ZNIEFF 930012603
MONTAGNE DU CHEIRON

(n° régional : 06100153)

Commentaires généraux

Description de la zone

Ensemble de massifs formant une chaîne orientée est ouest à partir desquels de nombreux points de vue offrent un vaste panorama sur le haut pays, depuis le Mercantour jusqu’aux Préalpes et sur la côte. Le paysage de montagne calcaire offre des grottes, des dolines, etc. L’orientation des massifs entraîne une forte opposition de paysages végétaux qui soulignent l’opposition du versant. Les milieux sont très diversifiés et très contrastés : rochers, éboulis, pelouses, forêts, pente aux versants boisés, plaines herbeuses larges ou rivières encaissées. Les zones boisées présentent de belles forêts profondes et peu perturbées par les activités humaines où se rencontrent plusieurs espèces d'arbres de montagne : Charme houblon, Pin sylvestre, Hêtre, Sapin, etc.

Flore et habitats naturels

La Forêt domaniale du Cheiron regroupe des groupements forestiers variés, s’étageant de l’étage mésoméditerranéen supérieur à l’étage montagnard : Yeuseraie saxicole à genévrier rouge (Junipero phoeniceae Quercetum ilicis), pinède de pin maritime (Quercion ilicis), chênaie pubescente (Quercion pubescenti sessiliflorae), ostryaies (Carpinion orientalis), pinède de pin sylvestre sur calcaire dolomitique à raisin d’ours et pyroles (Erico carneae Pinion sylvestris), hêtraie et hêtraie sapinière (Fagion sylvaticae). Non exploitée depuis plus d’un demi siècle, ce massif boisé abrite des peuplements forestiers matures exceptionnels de chênes pubescents et de hêtres. Plusieurs espèces patrimoniales sont présentes, dont la Pivoine officinale (Paeonia officinalis subsp. huthii), représentée par de très belles populations, la fraxinelle (Dictamnus albus), l’euphorbe de Canut (Euphorbia hyberna subsp. canutii), endémique des Alpes sud occidentales.

Les montagnes de Bleine et de Thorenc, dans la chaine du Cheiron, regroupent un ensemble de formations végétales représentatives de tous les stades dynamiques des séries de végétation du Chêne pubescent, du Pin sylvestre et du Hêtre d'affinités nettement occidentales et qui appartiennent au secteur Haut provençal. Dans ces formations se rencontrent, en limite d’aire méridionale, quelques espèces alpines comme la Pulsatille de Haller (Pulsatilla halleri). C'est également sur ce massif, au-dessus de Thorenc, que se trouve l'unique population alpine d'Aethionema saxatile subsp. ovalifolium, dont les autres populations françaises sont toutes dans les Pyrénées.

La Barre du Cheiron proprement dite présente des pâturages et karsts d’altitude dans un contexte de montagne méditerranéenne.

Les milieux ouverts d’altitude sont représentés par des groupements végétaux de garrigues et de pelouses typiques des montagnes des Préalpes du sud : lavandaies et garrigues à genêt cendré (Lavandulo angustifoliae Genistion cinereae), pelouse à avoine toujours verte (Ononidion cenisiae), pelouse du Potentillo velutinae Ononidetum striatae et pelouse à Genista pulchella subsp. villarsii (Genistion lobelii), pelouse calcaire karstique à Valeriana tuberosa (Valerianion tuberosae). Les nombreuses parois et rochers calcaires sont principalement colonisés par une association riche en endémiques des Alpes sud occidentales, le Saxifragetum lingulatae (Saxifragion lingulatae), caractérisé notamment par le Saxifrage à feuilles en languettes (Saxifraga callosa). Une population remarquable et isolée de la micro endémique Campanula albicans est localisée à l’ubac du Cheiron.

Les milieux humides, rares dans ce contexte de massif karstique, sont néanmoins présent sur le versant à l’ubac du Pic de Fourneuby : prairie humide à Senecio doria (Molinio arundinaceae Holoschoenion vulgaris) au niveau de la source de Vegay, formations de tuf de la cascade de Vegay et du vallon de la Combe Croux.

Enfin, la ZNIEFF intègre quelques belles parois rocheuses surtout représentées de part et d'autre du Col de Baïsse.

Faune

Ce vaste ensemble naturel bien préservé est doté d’une faune d’un très grand intérêt biologique, avec plus de 80 espèces animales patrimoniales, dont 35 sont déterminantes.

