ZNIEFF 930012698
LA MOYENNE DURANCE, DE SISTERON À LA CONFLUENCE AVEC LE VERDON

(n° régional : 04100189)

Commentaires généraux

Description

Localisé dans la partie ouest du département des Alpes de Haute Provence, le site est établi sur les communes d’Aubignosc, la Brillanne, Château Arnoux, Corbières, Entrepierres, l’Escale, Ganagobie, Gréoux les Bains, Lurs, Manosque, les Mées, Montfort, Oraison, Peipin, Peyruis, Sainte Tulle, Salignac, Sisteron, Valensole, Villeneuve, Volonne et Volx. Ce site s’étend tout le long de la plaine alluviale de la Durance, entre Sisteron et Cadarache. Il comprend le cours de la Durance proprement dit, mais également ses bras secondaires, iscles et ripisylves associées.

Le relief est peu marqué, caractéristique des systèmes fluviatiles. Le substrat géologique du site est composé d’alluvions récentes de granulométrie très variable. Les terrasses alluviales hautes, plus anciennes, sont principalement constituées de galets. Les terrasses alluviales moyennes se caractérisent par un substrat plus fin, comprenant des sols limoneux et sableux. Le lit de la rivière peut être très large par endroits, la Durance décrivant alors des méandres et des iscles.

Le site bénéficie d’un climat de type méso méditerranéen atténué à supra méditerranéen.

Etendu entre 250 m et 400 m d'altitude, le site s'inscrit dans les étages de végétation méso méditerranéen supérieur et supra méditerranéen.

La végétation riveraine est dominée par des formations de hautes herbes, de fourrés et de forêts riveraines associant saulaies à Saule blanc (Salix alba) et peupleraies à Peuplier noir (Populus nigra) et Peuplier blanc (Populus alba).

Les bancs de graviers et de vases fluviatiles, récemment déposés sont colonisés par une végétation pionnière. Les bancs de galets plus anciens, constituant des terrases alluviales plus hautes et plus sèches et colonisés par une végétation de pelouses xériques à Brachypode de Phoenicie (Brachypodium phoenicoides) ou de garrigues à Thym (Thymus vulgaris) et de fourrés à Argousier (Hypophae rhamnoides), voire de chênaies de Chêne pubescent (Quercus humilis) ou de pinèdes sylvestres (Pinus sylvestris), occupent des surfaces relativement importantes.

Milieux patrimoniaux

Le site possède deux habitats déterminants : les herbiers palustres et flottants d’étangs et plans d’eau à Utriculaires (Utricularia pl. sp.) (22.414), qui se développent dans de petites mares permanentes, et les cladiaies (53.3) ou formations palustres à Marisque (Cladium mariscus), qui sont limitées à des taches de faibles surfaces.

De nombreux autres habitats remarquables, typiques ou représentatifs du site et d’intérêt écologique marqué sont également présents. Ce sont : les formations végétales pionnières herbacées des alluvions torrentielles et bancs de graviers méditerranéens à Pavot cornu (Glaucium flavum) [all. phyto. Glaucion flavi (24.225)] imbriqués en mosaïque avec des bancs de graviers sans végétation (24.21), des bancs de sable des cours d’eau colonisés par des groupements amphibies méridionaux (24.34) et des bancs de vase des cours d’eau (24.5), les formations à Petite Massette (Typha minima) [all. phyto Phalaridion arundinaceae (53.16)] qui colonisent les vases temporairement immergées au niveau des berges à courant lent ou dans les bras morts, les prairies humides hautes et formations végétales associées [all. phyto. Thalictro flavi Filipendulion ulmariae (37.1)], les fourrés de saules pionniers des berges et alluvions torrentielles à Saule drapé (Salix elaeagnos) et Saule pourpre (Salix purpurea) [all. phyto. Salicion incanae (44.111 et 24.223)], les ripisylves galeries de Saule blanc (Salix alba) [all. phyto. Salicion albae (44.141)] et les ripisylves méditerranéennes à peupliers, ormes et frênes [all. phyto. Populion albae (44.61)].

Ces habitats très divers sont de grand intérêt écologique, pour le fonctionnement de l’écosystème lié aux cours d’eau, car ils forment des corridors en contact avec les milieux adjacents.

