ZNIEFF 930012772
LA HAUTE DURANCE (SES ISCLES, RIPISYLVES ET ADOUX) DEPUIS LA ROCHE-DE-RAME JUSQU'A LA CONFLUENCE AVEC LE GUIL

(n° régional : 05100149)

Commentaires généraux

Description

Localisé dans la partie est du département des Hautes Alpes, dans la région du Guillestrois, le site correspond au cours de la Durance et ses ripisylves et espaces associés, entre le massif des Ecrins à l'ouest et le massif du Queyras à l'est.
Le site s'étend sur un substrat d'alluvions fluviales récentes.
Localisé dans la zone biogéographique intra alpine dauphinoise, il est soumis à un climat montagnard de type continental marqué.
Compris entre 870 m et 1050 m d'altitude, il est totalement inclus dans l’étage de végétation montagnard.
Ordonné autour d'une rivière plutôt divagante au lit en tresses, le site est caractérisé par une bonne représentativité de tous les stades de la dynamique de végétation, depuis les stades initiaux composés de bancs de graviers nus, en passant par les formations pionnières de colonisation des alluvions et délaissées, les saulaies arbustives et de larges ripisylves, où se rencontrent à la fois des espèces végétales d'origine montagnarde et méditerranéenne.
Après avoir entaillé d’anciennes terrasses glaciaires, le Guil est canalisé par une topographie encaissée, avant de se jeter dans la Durance au cours divagant et au lit en tresses, dans ce secteur. Le site est caractérisé par une bonne représentativité de tous les stades de la dynamique de végétation, depuis les stades initiaux composés de bancs de graviers nus, en passant par les formations pionnières de colonisation des alluvions et délaissées, les saulaies arbustives et de larges ripisylves où se rencontrent à la fois des espèces végétales d'origine montagnarde et méditerranéenne.

Milieux remarquables

Les pelouses steppiques sub continentales [all. phyto. Stipo capillatae Poion carniolicae (34.31)] constituent le seul habitat déterminant que compte le site. Il s’agit d’un milieu semi ouvert thermoxérophile d'une grande valeur patrimoniale, qui apparaît sur les terrasses hautes des alluvions grossières et filtrantes.
Trois autres habitats remarquables sont présents sur le site : les pinèdes de Pin sylvestre (Pinus sylvestris) xériques [all. phyto. Ononido rotundifolii Pinion sylvestris (42.53)] et les pinèdes mésophiles [sous all. phyto. Molinio arundinaceae Pinenion sylvestris (42.54)], sur les terrasses fluviatiles hautes et correspondant souvent à un ripisylve mâture vieillissante et les boisements riverains en galeries d’Aulne blanc (Alnus incana) [all. phyto. Alnion incanae (44.21)].
Notons la présence de plusieurs autres habitats présentant un intérêt écologique important :
· les milieux aquatiques d’eau douce de la zone à truite (24.12), qui présentent ici un bon état de conservation,
· les formations végétales pionnières herbacées des alluvions torrentielles et bancs de graviers [all. phyto. Epilobion fleischeri (24.221)] associées en mosaïque avec des bancs de graviers sans végétation (24.21)], ainsi qu’avec des bancs de sable (24.3) et des bancs de vase des cours d’eau (24.5),
· les fourrés de saules pionniers des berges et alluvions torrentielles à Saule drapé (Salix elaeagnos), Saule pourpre (Salix purpurea) et Myricaire d’Allemagne (Myricaria germanica) [all. phyto. Salicion incanae (44.111 et 24.223)].
· L’écocomplexe fluviatile qui associe, en une mosaïque mouvante d’une riche complexité, le cours d’eau actif, les bras morts d’eau lente, les stades pionniers de colonisation des alluvions, les fourrés arbustifs et les ripisylves mâtures, constitue l’essentiel de l’intérêt du site.

