ZNIEFF 930012748
LA MOYENNE DURANCE À L'AVAL DE SERRE-PONÇON JUSQU'À SISTERON

(n° régional : 04142100)

Commentaires généraux

Description
Localisé dans la partie nord du département des Alpes de Haute Provence et sur la bordure sud du département des Hautes Alpes, ce site correspond au cours de la Durance, avec ses iscles et ses ripisylves, à l'aval de Serre-Ponçon jusqu'à Sisteron.
Ce site bénéficie d’un climat supra méditerranéen à tendance continental.
Situé dans la zone biogéographique des Préalpes delphino provençales à la rencontre des influences méditerranéennes et alpines, il est compris dans l’étage de végétation supra méditerranéen, entre 480 m et 665 m d’altitude.
Bien que relativement encaissée entre d’anciennes terrasses fluvio glaciaires perchées, la Durance a constitué un important lit, où se sont développés de multiples habitats liés à l’eau ou aux bordures de cours d’eau. Le site est caractérisé par une bonne représentativité de tous les stades de la dynamique de végétation, depuis les stades initiaux composés de bancs de graviers nus, en passant par les formations pionnières de colonisation des alluvions et délaissées, les saulaies arbustives et les ripisylves bien constituées.
La végétation riveraine est dominée par des formations de hautes herbes, de fourrés et de forêts riveraines. Les bancs de graviers, récemment déposés et colonisés par une végétation pionnière sont assez peu nombreux et n’occupent que de faibles surfaces. En revanche les bancs de galets plus anciens occupent de plus vastes surfaces. Ils sont colonisés par une végétation de fourrés pionniers de saules, et sur les terrasses alluviales les plus hautes, et donc les plus sèches, de pelouses ou de garrigues à Thym (Thymus vulgaris), voire de chênaies de Chêne pubescent (Quercus humilis).
En conséquence de cette très importante diversité de milieux, la flore et la faune sont également très variées. Par exemple, la flore associe à la fois des espèces végétales aux origines montagnarde et méditerranéenne. Plusieurs espèces patrimoniales de mammifères, oiseaux et poissons sont de même représentées sur ce site.

Milieux naturels
Ce site possède deux habitats déterminants : les herbiers palustres et flottants d’étangs et plans d’eau à Utriculaires (Utricularia pl. sp.) (22.414), qui se développent dans de petites mares permanentes, et les cladiaies (53.3) ou formations palustres à Marisque (Cladium mariscus), qui sont limitées à des taches de faibles surfaces.
Parmi les autres habitats remarquables ou typiques, le site possède un habitat représentatif des cours d’eau de bonne qualité, à savoir les milieux aquatiques d’eau douce de la zone à truite (24.12), qui présentent ici un bon état de conservation.
Plusieurs autres habitats remarquables, typiques ou représentatifs du site et d’intérêt écologique marqué, sont également à remarquer. Ce sont : les formations végétales pionnières herbacées des alluvions torrentielles et bancs de graviers méditerranéens à Pavot cornu (Glaucium flavum) [all. phyto. Glaucion flavi (24.225)], imbriquées en mosaïque avec des bancs de graviers sans végétation (24.21), des bancs de sable des cours d’eau colonisés par des groupements amphibies méridionaux (24.3) et des bancs de vase des cours d’eau (24.5), les prairies humides hautes à Reine des près (Filipendula ulmaria) et formations végétales associées [all. phyto. Thalictro flavi Filipendulion ulmariae (37.1)], les fourrés de saules pionniers des berges et alluvions torrentielles à Saule drapé (Salix elaeagnos), Saule pourpre (Salix purpurea) et Myricaire d’Allemagne (Myricaria germanica) [all. phyto. Salicion incanae (44.111 et 24.223)], les ripisylves galeries de Saule blanc (Salix alba) [all. phyto. Salicion albae (44.141)], les boisements riverains en galeries d’Aulne blanc (Alnus incana) des rivières montagnardes et submontagnardes des Alpes [all. phyto. Alnion incanae (44.21)] et les ripisylves méditerranéennes à peupliers, ormes et frênes [all. phyto. Populion albae (44.61)].
Ces habitats sont de grand intérêt écologique, pour le fonctionnement de l’écosystème lié aux cours d’eau, et ils forment des corridors en contact avec les milieux adjacents, notamment les espaces bocagers et boisements de bas de versant.
L’écocomplexe fluviatile durancien qui associe, en une mosaïque mouvante d’une riche complexité, le cours d’eau actif, les bras morts d’eau lente, les stades pionniers de colonisation des alluvions, les fourrés arbustifs et les ripisylves mâtures, constitue l’essentiel de l’intérêt du site.

