ZNIEFF 930012763
VERSANT UBAC DE SAINT-VÉRAN - CRÊTES DU PIC DE CARAMANTRAN ET DE LA TÊTE DES TOILLIES - TÊTE DE LONGET

(n° régional : 05108137)

Commentaires généraux

Description

Localisé dans la partie est du département des Hautes Alpes, au sud est du Parc Naturel Régional du Queyras.
Sur le plan géologique et géomorphologique, il présente ici quelques originalités : les nombreux affleurements de roches vertes (ophiolites, serpentines, gabbros, …) abritent une flore originale ; des filons de minerais (anciennement exploités par des mines) sont encastrés dans ces roches vertes ; les versants sud ouest ont des pentes relativement douces au regard des versants nord est abrupts.
Il se situe dans la partie orientale schisteuse (schistes lustrés de la zone piémontaise) du massif en limite frontalière avec l'Italie.
Localisé dans la zone biogéographique intra alpine du Briançonnais Queyras, il est soumis à un climat montagnard de type continental sec, teinté d'influences adriatiques plus humides en provenance de la plaine du Pô.
Débutant à l’étage de végétation subalpin à 1900 m d'altitude, le site culmine à 3175 m à la Tête des Toillies. Il est inclus dans les étages de végétation subalpin, alpin et nival.
Entouré de crêtes ébouleuses et de barres rocheuses infranchissables, il est caractérisé par de grandes étendues herbeuses comprenant pâturages, prairies subalpines et pelouses alpines, de vastes éboulis et quelques forêts de mélèzes sur les ubacs. De nombreux lacs d'altitude s'égrènent dans le fond du vallon.

Milieux remarquables

Les deux habitats déterminants que compte le site sont des milieux humides : les ceintures péri lacustres des lacs froids et mares d’altitude à Linaigrette de Scheuchzer (Eriophorum scheuchzeri) [assoc. phyto. Eriophoretum scheuchzeri (54.41)] et les bas marais cryophiles d’altitude des bords de sources et suintements à Laîche des frimas (Carex frigida) [assoc. phyto. Caricetum frigidae (54.28)] associés en mosaïque avec les bas marais alcalins à Laîche de Davall (Carex davalliana) [all. phyto. Caricion davallianae (54.23)] (habitat remarquable).
Neuf autres habitats remarquables sont présents : les saulaies arctico alpines des bas marais et bords de ruisseaux à Saule arbrisseau (Salix foetida) [all. phyto. Salicion lapponi glaucosericeae (31.6212)] et des saulaies arctico alpines des pentes rocheuses froides et humides à Saule soyeux (Salix glaucosericea) ou Saule helvétique (Salix helvetica) [all. phyto. Salicion helveticae (31.6211)], les mégaphorbiaies montagnardes et subalpines, formations opulentes de hautes herbes des combes humides et fraîches [all. phyto. Adenostylion alliariae et Calamagrostion villosae (37.8)], les prairies de fauche d’altitude [all. phyto. Triseto flavescentis Polygonion bistortae (38.3)], les mélèzins cembraies ou forêts de Mélèze (Larix decidua) et de Pin cembrot (Pinus cembra) (42.3), les bas marais alcalins à Laîche de Davall (Carex davalliana) [all. phyto. Caricion davallianae (54.23)], les bas marais acides [all. phyto. Caricion fuscae (54.4)], les éboulis siliceux alpins [all. phyto. Androsacion alpinae et Dryopteridion abbreviatae (61.1)], les formations végétales des rochers et falaises calcaires [all. phyto. Potentillion caulescentis et Violo biflorae Cystopteridion fragilis (62.15)] et siliceuses [all. phyto. Androsacion vandellii (62.2)].