Flore

Le site comprend douze espèces végétales déterminantes, dont deux sont protégées au niveau national : l'Avoine odorante (Hierochloe odorata), rarissime graminée des pelouses tourbeuses et marécages boréo alpins inscrite au Livre Rouge National des plantes menacées, anciennement signalée sur le site et à rechercher, et l'Astragale queue de renard (Astragalus alopecurus), fabacée atteignant 1 m de hauteur, à floraison spectaculaire, se développant sur les terrasses alluvionnaires surélevées de la Durance.
Trois sont protégées en région Provence Alpes Côte d’Azur : la Fraxinelle blanche (Dictamnus albus), rencontrée dans les broussailles sèches, le Polygale grêle (Polygala exilis), historiquement citée et à rechercher sur le site, et la Violette des collines (Viola collina). Sept espèces n’ont pas de statut de protection : l'Orchis musc (Herminium monorchis), l'Aster linosyris (Galatella linosyris var. linosyris), la Potentille inclinée (Potentilla inclinata), l'Ansérine (Argentina anserina), la Centaurée maculée (Centaurea stoebe), la Pulsatille des montagnes (Anemone montana), et l'Astragale d'Autriche (Astragalus austriacus), petite fabacée plus largement répartie en Europe centrale, très rare en France, où elle est localisée aux pelouses d'affinités steppiques des vallées de la Durance et de l'Ubaye.
Par ailleurs, le site comprend deux espèces végétales remarquables, dont une protégée au niveau national : la Petite massette (Typha minima) et une sans statut de protection : l'Ail pâlissant (Allium pallens).