Flore
Ce site présente une flore d’un grand intérêt patrimonial recelant de nombreuses espèces végétales rares ou peu fréquentes. Il permet par ailleurs la remontée de nombreuses plantes méditerranéennes, qui se trouvent ici en limite de répartition, et compte dix espèces végétales déterminantes dont une protégée au niveau national : le Rosier de France (Rosa gallica), très bel églantier sauvage, protégé au niveau national. Ce dernier est l’un des ancêtres des rosiers horticoles et demeure très rare dans le département des Hautes Alpes, où il est assez vulnérable du fait de l’isolement, et quatre protégées en Provence Alpes Côte d’Azur : l'Orchis des marais (Anacamptis palustris), la Polygale grêle (Polygala exilis), la Centaurée de Favarger (Centaurium favargeri), petite gentianacée connue en France que de la Durance où elle affectionne les limons humides exondés de ses bras secondaires, et la Zannichellie peltée (Zannichellia peltata).
Le Potamot des tourbières alcalines (Potamogeton coloratus), l'Utriculaire citrine (Utricularia australis), la Fléole rude (Phleum paniculatum), la Clématite droite (Clematis recta), rare renonculacée d’affinité orientale liée aux lisières et bois clairs des plaines alluviales, et la Potentille inclinée (Potentilla inclinata) sont les autres espèces déterminantes connues de ce site.
Par ailleurs, il abrite cinq espèces remarquables dont deux sont protégées au niveau national : la Gagée des prés (Gagea pratensis), rare liliacée des pelouses sèches, et la Petite massette (Typha minima), et trois autres en région Provence Alpes Côte d’Azur : la Laîche faux souchet (Carex pseudocyperus), la Violette de Jordan (Viola jordanii) et la Zannichellie palustre (Zannichellia palustris). Il conviendrait toutefois de confirmer la présence de cette dernière possiblement confondue avec la Zannichellie peltée (Zannichellia peltata). L'Aristoloche pâle (Aristolochia pallida) est la dernière espèce remarquable connue du site.