Flore

Le site comprend vingt-et-une espèces végétales déterminantes. Huit sont protégées au niveau national : le Panicaut des Alpes (Eryngium alpinum), la Primevère de Haller (Primula halleri), belle primulacée à floraison printanière typique des pelouses et rocailles ventées qui serait à rechercher sur le site car retrouvée récemment à proximité, l'Androsace de Suisse (Androsace helvetica), l'Androsace pubescente (Androsace pubescens), le Saule à feuilles de myrte (Salix breviserrata), le Saule de Suisse (Salix helvetica), le Choin ferrugineux (Schoenus ferrugineus) et la Laîche bicolore (Carex bicolor), rare cypéracée des marécages arctico alpins froids d’altitude. Six sont protégées en région Provence Alpes Côte d’Azur : la Grassette d'Arvet-Touvet (Pinguicula arvetii), le Dactylorhize couleur de sang (Dactylorhiza incarnata subsp. cruenta), l'Orchis nain des Alpes (Chamorchis alpina), le Jonc arctique (Juncus arcticus), plante arctico alpine rare des marécages et bords de ruisselets, le Saxifrage à deux fleurs (Saxifraga biflora) et le Saxifrage fausse diapensie (Saxifraga diapensioides).
Sept espèces n’ont pas de statut de protection : le Buplèvre des Alpes (Bupleurum alpigenum), grand buplèvre localisé en France à la haute vallée de la Durance et au Queyras, où il occupe les prairies de fauche, mégaphorbiaies et lisières forestières fraîches, le Sainfoin de Briançon (Hedysarum brigantiacum), légumineuse récemment décrite, la Gentiane asclépiade (Gentiana asclepiadea), le Scirpe de Hudson (Trichophorum alpinum), rare cypéracée des bas marais arctico alpins, la Renoncule à feuilles de Rue (Callianthemum coriandrifolium), le Pied d'alouette douteux (Delphinium dubium), spectaculaire renonculacée des mégaphorbiaies subalpines, des aulnaies vertes et des prairies fraiches, et le Saxifrage à tige dressée (Saxifraga adscendens).

Par ailleurs, le site comprend sept espèces végétales remarquables. Quatre sont protégées au niveau national : la Bérardie laineuse (Berardia subacaulis), composée archaïque endémique des Alpes sud occidentales typique des éboulis calcaires à éléments fins, la Primevère marginée (Primula marginata), spectaculaire plante des parois calcaires, le Scirpe alpin (Trichophorum pumilum), rare cypéracée circumboréale des bas marais froids d’altitude, et l'Ancolie des Alpes (Aquilegia alpina). Une est protégée en région Provence Alpes Côte d’Azur : la Minuartie des rochers (Minuartia rupestris subsp. rupestris). Deux espèces n’ont pas de statut de protection : le Cystoptéris de Dickie (Cystopteris dickieana) et le Genépi noir (Artemisia genipi).