Faune

Ce tronçon de la Durance possède un patrimoine faunistique d’un intérêt très élevé. Les inventaires naturalistes ont permis d’y dénombrer pas moins de cinquante-sept espèces animales patrimoniales, dont seize sont déterminantes.
Les mammifères locaux d’intérêt patrimonial comprennent diverses espèces intéressantes liées à ce cours d’eau telles que plusieurs chauves-souris qui viennent chasser dans les ripisylves. Citons ainsi en particulier le Grand Rhinolophe (Rhinolophus ferrumequinum) qui se reproduit sur le site, espèce déterminante en déclin localement et menacée, le Grand Murin (Myotis myotis), espèce déterminante plutôt commune mais localement en régression, la Barbastelle (Barbastella barbastellus), espèce forestière déterminante et vulnérable, en régression, d’affinité médio européenne, très résistante au froid, la Sérotine bicolore (Vespertilio murinus), espèce nordique rare et déterminante, localisée, relique de l'état glaciaire dans l'arc alpin, résistante au froid et présente dans divers milieux jusque 2000 m d'altitude en montagne, le Petit Murin (Myotis blythii) espèce déterminante thermophile occupant des cavités souterraines ou bâtis en reproduction et chassant en milieux ouverts, la Noctule de Leisler (Nyctalus leisleri), espèce remarquable forestière relativement fréquente, le Molosse de Cestoni (Tadarida teniotis), espèce remarquable de haut vol, aux mœurs rupestres pour ses gîtes, le Vespère de Savi (Hypsugo savii), espèce remarquable rupicole et montagnarde d’affinité méridionale, qui exploite les milieux forestiers surtout riverains de l’eau pour la chasse et les milieux rocheux (falaises) pour les gîtes. Le cerf élaphe (Cervus elaphus) fréquente également les bords de Durance.
L’avifaune nicheuse locale comporte de nombreuses espèces d’intérêt patrimonial, dont certaines sont peu répandues ailleurs dans le département des Hautes Alpes : Bihoreau gris (Nycticorax nycticorax), nicheur possible plutôt rare en Provence, très localisé dans les Alpes, Autour des palombes (Accipiter gentilis),  Chevalier guignette (Actitis hypoleucos), espèce paléarctique remarquable, liée aux rivières et torrents à courant rapide, Petit Gravelot (Charadrius dubius), Grand-duc d’Europe (Bubo bubo), Martin pêcheur d’Europe (Alcedo atthis), Huppe fasciée (Upupa epops), Torcol fourmilier (Jynx torquilla), Pic épeichette (Dendrocopos minor), Cincle plongeur (Cinclus cinclus), Fauvette orphée (Sylvia hortensis), Fauvette grisette (Sylvia communis),  Pie grièche écorcheur (Lanius collurio), Pie grièche méridionale (Lanius meridionalis), Moineau soulcie (Petronia petronia), espèce déterminante paléoxérique, d’affinité méridionale,  Bruant proyer (Miliaria calandra), Alouette lulu (Lullula arborea), Pie grièche à tête rousse (Lanius senator) espèce déterminante, Circaète Jean le blanc (Circaetus gallicus), Bondrée apivore (Pernis apivorus), Chouette chevêche ou Chevêche d’Athéna (Athene noctua), Petit duc scops (Otus scops), Bruant fou (Emberiza cia), Gobe mouche gris (Muscicapa striata), Rousserole verderolle (Acrocephalus palustris), potentiellement nicheuse, Bruant ortolan (Emberiza hortulana). Enfin notons la nidification récente (depuis 2014) d’un couple de Harle bièvre (Mergus merganser) dont c’est la première nidification connue en PACA.
Les poissons d’eau douce comprennent notamment le Barbeau méridional (Barbus meridionalis) et le Toxostome (Chondrostoma toxostoma), espèces remarquables d’affinité méridionale.
Parmi les reptiles, un individu de Cistude d’Europe (Emys orbicularis), espèce déterminante de tortue, est présent sur ce site, présence surement dû à une introduction.
Les insectes d’intérêt patrimonial sont représentés par de nombreuses espèces déterminantes et remarquables. Signalons en premier lieu l’existence de quatre espèces déterminantes d’orthoptères qui présentent un fort enjeu de conservation, toutes rares, en régression et liées aux milieux créés par la dynamique naturelle du courant dans le lit mineur de la Durance : l’Oedipode des torrents (Epacromius tergestinus) et le Criquet des torrents (Chorthippus pullus), deux espèces très menacées dont ce secteur de la Haute Durance représente leur bastion en France, le Tridactyle panaché (Xya variegata) et le Tétrix des grèves (Tetrix tuerki).
Les peuplements de lépidoptères comportent un également un fort intérêt, citons l’Hespérie des cirses (Pyrgus cirsii), espèce remarquable d’Hespéridés en régression, inféodée aux milieux ouverts et secs, l’Azuré du Serpolet (Phengaris arion), espèce remarquable et protégée au niveau européen, inféodée aux bois clairs et ensoleillés, pelouses et friches sèches avec présence de ses plantes hôtes, des serpolets et de sa principale fourmi hôte, Myrmica sabuleti, jusqu’à 2400 m d’altitude, la Proserpine (Zerynthia rumina), espèce ouest méditerranéenne remarquable dont la chenille vit sur l’Aristoloche Aristolochia pistolochia et dont l’adulte fréquente les pentes sèches, éboulis et coteaux pierreux, chauds et ensoleillés jusqu’à 1500m. d’altitude, l’Apollon (Parnassius apollo), espèce remarquable et en régression de Lépidoptères Papilionidés, protégée au niveau européen, habitant les rocailles, pelouses et éboulis à Crassulacées et Saxifragacées des étages montagnard à alpin, entre 500 et 2500 m d’altitude, la Mélitée des digitales (Melitaea aurelia), espèce remarquable euro sibérienne liée aux pelouses sèches, landes et lisières fleuries jusqu'à 1500 m d'altitude, le Grand Sylvain (Limenitis populi), espèce forestière remarquable de Lépidoptères Nymphalidés, d’affinité euro sibérienne, que l’on rencontre dans les clairières des forêts humides de feuillus jusqu’à 1700 m. d’altitude, dont la chenille se développe principalement sur le Tremble (Populus tremula), le Moiré provençal (Erebia epistygne), espèce déterminante de Lépidoptères Nymphalidés Satyrinés dont la répartition est étroitement limitée au sud-ouest de l’Europe et en France à quelques départements méridionaux, qui se rencontre sur les pelouses sèches où croît les plantes hôtes de sa chenille (surtout la Fétuque cendrée festuca cinerea), l’Hermite, lépidoptère Nymphalidés Satyrinés en forte régression, lié aux milieux très ouverts et secs où croissent ses plantes hôtes, plusieurs graminées (fétuques et brachypodes) et l’Isabelle de France (Actias isabellae), espèce déterminante de lépidoptère emblématique des Alpes du sud, protégée au niveau européen, de répartition ouest méditerranéenne morcelée (en France : Hautes Alpes, Alpes de Haute Provence et Pyrénées Orientales), principalement inféodée aux peuplements de Pin sylvestre des versants abrités entre 600 et 1800 mètres d’altitude. En bordure du cours d’eau voire même sur certaines terrasses alluviales, notons la présence d’un papillon de nuit également emblématique de la Haute Durance, le Sphinx de l’Argousier (Hyles hippophaes), espèce déterminante et rare partout, extrêmement localisée et protégée au niveau européen, strictement inféodée aux bords des torrents, rivières et ravines, où pousse l’Argousier, plante nourricière de sa chenille.
Cinq espèces d’odonates viennent enfin compléter les cortèges entomologiques. Chez les Anisoptères le Sympétrum du Piémont (Sympetrum pedemontanum), espèce remarquable d'odonates Libellulidés des canaux et cours d'eau intermittents, peu commune en France et dont le bassin de la Durance représente un bastion, le Sympétrum vulgaire (Sympetrum vulgatum vulgatum), espèce devenue rare et en régression en région PACA, où elle se trouve en limite d’aire méridionale et le Cordulégastre bidenté (Cordulegaster bidentata), espèce remarquable de grande taille, inféodée par sa larve aquatique aux ruisseaux des versants pentus des montagnes sud européennes. Chez les Zygoptères on trouve l’Agrion de Mercure (Coenagrion mercuriale), espèce remarquable et protégée en France, d’affinité méridionale, qui se rencontre dans les cours d’eau ensoleillés, à courant plus ou moins vif, sur substrat calcaire (fossés, petits ruisseaux, effluents de sources) et l’Agrion bleuissant (Coenagrion caerulescens), espèce méditerranéenne déterminante liée aux eaux courantes claires et ensoleillées, globalement rare, localisée et menacée en France.

