ZNIEFF 930012777
FAÇADE OUEST DU MASSIF DU BÉAL TRAVERSIER

(n° régional : 05107100)

Commentaires généraux

Description

Localisé, dans la partie nord est du département des Hautes Alpes, dans la région du Briançonnais, le site englobe la façade ouest du massif du Béal Traversier et les affluents est de la vallée de la Haute Durance, entre le massif des Ecrins à l'ouest et le massif du Queyras à l'est.
Ce site montagneux, est constitué de calcaires dolomitiques, de grès houillers et de quartzites. Ces formations sédimentaires sont largement recouvertes par un substrat d'éboulis et de moraines mélangés.
Localisé dans la zone biogéographique des Alpes internes briançonnaises, il est soumis à un climat montagnard de type continental marqué, caractérisé par un ensoleillement important, des précipitations annuelles moyennes relativement faibles et un contraste thermique saisonnier marqué.
Débutant à l’étage de végétation montagnard à environ 1090 m d'altitude, il surmonte la vallée de la Durance et culmine à 2 910 m au Pic du Béal Traversier. Il est surtout étendu aux étages de végétation subalpin et alpin.
Dominé par des crêtes ébouleuses et des falaises abruptes, sa végétation se caractérise surtout par de vastes étendues herbeuses parsemées de lacs et marécages et par d’importants mélèzins sur les ubacs des vallons affluents et par d’importantes pinèdes de Pin sylvestre et de Pin à crochets, sur l'adret de la vallée de la Durance.

Milieux remarquables

Sept habitats déterminants sont représentés. Il s’agit de milieux humides, d’éboulis calcaires et de formations herbaçées steppiques. Ce sont : les bas marais cryophiles d’altitude des bords de sources et suintements à Laîche des frimas (Carex frigida) [assoc. phyto. Caricetum frigidae (54.28)], les bas marais pionniers arctico alpins à Laîche bicolore (Carex bicolor) [all. phyto. Caricion incurvae (54.3)], les ceintures péri lacustres des lacs froids et mares d’altitude à Linaigrette de Scheuchzer (Eriophorum scheuchzeri) [assoc. phyto. Eriophoretum scheuchzeri (54.41)], les tourbières de transition [all. phyto. Caricion lasiocarpae (54.5)], les éboulis calcaires fins, représentés notamment par des formations à Liondent des montagnes (Leontodon montanus) et à Bérardie laineuse (Berardia subacaulis) [assoc. phyto. Leontodontetum montani (61.2321) et Berardietum lanuginosi (61.2322)], et les pelouses steppiques sub continentales [all. phyto. Stipo capillatae Poion carniolicae (34.31)].
Quinze autres habitats remarquables sont présents : les saulaies arctico alpines des bas marais et bords de ruisseaux à Saule arbrisseau (Salix foetida) [all. phyto. Salicion lapponi glaucosericeae (31.6212)], les saulaies arctico alpines des pentes rocheuses froides et humides à Saule soyeux (Salix glaucosericea) [all. phyto. Salicion helveticae (31.6211)], les pelouses calcicoles alpines et subalpines à Séslérie bleutée (Sesleria caerulea) et Laîche toujours verte (Carex sempervirens) [all. phyto. Seslerion caeruleae (36.43)], les mégaphorbiaies montagnardes et subalpines, formations opulentes de hautes herbes des combes humides et fraîches [all. phyto. Adenostylion alliariae et Calamagrostion villosae (37.8)], les prairies de fauche d’altitude [all. phyto. Triseto flavescentis Polygonion bistortae (38.3)], les sapinières intra alpines [sous all. phyto. Rhododendro ferruginei Abietenion albae (42.133)], les mélèzins cembraies ou forêts de Mélèze (Larix decidua) et de Pin cembrot (Pinus cembra) (42.3), dont les remarquables cembraies du Bois des Ayes et du Bois des Barres, les pinèdes intra alpines de Pin sylvestre (Pinus sylvestris) [all. phyto. Ononido rotundifolii Pinion sylvestris (42.53) et Deschampsio flexuosae Pinion sylvestris (42.55)], les bas marais alcalins à Laîche de Davall (Carex davalliana) [all. phyto. Caricion davallianae (54.23)], les bas marais acides [all. phyto. Caricion fuscae (54.4)], les éboulis siliceux alpins [all. phyto. Androsacion alpinae et Dryopteridion abbreviatae (61.1)], les éboulis calcaires alpins [all. phyto. Thlaspion rotundifolii (61.2)], les formations végétales des rochers et falaises calcaires [all. phyto. Potentillion caulescentis et Violo biflorae Cystopteridion fragilis (62.15)] et siliceuses [all. phyto. Androsacion vandellii et Asplenion septentrionalis (62.2)].
Plusieurs complexes de zones humides associant des lacs, marécages divers, tourbières, plans d'eau, bas marais et magnocariçaies, abritant des espèces animales et végétales à forte valeur patrimoniale sont à remarquer. Quelques fourrés d'Aulne vert (Alnus alnobetula) [all. phyto. Alnion viridis (31.611)], très localisés sur le site, témoignent ponctuellement de situations particulièrement fraîches, au sein d’un site très marqué par le climat continental sec intra alpin. Il s’agit d’un habitat très original par sa situation biogéographique au cœur des Alpes sèches, entre les aulnaies vertes du massif des Ecrins à l’ouest et celle de la partie orientale du Queyras.