Faune
Cette zone présente un intérêt faunistique très élevé. En effet, ce sont ici cinquante-quatre espèces animales patrimoniales, dont vingt déterminantes, qui y ont été recensées.
Parmi les mammifères d’intérêt patrimonial que l’on peut rencontrer localement, il convient de citer la Loutre (Lutra lutra), dont l’observation ancienne serait à confirmer, le Castor (Castor fiber) arrivé naturellement sur cette partie de la Durance depuis quelques années ; le Petit Rhinolophe (Rhinolophus hipposideros), chauve souris remarquable en régression marquée, plutôt thermophile et anthropophile et assez rare en montagne, le Grand Rhinolophe (Rhinolophus ferrumequinum), espèce remarquable et menacée, en régression partout en France, le Grand Murin (Myotis myotis), espèce remarquable plutôt commune mais localement en régression.
Le peuplement avien nicheur de cette zone abrite une multitude d’espèces forestières, aquatiques, paludicoles, steppiques, de milieux ouverts, voire même rupicoles, d’affinité biogéographique variée. Les espèces aviennes nicheuses remarquables correspondent ainsi localement aux espèces suivantes : Grèbe huppé (Podiceps cristatus), Blongios nain (Ixobrychus minutus), Bihoreau gris (Nycticorax nycticorax), Crabier chevelu (nicheur possible en 1987), Autour des palombes (Accipiter gentilis), Milan royal (Milvus milvus), nicheur possible en 1988 rare et très localisé en région, Faucon hobereau (Falco subbuteo), Caille des blés (Coturnix coturnix), Marouette ponctuée (Porzana porzana), espèce déterminante et nicheuse locale possible, Chevalier guignette (Actitis hypoleucos), espèce paléarctique remarquable, liée aux rivières et torrents à courant rapide, Petit Gravelot (Charadrius dubius), Chouette chevêche ou Chevêche d’Athéna (Athene noctua), Grand-duc d’Europe (Bubo bubo), Petit duc scops (Otus scops), Martin pêcheur d’Europe (Alcedo atthis), Guêpier d’Europe (Merops apiaster), Huppe fasciée (Upupa epops), Torcol fourmilier (Jynx torquilla), Pic épeichette (Dendrocopos minor), Hirondelle de rivage, (Riparia riparia), nicheuse ponctuelle rare observée en 1989, Rousserole turdoïde (Acrocephalus arundinaceus), Cincle plongeur (Cinclus cinclus), Fauvette orphée (Sylvia hortensis), Fauvette à lunettes (Sylvia conspicillata) observée comme nicheur en 1997 loin de son aire de distribution principale, Gobemouche gris (Muscicapa striata), Pie-grièche écorcheur (Lanius collurio), Pie-grièche à tête rousse (Lanius senator), Moineau soulcie (Petronia petronia), espèce déterminante paléoxérique, d’affinité méridionale, Bruant ortolan (Emberiza hortulana), Bruant proyer (Emberiza calandra).
Les amphibiens locaux d’intérêt patrimonial comprennent en particulier le Sonneur à ventre jaune (Bombina variegata), espèce déterminante à effectifs faibles et vulnérable, en déclin, d’affinité médio européenne et montagnarde, affectionnant les petits points d’eau peu profonds, dans les endroits restant frais et humides en été, et le Pélodyte ponctué (Pelodytes punctatus).
Les poissons d’eau douce sont notamment représentés par l’Apron (Zingel asper), espèce déterminante devenue très rare et menacée d’extinction en France, propre aux cours d’eau clairs, assez rapides, peu profonds,  l’Ombre commun (Thymallus thymallus), espèce remarquable et grégaire, préférant les eaux fraîches, voire froides, courantes au débit rapide, bien oxygénées, claires, propres, sur substrat de graviers, le Toxostome (Chondrostoma toxostoma), espèce remarquable localement représentée ici, le Barbeau méridional (Barbus meridionalis), espèce remarquable d’affinité méridionale, rare dans les Hautes Alpes, liée aux cours d’eau clairs et bien oxygénés à débit rapide sur substrat de graviers.
Les insectes d’intérêt patrimonial comportent un très fort intérêt vis à vis des cortèges d’espèces associés à des habitats produits par la dynamique alluviale de la Durance. Citons en particulier la Cicindèle des rivières (Cylindera arenaria), espèce déterminante de coléoptère Carabidés, rare et en régression, liée aux plages humides de graviers, limon ou sable dans le lit mineur, le Tridactyle panaché (Xya variegata), espèce déterminante d'orthoptère rare et en régression, strictement liée en région PACA aux rives des cours d'eau dynamique ou encore l’Alexanor (Papilio alexanor), espèce déterminante de lépidoptère, protégée au niveau européen, rare et dont l’aire de répartition est morcelée.
Les peuplements d’odonates sont diversifiés et présentent également un intérêt particulier vis à vis des espèces patrimoniales qui colonisent les écoulements et complexes marécageux situés dans le lit mineur de la Durance et régulièrement rajeunis par les crues. Citons l’Agrion bleuissant (Coenagrion caerulescens), espèce méditerranéenne déterminante liée aux eaux courantes claires et ensoleillées, globalement rare, localisée et menacée en France, l'Agrion de Mercure (Coenagrion mercuriale), espèce qui affectionne les écoulements modestes à eaux courantes claires, ensoleillées et peuplées d'hydrophytes, le Sympétrum déprimé (Sympetrum depressiusculum), espèce déterminante rare et en régression, dont la larve aquatique est inféodée aux pièces d’eau temporaires ou à niveau fluctuant et le Sympétrum du Piémont (Sympetrum pedemontanum), espèce remarquable des canaux et cours d'eau intermittents, peu commune en France mais dont le bassin de la Durance représente un bastion. S’ajoute enfin le Gomphe similaire (Gomphus similimus), espèce remarquable associée aux parties calmes des cours et pièces d’eau naturelles ou artificielles.
Sur les terrasses alluviales et berges sèches, signalons la présence du Sphinx de l'argousier (Hyles hippophaes), espèce déterminante de lépidoptère nocturne, protégée en Europe, liée aux peuplements d'Argousier, sa plante hôte, rare, probablement en régression, et dont le bassin de la Durance représente un bastion en France. Ces milieux secs abritent également le Moiré de Provence (Erebia epistygne), espèce déterminante de lépidoptère d’affinité méditerranéo montagnarde dont l’aire de répartition ibéro provençale est morcelée et restreinte, inféodée aux pelouses sèches à Fétuque cendrée Festuca cinerea et la Cigale argentée (Tettigetta argentata), espèce remarquable d'affinité méditerranéenne qui recherche les milieux arides parsemés d'arbustes.
Citons également un orthoptère strictement méditerranéen et étroitement associé aux zones humides, le Criquet tricolore (Paracinema tricolor bisignata), qui colonise de façon très localisée certains milieux marécageux dans le lit mineur de la Durance.
Deux punaises sont enfin présentes sur le site : Pscasta tuberculata, espèce déterminante de Pentatomidés, circum-méditerranéenne assez commune en Provence,  vivant sur les tiges de Vipérines et Leptopus hispanus, espèce déterminante de Leptopodidés, rare et strictement liée aux bordures des cours d'eau dynamiques.
Enfin, chez les mollusques, citons la présence de Vertigo angustior, espèce déterminante eurasiatique de Vertiginidés localisée et vulnérable, inféodée aux habitats humides ouverts, de Vertigo moulinsiana, espèce méditerranéo-atlantique déterminante de Vertiginidés très rare et vulnérable vivant dans les zones humides ouvertes et de Columella edentula, espèce de Truncatillinidés peu commune, habitant les habitats humides à très humides.

