ZNIEFF 930012759
TÊTE DU PELVAS - VALPREVEYRE - CRÊTE DES GARDIOLES - BOIS DE MAMOZEL, DE LA BRUNE, NOIR ET DE L'ISSARTIN

(n° régional : 05108128)

Commentaires généraux

Description de la zone

Localisé sur la bordure est du département des Hautes-Alpes, en rive droite du Guil, le site est établi dans la partie nord-est du Parc Naturel Régional du Queyras. Il se situe dans la partie orientale schisteuse (schistes lustrés de la zone piémontaise) du massif en limite frontalière avec l'Italie.
Sur le plan géologique le site présente ici quelques originalités. L'affleurement de roches vertes (ophiolites, serpentines) de la Tête du Pelvas abrite une flore originale.

D'anciennes coulées de laves sous-marines dont sont issus le Bric Bouchet et la Tête du Pelvas rappelle l’histoire marine des Alpes. De curieuses formes glaciaires dans le vallon du Bouchet qui comporte une exceptionnelle formation de thufurs (buttes engazonnées formées par une lentille de glace).

Localisé dans la zone biogéographique intra alpine du Briançonnais Queyras, il est soumis à un climat montagnard de type continental sec. Toutefois, les influences climatiques de la Plaine du Pô apportent une certaine humidité, en particulier pendant la période estivale.

Débutant à l’étage de végétation subalpin à environ 1 740 m d'altitude, le site qui culmine à 2 929 m à la Tête du Pelvas, est représenté essentiellement aux étages de végétation subalpin et alpin.

Entouré de crêtes ébouleuses, il est caractérisé par de vastes étendues herbeuses, pastorales et prairiales. D’importantes forêts de mélèzes couvrent les ubacs.

Habitats naturels

Les six habitats déterminants que compte le site sont des marécages : les bas marais cryophiles d’altitude des bords de sources et suintements à Laîche des frimas (Carex frigida) [assoc. phyto. Caricetum frigidae (D4.18)] qui apparaissent ponctuellement dans de nombreux secteurs de ce site, souvent associés en mosaïque avec les bas marais alcalins à Laîche de Davall (Carex davalliana) [all. phyto. Caricion davallianae (D4.13)] et les ceintures péri-lacustres des lacs froids et mares d’altitude à Linaigrette de Scheuchzer (Eriophorum scheuchzeri) [assoc. phyto. Eriophoretum scheuchzeri (D2.211)], les mégaphorbiaies montagnardes et subalpines, formations opulentes de hautes herbes des combes humides et fraîches [all. phyto. Adenostylion alliariae et Calamagrostion villosae (E5.511)], les landines riches en lichens à Airelle bleue (Vaccinium uliginosum) et Azalée naine (Loiseleuria procumbens) [all. phyto. Loiseleurio procumbentis Vaccinion microphylli (F2.211)], établies au niveau des crêtes ventées et froides de haute altitude, qui rappellent les origines arctico alpines d’une partie de la végétation des Alpes, les mélézins cembraies ou forêts de Mélèze (Larix decidua) et de Pin cembro (Pinus cembra) (G3.23).

Sept autres habitats remarquables sont également présents. Ce sont : les saulaies arctico alpines des bas marais et bords de ruisseaux à Saule arbrisseau (Salix foetida) [all. phyto. Salicion lapponi glaucosericeae (F2.3211)] et des saulaies arctico alpines des pentes rocheuses froides et humides à Saule soyeux (Salix glaucosericea) [all. phyto. Salicion helveticae (F2.3211)], les landes épineuses oro méditerranéennes à Astragale toujours verte (Astragalus sempervirens) [all. phyto. Ononidion cenisiae (F7.4E)],  les prairies de fauche d’altitude [all. phyto. Triseto flavescentis Polygonion bistortae (E2.31)],mélézins  les bas marais acides [all. phyto. Caricion fuscae (D2.2)], les éboulis siliceux alpins [all. phyto. Androsacion alpinae et Dryopteridion abbreviatae (H2.3111)], les formations végétales des rochers et falaises calcaires [all. phyto. Potentillion caulescentis et Violo biflorae Cystopteridion fragilis (H3.251)] et la végétation des rochers et falaises siliceux [all. phyto. Androsacion vandellii (H3.111)], notamment sur les roches vertes.
Notons la présence d‘un habitat original, les glaciers rocheux (H4.31), où la glace, non visible en surface, occupe les interstices entre les blocs rocheux qui composent l’essentiel du glacier.