Le peuplement mammalogique est essentiellement caractérisé par la présence d’une meute de Loup (Canis lupus), une espèce déterminante et vulnérable en France, du Cerf élaphe (Cervus elaphus), grand ruminant remarquable, aujourd’hui plutôt forestier, en expansion géographique et numérique en France et en région P.A.C.A., présent jusqu’à 2 500 m d’altitude, et de plusieurs chauves-souris telles que le Petit Rhinolophe (Rhinolophus hipposideros), espèce remarquable en régression marquée, plutôt thermophile et anthropophile, préférant les milieux boisés clairs sur substrat calcaire qui alternent avec des espaces dégagés, assez rare en montagne mais présent jusqu’à 2 000 m d’altitude, le Grand Rhinolophe (Rhinolophus ferrumequinum), espèce déterminante et menacée, en diminution partout en France, plutôt thermophile mais présent jusqu’à au moins 2 200 m d’altitude, chassant dans les bocages et les paysages karstiques riches en broussailles, pelouses, pâtures et prairies, souvent proches de l’eau courante ou stagnante, de grottes et d’habitations, le Vespertilion à oreilles échancrées (Myotis emarginatus), espèce cavernicole déterminante, commensale des rhinolophes, localisée et peu fréquente, thermophile et d’affinité méridionale, en régression en France, affectionnant les milieux boisés et buissonnants proches de cavités rocheuses, jusqu’à au moins 1 500 m d’altitude, et le Minioptère de Schreibers (Miniopterus schreibersi), espèce grégaire déterminante, menacée, en régression partout en France y compris dans notre région, d’affinité méditerranéenne et typiquement cavernicole et troglophile, recherchant les grottes et les cavernes proches d’endroits dégagés, les paysages karstiques riches en falaises avec cavités, jusqu’à 2 000 m d’altitude.

L’avifaune nicheuse, ou probablement nicheuse, comprend un grand nombre d’espèces intéressantes, d’affinité biogéographique variée (médioeuropéenne, voire nordique méditerranéenne, montagnarde). Parmi les espèces déterminantes, citons la présence du Faucon pèlerin (Falco peregrinus), rapace diurne rupicole rare et localisé en France et en région P.A.C.A. mais en augmentation aujourd’hui, de la Chevêchette d'Europe (Glaucidium passerinum), espèce euro-sibérienne rare de la taïga et des forêts claires de résineux dans les Alpes (mélézins, sapinières, pessières, cembraies), de la Chouette de Tengmalm (Aegolius funereus), espèce boréo alpine des hêtraies, pessières, cembraies et mélézins, plutôt âgés, jusqu’à 2 300 m d’altitude, du Rollier d'Europe (Coracias garrulus), espèce cavernicole inféodée aux paysages ouverts méditerranéens, de la Pie-grièche à tête rousse (Lanius senator), espèce des milieux ouverts méditerranéens, le Var concentrant la majorité de la population régionale, du Traquet oreillard (Oenanthe hispanica), espèce d’affinité méditerranéenne, rare et localisée, en légère régression en région P.A.C.A., affectionnant les zones rocailleuses dénudées avec quelques buissons et arbustes jusqu’à 1 300 m d’altitude, du Moineau soulcie (Petronia petronia), espèce paléoxérique de milieux ouverts et rocailleux et d’affinité méridionale, en forte régression depuis plusieurs décennies. Ces oiseaux sont accompagnés d’un grand nombre d’espèces remarquables : Bondrée apivore (Pernis apivorus), Aigle royal (Aquila chrysaetos), Circaète Jean-le-Blanc (Circaetus gallicus), Autour des palombes (Accipiter gentilis), Caille des blés (Coturnix coturnix), Tétras lyre (Tetrao tetrix), Perdrix bartavelle (Alectoris graeca), Petit duc scops (Otus scops), Grand-duc d’Europe (Bubo bubo), Chevêche d’Athéna (Athene noctua), Huppe fasciée (Upupa epops), Torcol fourmilier (Jynx torquilla), Pic épeichette (Dendrocopos minor), Cincle plongeur (Cinclus cinclus), Monticole bleu (Monticola solitarius), Monticole de roche (Monticola saxatilis), Fauvette orphée (Sylvia hortensis), Pie grièche méridionale (Lanius meridionalis), Pie grièche écorcheur (Lanius collurio), Crave à bec rouge (Pyrrhocorax pyrrhocorax), espèce grégaire et rupicole, assez rare et en légère régression, d’affinité montagnarde, présente jusqu’à 2 300 m d’altitude, propre aux falaises et escarpements rocheux (où il niche) situés à proximité de prairies, landes et pâturages où il se nourrit), dont une vingtaine de couples fréquentent le Cheiron, Venturon montagnard (Serinus citrinella), Bruant fou (Emberiza cia), Bruant ortolan (Emberiza hortulana), Bruant proyer (Emberiza calandra). A noter également le passage régulier de trois autres oiseaux déterminants : le Vautour moine (Aegypius monachus), le Vautour fauve (Gyps fulvus) et le Busard cendré (Circus pygargus).