Flore

Le site comprend trente espèces végétales déterminantes. Douze sont protégées au niveau national : le Panicaut des Alpes (Eryngium alpinum), l'Orchis de Spitzel (Orchis spitzelii), inféodé au pinèdes, la Rhapontique à feuilles d'Aunée (Rhaponticum heleniifolium subsp. heleniifolium), la Corbeille d'argent du mont Aurouse (Iberis aurosica), dont la présence sur le site constitue un isolat très restreint, l'Androsace pubescente (Androsace pubescens), le Dracocéphale d'Autriche (Dracocephalum austriacum), lamiacée à floraison spectaculaire inféodée aux rocailles et pelouses steppiques, rarissime en France, le Saule à feuilles de myrte (Salix breviserrata), le Saule de Suisse (Salix helvetica), la Laîche faux Pied d'oiseau (Carex ornithopoda subsp. ornithopodioides), petite cypéracée affectionnant les rocailles longuement enneigées de l'étage alpin, la Laîche bicolore (Carex bicolor), autre rare cypéracée mais liée pour sa part aux marécages arctico alpins froids d’altitude, l'Avoine odorante (Hierochloe odorata), rarissime graminée des pelouses tourbeuses et marécages boréo alpins inscrite au Livre Rouge National des plantes menacées, et le Pin mugho (Pinus mugo subsp. mugo), dont la présence sur le site nécessiterait d’être confirmée. Huit sont protégées en région Provence Alpes Côte d’Azur : le Potamot des Alpes (Potamogeton alpinus), le Dactylorhize couleur de sang (Dactylorhiza incarnata subsp. cruenta), la Petite utriculaire (Utricularia minor), petite plante carnivore aquatique des mares de tourbières acides, anciennement signalée et à rechercher, l'Euphraise visqueuse (Macrosyringion glutinosum), plante hémi parasite des pelouses sèches dont les populations briançonnaises (les seules françaises) sont excentrées de l'aire sud est européenne de cette espèce, qu’il conviendrait de retrouver également sur le site, la Violette des collines (Viola collina), le Jonc arctique (Juncus arcticus), autre plante arctico alpine rare des marécages et bords de ruisselets, le Pâturin vert glauque (Poa glauca) et le Saxifrage fausse diapensie (Saxifraga diapensioides). Dix espèces n’ont pas de statut de protection : le Buplèvre des Alpes (Bupleurum alpigenum), grand buplèvre localisé en France à la haute vallée de la Durance et au Queyras, où il occupe les prairies de fauche, mégaphorbiaies et lisières forestières fraîches, la Prêle des bois (Equisetum sylvaticum), caractéristique des sous bois humides et dont il s’agit de la seule station du département des Hautes Alpes, le Sainfoin de Briançon (Hedysarum brigantiacum), légumineuse récemment décrite, l'Astragale d'Autriche (Astragalus austriacus), petite fabacée plus largement répartie en Europe centrale, très rare en France, où elle se localise aux seules vallées de la Durance et de l'Ubaye, où elle occupe les pelouses d'affinités steppiques, l'Asarum d'Europe (Asarum europaeum), historiquement mentionné et à rechercher dans les forêts, le Scirpe de Hudson (Trichophorum alpinum), rare cypéracée des bas marais arctico alpins, la Laîche très noire (Carex atrata var. aterrima), la Calamagrostide velue (Calamagrostis villosa), graminée associée aux mégaphorbiaies et forêts subalpines de conifères en situations fraîches, sur substrats acides, le Pied d'alouette douteux (Delphinium dubium), spectaculaire renonculacée des mégaphorbiaies subalpines, des aulnaies vertes et des prairies fraiches, et le Cotonéaster de l'Atlas (Cotoneaster nebrodensis).
Par ailleurs, le site comprend cinq espèces végétales remarquables. Trois sont protégées au niveau national : la Bérardie laineuse (Berardia subacaulis), composée archaïque endémique des Alpes sud occidentales typique des éboulis calcaires à éléments fins, le Scirpe alpin (Trichophorum pumilum), rare cypéracée circumboréale des bas marais froids d’altitude, et l'Ancolie des Alpes (Aquilegia alpina). Deux sont protégées en région Provence Alpes Côte d’Azur : la Minuartie des rochers (Minuartia rupestris subsp. rupestris), inféodée aux fissures de parois et éboulis terreux calcaires, et le Saule pubescent (Salix laggeri), arbuste endémique des Alpes qui pousse dans les alluvions humides et sur les berges de torrents, où il forme des fourrés ripicoles denses.

