), espèce forestière déterminante et vulnérable d’affinité médio européenne et le Murin de Bechstein (Myotis bechsteinii), espèce forestière déterminante fréquentant les boisements âgés.
D’autres espèces de mammifères remarquables sont aussi présentes sur ce site, dont le Cerf élaphe (Cervus elaphus), le Petit Rhinolophe (Rhinolophus hipposideros), chauve-souris en régression marquée, plutôt thermophile et anthropophile et assez rare en montagne, la Noctule de Leisler (Nyctalus leisleri), espèce forestière relativement fréquente, le Vespère de Savi (Hypsugo savii), espèce rupicole d’affinité méridionale qui exploite les milieux forestiers surtout riverains de l’eau pour la chasse.
Au niveau du peuplement avien nicheur, mentionnons des espèces telles que le Faucon pèlerin (Falco peregrinus), le Faucon hobereau (Falco subbuteo), la Bondrée apivore (Pernis apivorus), l’Aigle royal (Aquila chrysaetos), le Circaète Jean le blanc (Circaetus gallicus), la Caille des blés (Coturnix coturnix), le Pigeon biset sauvage (Columba livia), le Grand-duc d’Europe (Bubo bubo), le Martin pêcheur d’Europe (Alcedo atthis), la Huppe fasciée (Upupa epops), le Torcol fourmilier (Jynx torquilla), l’Hirondelle rousseline (Hirundo daurica), le Cincle plongeur (Cinclus cinclus), le Tichodrome échelette (Tichodroma muraria), le Crave à bec rouge (Pyrrhocorax pyrrhocorax), la Pie-grièche méridionale (Lanius meridionalis), la Pie-grièche écorcheur (Lanius collurio), le Gobemouche gris (Muscicapa striata), la Fauvette orphée (Sylvia hortensis), la Fauvette grisette (Sylvia communis), le Traquet oreillard (Oenanthe hispanica), le Monticole bleu (Monticola solitarius), le Monticole de roche (Monticola saxatilis), le Moineau soulcie (Petronia petronia), le Bruant fou (Emberiza cia), le Bruant ortolan (Emberiza hortulana), le Bruant proyer (Miliaria calandra), qui nichent sur ce site. Le Vautour fauve (Gyps fulvus) et le Vautour moine (Aegypius monachus), récemment réintroduits, sont également présents. Cette zone constitue l’unique site de reproduction de ces deux espèces en région.
L’herpétofaune est représentée par la Couleuvre de Montpellier (Malpolon monspessulanus), espèce remarquable du sud de la France, de la péninsule Ibérique et du Maghreb qui affectionne les garrigues ouvertes et les milieux karstiques bien exposés, la Couleuvre verte et jaune (Hierophis viridiflavus), espèce remarquable à répartition majoritairement Franco-Italienne qui privilégie les fourrés et les friches, et le Seps strié (Chalcides striatus), espèce remarquable à répartition Franco-Ibérique qui fréquente les garrigues, les pelouses et les friches de Provence, sous les pierres et autres gîtes favorables.
Le Verdon est encore fréquenté par le Toxostome (Parachondrostoma toxostoma) et le Blageon (Telestes souffia), deux poissons remarquables d’affinité méridionale (le premier étant sensiblement plus localisé et plus rare), ainsi que par l’Apron (Zingel asper), espèce déterminante devenue très rare et menacée d’extinction en France, propre aux cours d’eau clairs, assez rapides, peu profonds.
Les peuplements d’insectes comportent un très grand intérêt par leur très grande diversité ainsi que la présence de nombreuses espèces rares d’affinité alpine ou méditerranéenne, liées à des habitats boisés ou à des habitats ouverts, voire à certains milieux rocheux.
Chez les lépidoptères, citons le Semi-apollon (Parnassius mnemosyne), espèce montagnarde déterminante à la répartition fragmentée et localisée, qui occupe les clairières et lisières de bois où croissent les corydales, ses plantes hôtes, le Moiré de Provence (Erebia epistygne), espèce déterminante méditerranéeo montagnarde liée aux pelouses sèches à fétuque. A la marge du périmètre, citons également une observation du Marbré de Lusitanie (Euchloe tagis bellezina), espèce déterminante très localisée et liée aux Iberis. Les espèces remarquables de papillons également signalées dans le périmètre sont l’Apollon (Parnassius apollo), espèce alpine remarquable, relicte de l’ère tertiaire, protégée au niveau européen, la Proserpine (Zerynthia rumina), espèce ouest méditerranéenne dont la chenille vit sur l’Aristoloche (Aristolochia pistolochia), l’Azuré du Serpolet (Maculinea arion), espèce protégée et en régression, l’Hermite (Chazara briseis), espèce en très forte régression qui colonise les milieux arides et très ouverts, l’Azuré des Orpins (Scolitantides orion), espèce méridionale à aire de distribution morcelée, emblématique des Gorges du Verdon puisque inféodée aux milieux rocheux peuplés d’orpins, plantes hôtes de sa chenille et la Zygène cendrée (Zygaena rhadamanthus), espèce ouest méditerranéenne liée aux friches et garrigues où croît la Badasse (Dorycnium pentaphyllum), sa plante hôte locale.