L‘herpétofaune locale est représentée par la Vipère d’Orsini (Vipera ursinii), espèce déterminante d’affinité orientale aujourd’hui rare, très localisée, en régression et menacée d’extinction en France, liée aux pelouses sèches et rocailleuses à genévriers entre 900 et 2 200 m d’altitude, le Lézard ocellé (Timon lepidus), espèce remarquable d’affinité méditerranéenne des milieux ouverts, rocailleux et ensoleillés, le Spélerpès de Strinatii (Speleomantes strinatii), espèce remarquable, endémique franco-italien présent en France essentiellement dans les Alpes-Maritimes et très localisé dans les Alpes-de-Haute-Provence), recherchant les milieux humides, frais et ombragés (forêts, grottes, cavernes, éboulis) entre 0 et 2 400 m d’altitude, la Couleuvre verte et jaune (Hierophis viridiflavus), espèce remarquable à répartition majoritairement Franco-Italienne qui privilégie les fourrés et les friches, la Couleuvre de Montpellier (Malpolon monspessulanus), espèce remarquable du sud de la France, de la péninsule Ibérique et du Maghreb qui affectionne les garrigues ouvertes et les milieux karstiques bien exposés et enfin le Seps strié (Chalcides striatus), espèce remarquable à répartition Franco-Ibérique qui fréquente les garrigues, les pelouses et les friches de Provence, sous les pierres et autres gîtes favorables.

Le peuplement entomologique de cette zone est extrêmement diversifié et d’un très grand intérêt. De nombreuses espèces patrimoniales ont été recensées, appartenant aux coléoptères, lépidoptères et orthoptères.

Les coléoptères sont représentés par le Pique-prune ou Osmoderme (Osmoderma eremita), espèce déterminante et protégée au niveau européen, rare et en régression, inféodée aux vieux arbres dans lesquels sa larve se développe au sein des cavités volumineuses pleines d’humus, par plusieurs Carabidae déterminants, Duvalius ochsi, espèce cavernicole et endémique de certains massifs calcaires des Alpes Maritimes (débordant sur les Alpes-de-Haute Provence), Bembidion grisvardi, qui recherche les zones accidentées situées au bord des eaux courantes, dont la répartition est localisée en France à cinq départements (Tarn, Pyrénées orientales, Var, Alpes-Maritimes et Alpes-de-Haute Provence), le Carabe de Solier (Carabus solieri), espèce protégée en France, endémique des Alpes occidentales et de Ligurie, qui fréquente surtout les pelouses subalpines et lisières forestières des étages montagnards et subalpins et le Ptérostique de Lasserre (Pterostichus lasserrei), espèce des montagnes de Provence, par trois Curculionidae déterminants, Meira vauclusiana (= Peritelus vauclusianus), espèce endémique des Préalpes du sud (Vaucluse, Alpes-de-Haute-Provence, Alpes-Maritimes) et dont la sous-espèce stierlini est endémique des Alpes-Maritimes où elle n’est présente que dans quelques stations, Polydrusus griseomaculatus, espèce endémique provençale du Vaucluse, où on ne la rencontre qu’au Mont Ventoux, des Alpes-de-Haute-Provence et des Alpes-Maritimes et Echinodera ochsi, espèce endémique des Alpes-Maritimes, d’affinité montagnarde, vivant à l’état larvaire dans les branches mortes ou dépérissantes, plus rarement saines, de diverses essences d’arbres, par le staphylin Paramaurops varensis, espèce déterminante de la sous famille des Pselaphinés (Coléoptères endogés), d’affinité méditerranéenne et endémique des départements du Var et des Alpes-Maritimes (débordant sur les Alpes-de-Haute Provence) où il est bien répandu, par deux Cerambycidae, le Saphane brun (Saphanus piceus), espèce déterminante rare, localisée et en limite d’aire sud occidentale en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, d’affinité montagnarde et liée aux aulnaies et aux forêts de conifères, la Callidie bronzée (Callidium aeneum), espèce remarquable de Cerambycidae eurasiatique boréo-alpine liée aux conifères, principalement dans les Alpes et le Jura en France où elle n'est jamais abondante et le Mycetophagidae Entoxylon abeillei, espèce remarquable endémique du sud-est de la France et du nord de l'Italie, fongivore sur les champignons lignicoles des branches mortes.