Faune

Le site héberge un patrimoine faunistique relativement intéressant. Il abrite en effet quarante et une espèces animales patrimoniales, dont quatorze sont déterminantes.
En ce qui concerne les mammifères d’intérêt patrimonial, le site abrite notamment la Barbastelle d'Europe (Barbastella barbastellus), espèce forestière déterminante, vulnérable et en régression, d’affinité médio-européenne, très résistante au froid, le Vespère de Savi (Hypsugo savii), espèce remarquable rupicole et montagnarde d’affinité méridionale, qui exploite d’une part les milieux forestiers (surtout ceux riverains de l’eau) pour la chasse et d’autre part les milieux rocheux (falaises) pour les gîtes, jusqu’à 2 400 m d’altitude, le Loup (Canis lupus), carnivore déterminant aujourd’hui en expansion ainsi que le Cerf élaphe (Cervus elaphus) et le Lièvre variable (Lepus timidus), espèce remarquable en régression, relicte de l’époque glaciaire, fréquentant des milieux assez variés (alpages, éboulis, landes, forêts, pelouses, champs, cultures, friches) entre 1 200 et 3 100 m d’altitude. L’avifaune nicheuse locale d’intérêt patrimonial comprend notamment l’Aigle royal (Aquila chrysaetos), le Circaète Jean-le-blanc (Circaetus gallicus), la Bondrée apivore (Pernis apivorus), l’Autour des palombes (Accipiter gentilis), le Tétras lyre (Tetrao tetrix), espèce remarquable fragile, emblématique des Alpes, le Lagopède alpin (Lagopus mutus), espèce remarquable menacée et en régression, d’origine arctique, relique de l’époque glaciaire dans les Alpes, où elle occupe les reliefs de croupes et de crêtes, fréquemment déneigées et balayées par le vent, la Perdrix bartavelle (Alectorix graeca), la Caille des blés (Coturnix coturnix), le Crave à bec rouge (Pyrrhocorax pyrrhocorax), petit corvidé vivant en colonies dans certaines falaises, le Tichodrome échelette (Tichodroma muraria), espèce paléo montagnarde remarquable et relativement rare, recherchant les gorges et escarpements rocheux, la Chouette de Tengmalm (Aegolius funereus), espèce boréo alpine forestière et déterminante, des hêtraies, pessières, cembraies et mélézins, la Chevêchette d’Europe (Glaucidium passerinum), espèce euro sibérienne déterminante et rare de la taïga et des forêts claires de résineux dans les Alpes (mélézins, sapinières, pessières, cembraies), le Pic noir (Dryocopus martius), le Sizerin flammé (Carduelis flammea), nicheur localisé et assez peu fréquent, que l’on rencontre dans les aulnaies vertes, les ripisylves, les mélézins et les rhodoraies, le Venturon montagnard (Carduelis citrinella), passereau paléomontagnard remarquable, typique des boisements de conifères semi ouverts, le Moineau soulcie (Petronia petronia), espèce déterminante paléoxérique, d’affinité méridionale, la Niverolle alpine (Montifringilla nivalis), espèce paléomontagnarde remarquable, caractéristique des pelouses avec escarpements rocheux des étages alpin et subnival des massifs montagneux les plus élevés, le Monticole de roche (monticola saxatilis), le Bruant fou (Emberiza cia), le Bruant ortolan (Emberiza hortulana), l’Alouette lulu (Lululla arborea), le Cincle d’Europe (Cinclus cinclus) espèce typique des torrents montagnards et la Rousserole verderolle (Acrocephalus palustris), espèce peu commune des fourrés humides et mégaphorbiaies. Le Gypaète barbu (Gypaetus barbatus) et le Vautour fauve (Gyps fulvus), deux vautours déterminants non nicheurs fréquentent le site pour leur alimentation.
Les amphibiens sont représentés par le Triton alpestre (Ichthyosaura alpestris), espèce déterminante rare dans les Alpes du Sud.
Les peuplements entomologiques locaux sont particulièrement diversifiés. Les papillons de jour (rhopalocères) se distinguent par la présence de sept espèces patrimoniales. Parmi celles-ci, quatre sont déterminantes : le Solitaire (Colias palaeno europomene), espèce protégée en France, dont la sous espèce europomene est endémique des Alpes, inféodée aux biotopes à Airelles (Vaccinium ssp.), l’Alexanor (Papilio alexanor), espèce protégée au niveau européen, d’affinité méditerranéo montagnarde et propre aux éboulis et versants accidentés et ensoleillés où croît sa plante hôte locale (Ptychotis saxifraga), le Moiré piémontais (Erebia aethiopellus), espèce endémique franco-italienne cantonnée aux Alpes occidentales, inféodée aux pelouses alpines sèches à Fétuque paniculée (Festuca paniculata) et l’Hespérie rhétique (Pyrgus warrenensis), espèce très rare et localisée, endémique des Alpes, occupant certaines pelouses subalpines et alpines. Elles sont accompagnées de plusieurs espèces remarquables : la Piéride de la roquette (Euchloe simplonia), espèce à aire disjointe des Alpes occidentales, Pyrénées et monts Cantabriques, inféodée aux pelouses subalpines où croissent ses plantes hôtes (Biscutella laevigata et Sisymbrium ssp.), l’Apollon (Parnassius apollo), espèce relicte de l’ère tertiaire, protégée au niveau européen, habitant les rocailles, pelouses et éboulis à Crassulacées et Saxifragacées entre 500 et 2500 m d’altitude, le Petit Apollon (Parnassius corybas sacerdos), espèce protégée en France, d’affinité alpine, associée aux bordures des torrents et les zones humides entre 1 600 et 3 000 m d’altitude, dont la chenille est inféodée au Saxifrage faux aizoon (Saxifraga aizoides) et à la Joubarbe des montagnes (Sempervirum montanum). Citons également la présence d’une espèce déterminante de papillons de nuit (hétérocères) : l’Isabelle (Actias isabellae), espèce emblématique des Alpes du sud, protégée au niveau européen, de répartition ouest-méditerranéenne morcelée (en France : Hautes-Alpes, Alpes de-Haute-Provence et Pyrénées-Orientales), principalement inféodée aux peuplements de Pin sylvestre des versants abrités entre 600 et 1800 mètres d’altitude. Les odonates sont représentés par la Cordulie des Alpes (Somatochlora alpestris), espèce déterminante d’affinité boréo alpine, rare et en limite d’aire en région Provence Alpes Côte d’Azur, liée aux milieux marécageux à haute altitude. Les orthoptères sont représentés par le Criquet ensanglanté (Stethophyma grossum), espèce remarquable d'orthoptère d'affinité eurosibérienne, en forte régression en dehors des Alpes, strictement liée aux prairies très humides et surfaces marécageuses.