Les cortèges de coléoptères sont particulièrement intéressants. Les espèces déterminantes sont : le longicorne Stictoleptura erythroptera, espèce déterminante vivant dans le bois mort des vieux arbres feuillus creux peuplant les forêts matures, très rare en France où ses plus belles populations se trouvent dans le sud-est, le lepture dantesque (Pedostrangalia revestita), espèce déterminante de Cerambycidae dont la larve vit dans la carie rouge humide des vieux arbres feuillus, rendue rare et menacée sur toute sa répartition européenne par la disparition de son habitat, le taupin (Athous puncticollis), espèce d’Elatéridés endémique franco-italien ici en limite d’aire, recherchant les milieux forestiers et souffrant des incendies, le Saphane brun (Saphanus piceus), Cérambycidés (longicornes) rare, localisée, d’affinité montagnarde et liée aux aulnaies et aux forêts de conifères, le Charançon (Polydrusus griseomaculatus), Curculionidés endémique provençale des départements du Vaucluse (Mont Ventoux), des Alpes-de-Haute-Provence et des Alpes-Maritimes, le Carabe de Solier (Carabus solieri), espèce protégée en France, endémique des Préalpes occidentales et de Ligurie, des pelouses subalpines et lisières forestières aux étages montagnards et subalpins, et plus localement à plus basse altitude dans des pinèdes humides dans les collines azuréennes, le Pique-prune ou Osmoderme (Osmoderma eremita), cétoine (Cetoniidés) protégée au niveau européen, rare et en régression, inféodée aux vieux arbres dans lesquels sa larve se développe au sein des cavités volumineuses pleines d’humus ou encore Megathous nigerrimus, Athous frigidus, Agriotes brevis, Dicronychus incanus, quatre espèces de la famille des Elatéridés (taupins), la Cantharide (Malthodes discicollis) et le Carabique cavernicole (Duvalius maglianoi). Elles sont accompagnées par le longicorne Albana m-griseum, espèce remarquable endémique franco-espagnole se développant dans le bois mort de divers genêts, le longicorne Anaglyptus gibbosus, espèce remarquable ouest-méditerranéenne inféodée aux arbres feuillus des boisements thermophiles, le Sténochore du chêne (Anisorus quercus), espèce remarquable de Cerambycidae inféodée aux chênes à feuilles caduques et aux érables, rare en France où la région PACA abrite ses plus importantes populations, le longicorne Chlorophorus glaucus, espèce remarquable à répartition limitée à la méditerranée occidentale, recherchant le bois sec dans les forêts thermophiles, cantonnée en France principalement au littoral varois, le silphide Nicrophorus investigator, espèce remarquable nécrophage à distribution paléarctique mais localisée dans les zones de basse altitude, où elle a généralement subi une régression significative, le Lepture à trois marques (Stictoleptura trisignata), espèce remarquable de Cerambycidae endémique du sud-ouest de l'Europe, présente en France uniquement dans les forêts de feuillus méditerranéennes où sa larve vit dans le bois mort des arbres vivants.
Chez les orthoptères, citons le Dolichopode d’Azam (Dolichopoda azami), espèce remarquable de sauterelle cavernicole endémique franco-italienne, assez répandue, troglophile, hygrophile et lucifuge, liée aux grottes, aux galeries de mines, aux cavités sombres et humides, souterraines ou non, aux fentes des rochers, parfois aux recoins obscurs et humides des maisons.
Fonctionnalité/Liens éventuels avec d’autres ZNIEFF
La fréquentation touristique, très importante et liée à l'accessibilité aisée en voiture des plateaux dominants les gorges (routes des crêtes, routes en rive droite et rive gauche, point sublime…) permettant l'observation de panoramas grandioses, peut entraîner des conséquences directes sur la flore et ses habitats (cueillette, piétinement du sol et des plantes, pollution visuelle et sonore liée aux nombreux passages et aux détritus abandonnés sur place). De plus les activités de loisirs de plein air (randonné, canyoning, escalade…) ne doivent pas se développer au détriment de la flore et de la faune très riches liées aux gorges.
La pression pastorale, qui tend actuellement à se réduire, conduit dans les pelouses sèches à l’installation d’une végétation ligneuse comprenant des landes et des fourrés, précurseur de l’installation de boisements de Pin sylvestre (Pinus sylvestris). Ce stade végétal ultime présente quelques inconvénients : risques d'incendies accrus, banalisation du paysage, diminution de la biodiversité, réduction de l'espace pastoral et de sa valeur.
Un ensemble d’habitats remarquables et de populations d’espèces animales et végétales de très forte valeur patrimoniale caractérisent ce site exceptionnel. Ses limites s’appuient sur les repères topographiques et géographiques majeurs. Au sud et à l’est, le périmètre inclut le cours du Verdon et suit les limites des zones escarpées et à dominante rocheuse des gorges. Au nord et à l’ouest, il longe en particulier le réseau de dessertes et de routes locales.