Faune

Ce site possède un patrimoine faunistique d’un intérêt assez élevé. Il renferme dix-neuf espèces animales patrimoniales, dont sept sont déterminantes.
Les mammifères d’intérêt patrimonial sont localement représentés par le Bouquetin des Alpes (Capra ibex), ongulé déterminant de nette affinité montagnarde et d’intérêt communautaire, aujourd’hui en expansion, dont les populations locales sont issues de réintroductions et par le Lièvre variable (Lepus timidus).
Les oiseaux nicheurs sont quant à eux représentés par une espèce déterminante, le Gypaète barbu (Gypaetus barbatus), grand vautour mangeur d’os qui a fait l’objet d’un programme de réintroduction sur le massif alpin et plus précisément sur la vallée voisine de l’Ubaye où il se reproduit, et de nombreuses espèces remarquables (espèces forestières, rupicoles, aquatiques, paludicoles, steppiques et de milieux ouverts, en mélange) dont certaines sont très rares en Provence Alpes Côte d’Azur : Aigle royal (Aquila chrysaetos), Autour des palombes (Accipiter gentilis), Tétras lyre (Tetrao tetrix), espèce fragile, emblématique des Alpes, Lagopède alpin (Lagopus mutus), espèce menacée et en régression, d’origine arctique, relique de l’époque glaciaire dans les Alpes, où elle occupe les reliefs de croupes et de crêtes, fréquemment enneigées et balayées par le vent, Niverolle alpine (Montifringilla nivalis), espèce paléomontagnarde caractéristique des pelouses avec escarpements rocheux des étages alpin et subnival des massifs montagneux les plus élevés ainsi que le Moineau cisalpin (Passer italiae), considéré maintenant comme espèce à part entière et présent sur les zones montagnardes proches de la frontière italienne.
Les insectes d’intérêt patrimonial sont représentés par trois espèces déterminantes : le Charançon (Dichotrachelus alpestris), Curculionidés, relativement bien répandue mais endémique des trois départements alpins de la région Provence Alpes Côte d’Azur, typiquement montagnarde, présente entre 2000 et 3000 m d’altitude, sous les pierres, les mousses et l’humus, le Solitaire (Colias palaeno europomene), espèce déterminante de Lépidoptères Piéridés Coliadinés, protégée en France, localisée aux départements alpins en France, en limite d’aire en région Provence Alpes Côte d’Azur, inféodée aux biotopes marécageux et tourbières à Airelle des marais (Vaccinium uliginosum) et le Moiré piémontais (Erebia aethiopellus), espèce  déterminante endémique franco-italienne cantonnée aux Alpes occidentales, inféodée aux pelouses alpines sèches à Fétuque paniculée (Festuca paniculata). Elles sont accompagnées par d’autres espèces remarquables : la Piéride de la roquette (Euchloe simplonia), espèce à aire disjointe des Alpes occidentales, Pyrénées et monts Cantabriques, inféodée aux pelouses subalpines où croissent ses plantes hôtes (Biscutella laevigata et Sisymbrium ssp.), l’Azuré du Serpolet (Maculinea arion), espèce protégée au niveau européen, inféodée aux bois clairs et ensoleillés, pelouses et friches sèches avec présence de ses plantes hôtes, des serpolets et de sa principale fourmi hôte, Myrmica sabuleti, l’Azuré de la Croisette (Maculinea alcon rebeli), espèce protégée en France, lié aux prairies sèches et pentes herbeuses vers 1200 à 1800 m. d’altitude, dont la chenille vit sur la Gentiane croisette (Gentiana cruciata), le Petit Apollon (Parnassius corybas sacerdos), espèce protégée en France, d’affinité alpine, en limite d’aire en région Provence Alpes Côte d’Azur, que l’on rencontre au bord des torrents, dans les pelouses, les zones humides et les marécages des étages subalpin et alpin entre 1500et 3000 m d’altitude, dont la chenille est inféodée au Saxifrage faux aizoon (Saxifraga aizoides) et à la Joubarbe des montagnes (Sempervirum montanum). Trois espèces remarquables d’orthoptères sont également présentes : le Criquet ensanglanté (Stetophyma grossum), espèce aujourd’hui en forte régression, exclusivement lié aux prairies très humides et milieux marécageux, la Miramelle piémontaise (Epipodisma pedemontana), criquet inféodé aux prés landes des étages alpin et subalpin, entre 1800 et 2900 m d’altitude, endémique des Alpes franco italiennes et en limite d’aire en région Provence-Alpes-Côte d’Azur , la Miramelle des frimas (Melanoplus frigidus frigidus), criquet d'affinité boréo alpine qui s'observe surtout au-dessus de 2000 m et jusqu'à la limite des névés.

Fonctionnalité/Liens éventuels avec d’autres ZNIEFF

Cette ZNIEFF de type 1 est incluse dans la ZNIEFF de type 2 «05_108_100   Vallées et Parc Naturel Régional du Queyras   val d'Escreins».
Relativement enclavé, il dispose de peu de connexions avec les vallons voisins français et italiens par l’intermédiaire de quelques hauts cols, crêtes ébouleuses et entrées de vallon. Cela a favorisé le développement de l’endémisme floristique et le maintien d'un certain nombre de taxons rarissimes.
La modification de pratiques pastorales, notamment par l’accroissement des effectifs de troupeaux, est susceptible d’avoir des conséquences directes sur la flore (surpâturage localisé, érosion).
La fréquentation touristique, très importante du fait de la présence de hauts cols accessibles, de paysages grandioses et de lacs d'altitude, peut avoir des conséquences directes sur la flore et ses habitats (création de drailles, cueillette), en particulier aux abords des lacs (piétinement du sol et des plantes, pollution visuelle et sonore liée aux nombreux passages et aux détritus abandonnés sur place).
A cela s'ajoute l'attrait du Genépi noir (Artemisia genipi) et du Genépi des glaciers (Artemisia glacialis) sur les éboulis de calcschistes à des fins de récoltes privées. Cela peut aboutir ponctuellement à des arrachages excessifs de ces plantes et à une érosion accélérée du sol par les déplacements répétitifs des cueilleurs.

Commentaires sur la délimitation

Le site est délimité sur ses bordures est et sud par sa topographie très marquée de hautes crêtes. Sur les autres côtés, il s’appuie sur des limites topographiques nettes (crêtes secondaires, talweg…) et sur des éléments géographiques majeurs comme la route départementale.