Fonctionnalité/Liens éventuels avec d’autres ZNIEFF
Cette ZNIEFF de type 2 englobe les quatre ZNIEFF de type 1 suivantes : «Plan d'eau de la retenue d'Espinasses   Chaussetive» ; «La haute Durance, ses iscles et ses ripisylves d'Espinasses à Tallard» ; «La haute Durance et ses ripisylves, à Tallard   retenue de Curbans la Saulce   marais et zones humides adjacentes» & «La moyenne Durance, ses ripisylves et ses iscles de l'aval de la retenue de Curbans la Saulce à Sisteron».
De par son orientation nord est – sud ouest et par sa position biogéographique à l’intérieur des Alpes dauphinoises, le cours de la Durance est une voie importante de pénétration dans les Alpes et concentre un flux migratoire majeur pour l’avifaune. Les roselières et plans d’eau des retenues d’Espinasses et de Curbans / La Saulce en particulier, accueillent de nombreuses espèces d’oiseaux aquatiques, tant en période de reproduction que de migration.
Le site permet également le transit des espèces végétales, ce qui se traduit par la remontée de plantes méditerranéennes ou la descente de plantes montagnardes.
L’écocomplexe fluviatile durancien présente un important niveau d’organisation étroitement dépendant de la dynamique hydraulique torrentielle et du charriage des alluvions, conditions strictement dépendantes du bon fonctionnement de l’ensemble de son bassin versant. Ainsi par exemple sur le site, il existe d’anciens bras morts qui représentent des refuges indispensables pour la flore et la faune aquatique et fluviale. De même, les secteurs de lit en tresses présentent de nombreux îlots végétalisés, présentant à la fois les premiers stades de la dynamique de végétation indispensables au maintien des espèces pionnières, ainsi que des stades de ripisylves plus évolués, habitat d’espèces spécialisées strictement inféodées aux forêts riveraines humides.

Commentaires sur la délimitation

Les limites du site englobent l’écocomplexe fonctionnel de la Durance à l’aval de Serre-Ponçon, jusqu’à sa confluence avec le Sasse, au niveau de la ville de Sisteron. Elles incluent le cours d’eau, ses ripisylves, ses zones humides associées et ses zones connexes proches. Cette délimitation, qui englobe des habitats et cortèges d’espèces à très forte valeur biologique, est clairement matérialisée par les zones fortement anthropisées (vergers, cultures, urbanisation, infrastructures) qui sont évidemment exclues. Ces dernières justifient la délimitation par les fortes discontinuités écologiques et paysagères occasionnées.