L’écocomplexe fluviatile durancien qui associe, en une mosaïque mouvante d’une riche complexité, le cours d’eau actif, les bras morts d’eau lente, les stades pionniers de colonisation des alluvions, les fourrés arbustifs et les ripisylves mâtures, constitue l’essentiel de l’intérêt du site.

Flore

Le site compte douze espèces végétales déterminantes, dont deux protégées nationalement : l'Inule variable (Inula bifrons), composée à fleurs jaunes des lisières et broussailles sèches, et la Nigelle de France (Nigella gallica), très rare renonculacée des moissons et des pelouses méditerranéennes riches en annuelles, et deux protégées en région Provence-Alpes-Côte d’Azur : l’Ophioglosse des marais (Ophioglossum vulgatum), petite fougère discrète des prairies et boisements humides, et le Gaillet fausse garance (Galium rubioides), rare espèce inscrite au Livre Rouge National des plantes menacées et dont on ne connaît que deux stations dans cette région.

Les six autres espèces végétales déterminantes connues du site sont : la Canne d'Italie (Tripidium ravennae), le Potamot des tourbières alcalines (Potamogeton coloratus), la Léersie faux Riz (Leersia oryzoides), l'Utriculaire citrine (Utricularia australis), le Jonc à fruits globuleux (Juncus sphaerocarpus), la Fléole rude (Phleum paniculatum), la Clématite droite (Clematis recta), rare renonculacée d’affinité orientale liée aux lisières et bois clairs des plaines alluviales, et le Corispermum de France (Corispermum gallicum), rarissime endémique française des bancs de sables rivulaires.

Par ailleurs, le site abrite trois autres espèces végétales remarquables, avec la Petite massette (Typha minima), protégée sur le plan national, le Narcisse à feuilles de jonc (Narcissus assoanus) et l'Ail pâlissant (Allium coppoleri).

Faune

Ce site présente un intérêt faunistique très élevé avec 67 espèces animales patrimoniales, au sein desquelles figurent 18 espèces déterminantes.

Les mammifères sont représentés au niveau local par le Castor d’Europe (Castor fiber), espèce déterminante à nouveau en expansion après avoir frôlé l’extinction en France, liée aux formations de ripisylves. Plusieurs espèces de chiroptères déterminantes sont présentes sur le site en période de reproduction : Le Minioptère de Schreibers (Miniopterus schreibersii), le Petit Murin (Myotis blythii), le Grand Murin (Myotis myotis) le Murin à oreilles échancrées (Myotis emarginatus), espèce déterminante glaneuse capturant les mouches et araignées, souvent liée aux milieux rivulaires et/ou très stratifiés et le Grand Rhinolophe (Rhinolophus ferrumequinum), ainsi qu’une espèce remarquable le Petit Rhinolophe (Rhinolophus hipposideros), chauve-souris remarquable en régression marquée, plutôt thermophile et anthropophile. Le peuplement avien nicheur de ce tronçon durancien comporte de nombreuses espèces paludicoles, aquatiques, forestières et de milieux ouverts avec par exemple le Blongios nain (Ixobrychus minutus), la Bondrée apivore (Pernis apivorus), l’Autour des palombes (Accipiter gentilis), le Busard des roseaux (Circus aeruginosus), nicheur possible, le Faucon hobereau (Falco subbuteo), la Caille des blés (Coturnix coturnix), le Petit Gravelot (Charadrius dubius), le Vanneau huppé (Vanellus vanellus), nicheur assez rare en région Provence Alpes Côte d’Azur, l’Œdicnème criard (Burhinus oedicnemus), la Chevêche d’Athéna (Athene noctua), le Petit duc scops (Otus scops), le Guêpier d’Europe (Merops apiaster), le Martin-pêcheur d’Europe (Alcedo atthis), la Huppe fasciée (Upupa epops), le Pic épeichette (Dendrocopos minor), le Torcol fourmilier (Jynx torquilla), l’Alouette calandrelle (Calandrella brachydactyla), espèce steppique déterminante, très localisée dans les Alpes de Haute Provence, le Cochevis huppé (Galerida cristata), espèce remarquable d’affinité steppique, en régression, l’Hirondelle de rivage (Riparia riparia), le Bruant proyer (Emberiza calandra). 