Flore

La flore du site est d’une grande valeur patrimoniale et recèle de nombreuses espèces végétales rares, menacées et/ou protégées. Dix-neuf espèces végétales déterminantes sont présentes, dont cinq sont protégées au niveau national : le Pastel des Alpes (Isatis alpina), crucifère des éboulis à endémisme très restreint, localisée au pourtour du Mont-Viso, l'Androsace de Vandelli (Androsace argentea), plante en coussins denses et aux feuilles argentées, affectionnant les rochers culminants sur silice, le Saule à feuilles de myrte (Salix breviserrata), le Saule de Suisse (Salix helvetica) et la Laîche bicolore (Carex bicolor), rare cypéracée des marécages arctico-alpins froids d’altitude. Sept espèces déterminantes sont protégées en Provence-Alpes-Côte-d’Azur : le Jonc arctique (Juncus arcticus), plante arctico-alpine rare des marécages et bords de ruisselets, la Cardamine de Plumier (Cardamine plumieri), crucifère inféodée aux fissures de parois et blocs rocheux sur roches vertes, le Dactylorhize couleur de sang (Dactylorhiza incarnata subsp. cruenta), la Sabline de Clemente (Facchinia lanceolata), la Pyrole moyenne (Pyrola media), l'Azalée naine (Kalmia procumbens) et la Laîche fimbriée (Carex fimbriata).

Les sept dernières espèces déterminantes de ce site sont : l'Oréochlora fausse-seslérie (Oreochloa seslerioides), la Laîche très noire (Carex atrata), le Cirse faux hélénium (Cirsium heterophyllum), le Sainfoin de Briançon (Hedysarum brigantiacum), légumineuse récemment décrite, la Calamagrostide velue (Calamagrostis villosa), graminée associée aux mégaphorbiaies et forêts subalpines de conifères en situations fraîches, sur substrats acides, le Pied d'alouette douteux (Delphinium dubium), spectaculaire renonculacée des mégaphorbiaies subalpines, des aulnaies vertes et des prairies fraiches, et le Saxifrage à tige dressée (Saxifraga adscendens).

Il abrite également sept espèces remarquables dont trois sont protégées au niveau national : la Primevère marginée (Primula marginata), spectaculaire plante des parois calcaires, le Scirpe alpin (Trichophorum pumilum), rare cypéracée circumboréale des bas marais froids d’altitude, et l'Ancolie des Alpes (Aquilegia alpina). Les quatre autres espèces remarquables de ce site sont : le Genépi noir (Artemisia genipi), la Gentiane de Schleicher (Gentiana schleicheri), la Pulsatille de Haller (Pulsatilla halleri), belle renonculacée à floraison printanière typique des pelouses et rocailles ventées, et le Pissenlit à ligules en capuchon (Taraxacum cucullatum).

Faune

Le site présente un certain intérêt patrimonial au niveau faunistique. Il héberge 37 espèces animales patrimoniales, dont six sont déterminantes.

Plusieurs mammifères sont cités sur le site comme le Bouquetin des Alpes (Capra ibex), ongulé déterminant de nette affinité montagnarde et d’intérêt communautaire, accompagnés d’espèces remarquables comme le Cerf élaphe (Cervus elaphus), grand ruminant aujourd’hui plutôt forestier, en expansion géographique et numérique en France et en région PACA, présent jusqu’à 2 500 m et le Lièvre variable (Lepus timidus), espèce en régression, relicte de l’époque glaciaire, fréquentant des milieux assez variés (alpages, éboulis, landes, forêts, pelouses, champs, cultures, friches) entre 1 200 et 3 100 m d’altitude.