Fonctionnalité/Liens éventuels avec d’autres ZNIEFF

Cette ZNIEFF de type 1 n’est pas incluse dans une ZNIEFF de type 2. De par sa position le long de la Durance, large vallée glaciaire, qui est une voie importante de pénétration à l’intérieur des Alpes, le site se trouve sur un flux migratoire nord sud.
L’écocomplexe fluviatile durancien présente un important niveau d’organisation étroitement dépendant de la dynamique hydraulique torrentielle et du charriage des alluvions, conditions strictement dépendantes du bon fonctionnement de l’ensemble de son bassin versant. Ainsi par exemple sur le site il existe d’anciens bras morts et des adoux qui représentent des refuges indispensables pour la flore et la faune. Dans l'ensemble, la ripisylve est relativement large et la Durance dispose d'un lit en tresses où se maintiennent de nombreux îlots végétalisés, présentant à la fois les premiers stades de la dynamique de végétation indispensable au maintien des espèces pionnières, ainsi que des stades de ripisylves plus évolués, habitat d’espèces spécialisées strictement inféodées aux forêts riveraines humides. Cependant, la ripisylve tend à vieillir localement (réduction de la surface des habitats pionniers) par manque de grosses crues.
La valeur patrimoniale de l'adoux de Crépon Barrachin a été reconnue avec la mise en place d’un Arrêté Préfectoral de Protection de Biotope.
Toutefois, rappelons que cette portion de vallée fait encore l'objet d'extractions de matériaux alluvionnaires en lit mineur, deux bases nautiques alimentées par la nappe phréatique jalonnent le cours d'eau et que les rejets de station d'épuration ne sont pas complètement aux normes. De plus, de nombreux dépôts sauvages sont abandonnés dans la ripisylve.
En revanche, la pratique des sports d’eau vive, lorsqu’elle ne se traduit pas par l’aménagement artificiel du cours d’eau, ne semblent pas avoir de conséquences sur la rivière.

Commentaires sur la délimitation

Les limites du site englobent l’écocomplexe fonctionnel d’un tronçon de la Durance, associant le cours d’eau, ses bras secondaires, ses ripisylves et ses zones humides connexes proches. Elles excluent l’essentiel des secteurs fortement anthropisés (cultures, zones urbaines et semi-urbaines) situés en bordure. Ces derniers justifient la délimitation par les fortes discontinuités écologiques et paysagères occasionnées.