Les reptiles sont représentés par la Cistude d’Europe (Emys orbicularis), espèce aquatique remarquable, en régression, devenue localisée en France et en région Provence Alpes Côte d’Azur, très ponctuelle en vallée de Durance, et dont les observations anciennes seraient à confirmer, le Lézard ocellé (Timon lepidus), espèce remarquable des écosystèmes ouverts et semi-ouverts à affinité méditerranéenne, le Seps strié (Chalcides striatus), espèce remarquable à répartition Franco-Ibérique qui fréquente les garrigues, les pelouses et les friches de Provence, sous les pierres et autres gîtes favorables, la Couleuvre verte et jaune (Hierophis viridiflavus), espèce remarquable à répartition majoritairement Franco-Italienne qui privilégie les fourrés et les friches, la Couleuvre de Montpellier (Malpolon monspessulanus), espèce remarquable du sud de la France, de la péninsule Ibérique et du Maghreb qui affectionne les garrigues ouvertes et les milieux karstiques bien exposés, et la Couleuvre à échelons (Zamenis scalaris), espèce remarquable à distribution franco-ibérique, typique du cortège provençal et affectionnant les milieux secs et broussailleux.  En ce qui concerne les amphibiens, le Pélodyte ponctué (Pelodytes punctatus), espèce remarquable aujourd’hui en régression est probablement présent sur les gravières.

Le peuplement ichtyologique local voit son intérêt renforcé par la présence d’espèces aussi intéressantes que le rarissime Apron (Zingel asper), espèce déterminante endémique du bassin versant du Rhône propre aux cours d’eau clairs, assez rapides, peu profonds et devenue très rare et menacée d’extinction en France du fait des aménagements des cours d’eau. Le Toxostome (Chondrostoma toxostoma), espèce remarquable d’affinité méridionale et protégée au niveau européen par la directive CEE « Habitats » vient compléter cette liste.

Les insectes patrimoniaux de la moyenne Durance occupent plusieurs types d’habitats bien distincts. Directement associés aux eaux courantes ou leurs abords, mentionnons la Phrygane Agapetus cravensis, espèce déterminante de Trichoptères, endémique de Provence, la Cicindèle des rivières (Cylindera arenaria), espèce déterminante de coléoptère, très localisée et menacée, strictement liée à des habitats pionniers, étendues sablonneuses ou limoneuses créés par les crues des cours d’eau dynamiques, la Punaise (Leptopus hispanus), espèce déterminante d’Hémiptères Leptopodidés, rare et strictement liée aux bordures des cours d'eau dynamiques, l’Agrion bleuissant (Coenagrion caerulescens), espèce déterminante d’Odonates Zygoptères (demoiselles), liée aux habitats pionniers peu végétalisés et ensoleillés, l’Agrion de Mercure (Coenagrion mercuriale), espèce remarquable d’Odonates Zygoptères, protégée et liée aux cours d’eau et canaux ensoleillés peuplés de végétaux aquatiques, le Sympétrum du Piémont (Sympetrum pedemontanum), espèce remarquable d’odonates localisée en Provence et dont la Durance représente un bastion régional, le Gomphe similaire (Gomphus similimus), espèce remarquable d’odonates Gomphidés ouest méditerranéen, associée aux eaux courantes lentes et pièces d’eau libre, le Tridactyle panaché (Xya variegata), espèce déterminante d'orthoptères rare et en régression, liée aux plages sablonneuses ou limoneuses dans le lit ou sur les rives des cours d'eau en tresses. Notons la présence ancienne du Marbré de Lusitanie (Iberochloe tagis), espèce déterminante très localisée et inféodée aux milieux ouverts où croît sa plante nourricière Iberis pinnata. Notons que localement, la Diane (Zerynthia polyxena), espèce méditerranéeo asiatique de lépidoptère protégée au niveau européen, est représentée par des populations liées à des prairies et lisières boisées humides où croît sa plante nourricière Aristolochia rotunda, tandis que d’autres stations de ce papillon sont inféodées à des biotopes secs où croît Aristolochia pistolochia. Enfin sur les rives et terrasses alluviales peuplées d’argousiers, se trouve le Sphinx de l’Argousier (Hyles hippophaes), espèce déterminante de lépidoptères crépusculaire et nocturne, rare et protégée au niveau européen.Les milieux secs qui recouvrent les abords de la Durance ou certaines terrasses alluviales sont occupés par d’autres espèces patrimoniales, d’affinité plus méditerranéenne. Citons le Marbré de Lusitanie (Euchloe tagis bellezina), lépidoptère très localisé représenté par la sous espèce bellezina, endémique du sud de la France et de l’extrême nord-ouest de l’Italie, inféodé aux milieux ouverts où croît sa principale plante nourricière Iberis pinnata, le Moiré provençal (Erebia epistygne), espèce méditerranéo montagnarde dont l’aire de répartition ibéro provençale est morcelée et restreinte, inféodée aux pelouses sèches à Fétuque cendrée (Festuca cinerea), la Proserpine (Zerynthia rumina), espèce d’affinité ouest méditerranéenne protégée en France, dont la chenille vit sur l’Aristoloche pistoloche (Aristolochia pistolochia) dans les forêts claires et sur les coteaux pierreux, chauds et ensoleillés, l’Eupithécie de Guenée (Eupithecia gueneata), espèce remarquable peu commune de lépidoptère nocturne, liée aux milieux ouverts et secs où croît sa plante hôte, Pimpinella saxifraga. Enfin, les fruticées et les chênaies pubescentes abritent la Laineuse du prunellier (Eriogaster catax), espèce remarquable, de lépidoptère bombycoïde aux mœurs crépusculaires, protégée au niveau européen, globalement rare, sensible aux pesticides. Enfin, certains coléoptères comme l'Officier trompeur (Necydalis ulmi), espèce déterminante de Cerambycidae cavicole dans les vieux feuillus d'Europe et du Caucase, devenue rare et localisée en France où ses plus grandes populations restantes sont situées en région PACA, le longicorne Chlorophorus glaucus, espèce remarquable à répartition limitée à la méditerranée occidentale, recherchant le bois sec dans les forêts thermophiles, cantonnée en France principalement au littoral varois ou encore le silphide Nicrophorus investigator, espèce remarquable nécrophage à distribution paléarctique mais localisée dans les zones de basse altitude, où elle a généralement subi une régression significative, sont mentionnés localement.