Les oiseaux nicheurs, ou probablement nicheurs sont représentés par deux espèces déterminantes : le Moineau soulcie (Petronia petronia), espèce paléoxérique d’affinité méridionale et la Chevêchette d'Europe (Glaucidium passerinum), espèce euro-sibérienne rare de la taïga et des forêts claires de résineux dans les Alpes (mélézins, sapinières, pessières, cembraies), ainsi que plusieurs espèces remarquables comme le Circaète Jean-le-Blanc (Circaetus gallicus), rapace d’affinité méridionale, au régime alimentaire ophiophage, la Caille des blés (Coturnix coturnix), oiseau fréquentant les prairies naturelles et artificielles, les pelouses alpines, les champs de céréales ou les parties sèches du bord des marais et menacé par la mécanisation de l'agriculture et les aléas climatiques, le Lagopède alpin (Lagopus muta), espèce menacée et en régression, d’origine arctique, relique de l’époque glaciaire dans les Alpes, où elle occupe les reliefs de croupes et de crêtes, fréquemment enneigées et balayées par le vent, le Tétras lyre (Lyrurus tetrix), espèce assez rare, en léger déclin, d’affinité montagnarde, typique des écotones entre forêts (lisières), prairies, pelouses et landes, entre 1 100 et 2 500 m, le Cincle plongeur (Cinclus cinclus), espèce liée aux cours d’eau froids, propres et bien oxygénés, à courant plutôt vif, entre 100 et 2 400 m d’altitude, le Crave à bec rouge (Pyrrhocorax pyrrhocorax), nicheur peu fréquent, inféodé aux alpages où il vient s’alimenter situés à proximité de falaises où il niche, le Bruant fou (Emberiza cia), oiseau qui affectionne les pelouses et les landes avec rocailles bien ensoleillées, les éboulis avec des buissons et des arbres clairsemés, les landes ouvertes, etc. et menacé par la fermeture des milieux, la Pie-grièche écorcheur (Lanius collurio), espèce de milieux ouverts et semi ouverts, en régression à l’heure actuelle, le Monticole de roche (Monticola saxatilis), oiseau qui affectionne les éboulis et les affleurements rocheux bien exposés des étages montagnard et subalpin, entre 1 200 et 2 500 m d'altitude, et la Niverolle alpine (Montifringilla nivalis), espèce paléo-montagnardecaractéristique des pelouses avec escarpements rocheux des étages alpin et subnival des massifs montagneux les plus élevés.

De nombreux arthropodes patrimoniaux sont inventoriés sur le site.

C’est notamment le cas chez les lépidoptères où l’on note la présence de deux espèces déterminantes, le Moiré piémontais (Erebia aethiopellus), espèce endémique franco-italienne cantonnée aux Alpes occidentales, inféodée aux pelouses alpines sèches à Fétuque paniculée (Festuca paniculata) et le Solitaire (Colias palaeno europomene), espèceprotégée en France, dont cette sous-espèce est localisée et endémique des Alpes internes, inféodée aux landes à Ericacées et biotopes marécageux où croissent ses plantes hôtes, des airelles (Vaccinium sp.) ainsi que plusieurs espèces remarquables comme l’Hespérie du pas-d’âne (Pyrgus cacaliae), espèce dont la répartition est limitée aux Alpes avec deux isolats en Bulgarie et Roumanie, liée à des potentilles dans les pelouses subalpines, surtout en bordure de zones humides, l’Azuré de la canneberge (Agriades optilete), espèce holarctique localisée en France dans les Alpes internes et du nord, dans les landes et tourbières à airelles (Vacciinum ssp.), l’Azuré du Serpolet (Phengaris arion), espèce protégée au niveau européen, inféodée aux bois clairs et ensoleillés, pelouses et friches sèches avec présence de ses plantes hôtes, des serpolets et de sa principale fourmi hôte, Myrmica sabuleti, jusqu’à 2 400 m d’altitude, l’Hermite (Chazara briseis), espèce en forte régression, liée aux milieux très ouverts, secs et rocailleux où croissent ses plantes-hôtes, plusieurs graminées (fétuques et brachypodes), le Moiré des pâturins (Erebia melampus), espèce endémique du massif alpin, rare et localisée au niveau régional, l’Apollon (Parnassius apollo), espèce d'affinité montagnarde, protégée au niveau européen, peuplant les rocailles, pelouses et éboulis à Crassulacées et Saxifragacées entre 500 et 2 500 m d’altitude, le Petit Apollon (Parnassius corybas), espèce protégée en France, des bords des torrents et autres zones humides des étages subalpin et alpin, dont la chenille est inféodée au Saxifrage faux-aïzoon (Saxifraga aizoides) et la Piéride de la roquette (Euchloe simplonia), espèce à aire disjointe des Alpes occidentales, Pyrénées et monts Cantabriques, inféodée aux pelouses subalpines où croissent ses plantes hôtes des Brassicacées.