Fonctionnalité/Liens éventuels avec d’autres ZNIEFF

Cette ZNIEFF de type 2 englobe la ZNIEFF de type 1 : «05_107_125   Bois des Ayes   bois des Barres   Vallouret   ubac du pic de Maravoise».
De par sa position, le long de la Durance, large vallée glaciaire qui est une voie de pénétration importante à l’intérieur des Alpes, le site se trouve sur un flux migratoire nord sud. Il s’inscrit par ailleurs dans le système forestier fonctionnel comprenant de vastes étendues forestières, qui bordent la vallée de la Durance sur les contreforts des massifs des Ecrins et du Queyras.
Ce territoire est encore bien marqué par l'empreinte des activités humaines traditionnelles extensives (agriculture avec des pratiques extensives pastoralisme, sylviculture), mais aussi par l'accueil de nombreux promeneurs sur les sentiers de randonnées.
Toutefois, l'abandon de la fauche en altitude, sur les anciennes prairies est susceptible à terme de mener à une importante réduction de la diversité floristique, accentuée et accélérée par le pâturage ovin qui succède à cette pratique et se concentre sur les alpages. En parallèle en fond de vallée, l'abandon des cultures ou de la fauche sur les anciennes terrasses, a conduit à l'installation de pelouses sèches partiellement utilisée pour le parcours d’ovins. La pression pastorale tendant actuellement à diminuer dans ces fonds de vallée, la dynamique de végétation se poursuit par la colonisation d'une végétation ligneuse qui présente quelques inconvénients : risques d'incendies accrus, banalisation du paysage, risques de diminution à terme de la biodiversité, réduction des espaces pastoraux et de leur valeur.
La fréquentation touristique, importante du fait de l'accessibilité de ces vallons, de la présence de nombreux hameaux habités en été, de lacs d'altitude et de paysages grandioses, peut avoir des conséquences directes sur la flore et ses habitats (création de drailles, cueillette, piétinement, érosion, pollution visuelle et sonore liée aux nombreux passages et aux détritus abandonnés sur place).

Commentaires sur la délimitation

Le site intéresse la façade ouest du massif du Béal Traversier et se limite à l’amont aux plus hautes crêtes. A l’aval, les zones fortement occupées par les activités humaines (urbanisation, infrastructures, voies de communication) sont exclues. La délimitation tente cependant, le plus possible, de se caler sur des repères topographiques géographiques ou paysagers marqués, lorsqu’il en existe.