Les mollusques sont représentés par Vertigo moulinsiana, espèce méditerranéo-atlantique déterminante de Vertiginidés très rare et vulnérable vivant dans les zones humides ouvertes et Anisus spirorbis, espèce remarquable, de distribution européenne, localisée dans les zones humides temporaires ou permanentes.

Fonctionnalité/Liens éventuels avec d’autres ZNIEFF

Par son orientation nord-sud et par sa position biogéographique à l’intérieur des Préalpes-de-Haute-Provence, le site est une voie importante de pénétration dans les Alpes et concentre un flux migratoire majeur pour l’avifaune. Le site permet également le transit des espèces végétales, ce qui se traduit par la remontée de plantes méditerranéennes ou la descente de plantes alpines.

L’écocomplexe fluviatile durancien présente un important niveau d’organisation étroitement dépendant de la dynamique hydraulique torrentielle et du charriage des alluvions, conditions strictement dépendantes du bon fonctionnement de l’ensemble de son bassin versant. Ainsi par exemple sur le site, il existe d’anciens bras morts et des adoux, qui représentent des refuges indispensables pour la flore et la faune aquatiques et fluviales. Le lit en tresses maintien de nombreux îlots végétalisés, présentant à la fois les premiers stades de la dynamique de végétation indispensables au maintien des espèces pionnières, ainsi que des stades de ripisylves plus évolués, habitat d’espèces spécialisées strictement inféodées aux forêts riveraines humides.

Toutefois, rappelons que cette portion de vallée fait encore l'objet d'extractions de matériaux alluvionnaires en lit mineur de prélèvements d’eau pour l’irrigation et les besoins hydroélectriques, et que les rejets d’eaux usées ne sont pas complètement aux normes. Toutes ces activités contribuent à perturber le fonctionnement de cet écocomplexe de très forte valeur biologique. De plus, une multiplicité de dépôts sauvages sont abandonnés dans la ripisylve ou le cours d’eau et contribuent à dégrader le site.

Commentaires sur la délimitation

Les limites du site englobent l’écocomplexe fonctionnel d’un tronçon de la Durance associant le cours d’eau, ses bras secondaires, ses ripisylves et ses zones humides connexes proches. Elles excluent l’essentiel des secteurs fortement anthropisés (cultures, zones urbaines et semi-urbaines) situés en bordure. Ces derniers justifient la délimitation par les fortes discontinuités écologiques et paysagères occasionnées.