Du côté des coléoptères, trois espèces patrimoniales remarquables sont observées : le longicorne Judolia sexmaculata, espèce vivant dans le bois mort des racines d'arbres des forêts d'altitude, présente en PACA seulement dans le Queyras, le chrysomelidae Entomoscelis adonidis et Neagolius amblyodon.

Pour les orthoptères, citons l’acrididae déterminant Gomphocerippus cialancensis accompagné de plusieurs espèces remarquables, la Miramelle piémontaise (Epipodisma pedemontana), espèce des prés landes des étages alpin et subalpin, entre 1 800 et 2 900 m d’altitude, endémique des Alpes franco italiennes, l'OEdipode stridulante (Psophus stridulus), espèce boréo-montagnarde qui affectionne les milieux rocailleux des pelouses xerothermiques et des alpages bien exposés, le Sténobothre cottien (Stenobothrus cotticus), espèce endémique de l'arc alpin, inféodée aux éboulis, rochers à végétation maigre et pelouses écorchées entre 2 000 et 2 800 m d’altitude et le Criquet ensanglanté (Stethophyma grossum), espèce d'affinité eurosibérienne, en forte régression en dehors des Alpes, strictement liée aux prairies très humides et surfaces marécageuses, sont mentionnés sur le secteur.

Plusieurs mollusques remarquables sont aussi inventoriés dans le secteur : le Maillot montagnard (Granaria stabilei), escargot remarquable à la distribution limitée aux massifs montagneux du sud-est de la France qui les milieux secs et ensoleillés des crêtes rocheuses et éboulis de montagnes où il peut atteindre jusqu'à 2 700m d'altitude, la Luisantine brune (Nesovitrea petronella), espèce nordique en limite d'air de répartition dans l'est de la France, dans les massifs du Jura et des Alpes, le Maillot des Alpes (Pupilla alpicola), gastéropode remarquable distribué dans les Alpes, les Carpates et l’Altaï, relique glaciaire et vivant dans les zones humides calcaires d'altitude ou encore la Columelle alpine (Columella columella), Truncatillinidés présente en France uniquement dans les Alpes, liée aux habitats humides d'altitudes.


Fonctionnalité lien avec ZNIEFF

Cette ZNIEFF de type 1 est incluse dans la ZNIEFF de type 2 « 930012757- Vallées et Parc Naturel Régional du Queyras - Val d'Escreins ».

De nombreuses connexions existent entre le site et les vallons voisins, dont le Val Pellice en Italie, par l’intermédiaire des cols, des crêtes et des entrées de vallons).

La modification des pratiques pastorales par l’accroissement de la taille des troupeaux a des conséquences directes sur la flore (surpâturage, érosion, appauvrissement floristique.).
La fréquentation touristique, relativement importante du fait de la présence de cols très accessibles et de paysages grandioses, n'a visiblement pas de grandes conséquences sur la flore et ses habitats.

Toutefois, signalons l'attrait des Genépis et en particulier, du Genépi des glaciers (Artemisia glacialis) sur les éboulis de calcschistes à des fins de récoltes commerciales. Cela peut aboutir ponctuellement à des arrachages excessifs de ces plantes et à une érosion accélérée du sol par les déplacements répétitifs des cueilleurs.

Commentaires sur la délimitation

Les limites du site s’appuient sur la topographie composée d’un relief très marqué. Elles suivent pour l’essentiel des lignes de crêtes et fond de talweg, de façon à inclure de nombreux habitats très diversifiés et un cortège d’espèces à forte valeur patrimoniale.