Du côté des lépidoptères, citons la présence de cinq espèces déterminantes : l’Alexanor (Papilio alexanor), espèce protégée au niveau européen, rare et dont l’aire de répartition est morcelée, inféodée aux éboulis et pentes rocailleuses jusqu’à 1700 m d’altitude où croît sa plante hôte locale Ptychotis saxifraga, le Semi apollon (Parnassius mnemosyne), espèce protégée au niveau européen, d'affinité montagnarde et liée à la présence de corydales, qui fréquente les pelouses et les lisières forestières, surtout entre 1000 et 2000 m d’altitude, le Sablé de la luzerne (Polyommatus dolus), dont la sous-espèce dolus est endémique de Provence et peuple les chênaies claires, lisières et pelouses où croissent ses plante hôtes des sainfoins (Onobrychis ssp), la Vanesse des pariétaires (Polygonia egea), espèce en forte régression, ne subsistant en France plus que dans les Alpes-Maritimes à l’est du fleuve Var et le Moiré de Provence (Erebia epistygne), espèce d’affinité méditerranéo-montagnarde dont l’aire de répartition ibéro-provençale est morcelée et restreinte, inféodée aux pelouses sèches à fétuques (surtout Festuca cinerea), accompagnées de plusieurs espèces remarquable comme l’Apollon (Parnassius apollo), l’Hespérie du pas d’âne (Pyrgus cacaliae), l'Azuré des orpins (Scolitantides orion), l’Azuré de la croisette (Phengaris alcon), l’Azuré du Serpolet (Phengaris arion), l’Hermite (Chazara briseis), l'Acidalie de la Vésubie (Idaea vesubiata), géomètre remarquable présent en France uniquement dans l'extrême sud est ou encore la Laineuse du prunellier (Eriogaster catax).

Notons que six espèces d’orthoptères d’intérêt patrimonial sont présentes, dont trois sont détermintantes : le Criquet de la Bastide (Chorthippus saulcyi daimei), sous espèce endémique de Haute Provence et des Alpes du sud, peuplant les landes et pelouses des versants montagneux, le Criquet hérisson (Prionotropis azami), espèce protégée et en régression, endémique des plateaux calcaires de Provence qui colonise les pelouses rases, le Barbitiste à bouclier (Polysarcus scutatus), espèce très localisée et aux populations dispersées, sensible au surpâturage, qui affectionne les prairies et pelouses en montagne, et trois sont remarquables : l’Arcyptère provençale (Arcyptera kheili), espèce endémique provençale à mobilité réduite qui fréquente les pelouses sèches et garrigues ouvertes, le Dolichopode dauphinois (Dolichopoda azami), espèce cavernicole, endémique franco italienne du sud-ouest des Alpes, assez répandue, troglophile, hygrophile et lucifuge, liée aux grottes, aux galeries de mines, aux cavités sombres et humides, aux fentes des rochers, aux recoins obscurs et humides des maisons et le Grillon testacé (Eugryllodes pipiens), espèce ouest méditerranéenne dont la sous espèce provincialis est endémique du sud de la France, qui peuple les pentes rocailleuses et pelouses sèches sur les reliefs exposés.

Enfin, concernant les mollusques, le site abrite la Fausse-veloutée de la Riviera (Urticicola moutonii), espèce endémique et déterminante, distribuée entre les Préalpes d'Azur jusqu'à la Riviera où elle fréquente les milieux frais et humides.

Commentaires sur la délimitation

La délimitation de la ZNIEFF suit une logique de massif, intégrant l'ensemble du massif à l'exception des zones les plus anthropisées.